samedi 19 juillet 2014

Traversée Marquises Hawaii

Par Armelle


Un départ houleux pour les âmes de l’équipage
Je crois que jamais un départ ne fut plus pénible que celui des Marquises. Nous avons été comme ensorcelés par le pouvoir d’attraction de ses îles et les amitiés que nous y avons scellées n’ont pas aidés à rompre le champ. Les derniers jours sont toujours difficiles entre l’avitaillement et la préparation du bateau pour une nouvelle longue navigation à partager avec l’envie de profiter des derniers instants avec ceux que l’on va quitter. La météo, compatissante cette fois, nous laissera quelques jours de plus et c’est bien la première fois que la nouvelle sera bien accueillie par tous à bord.
Comme à l’accoutumée, dès le découvert de l’île de Nuku Hiva, le bateau dance en rythme avec nos estomacs et viendra renforcer le vague à l’âme de l’équipage. Nos pensées resteront aux Marquises encore quelques jours avec Nomanie, Ui, Dig Doug et Theofania avant de se tourner vers Hawaii. Notre destination se détourne des routes classiques du Pacifique. Habituellement les voiliers poursuivent leur route vers les Tuamotus, les îles de la Société puis encore plus à l’ouest pour atteindre la Nouvelle-Zélande avant l’automne prochain. Pour nous c’est plein nord direction l’Alaska via Hawaii pour redescendre ensuite le long des côtes américaines. L’originalité de cette boucle rend pour le moins incertaines ou lointaines les possibles retrouvailles avec les voiliers que nous quittons. Ils prennent dès lors une saison d’avance sur nous dans le Pacifique. Nous avions déjà connus cela en quittant les Caraïbes et par là même tous ceux qui ne passaient pas Panama. C’est la règle du jeu, partir, faire de nouvelles rencontres, se séparer, refaire des rencontres, se perdre de vue pour à nouveau se retrouver. C’est le tourbillon de la vie comme le chante si bien Jeanne Moreau avec ses parts de joie et de tristesse que pour l’heure nous apprécions moyennement. La consolation c’est que chaque jour passé en mer c’est aussi un petit pas vers la France. Non, non ! Nous ne sommes pas en plein délire géographique ! Seulement il faut vous préciser un récent projet échafaudé pendant notre séjour aux Marquises : par un heureux tour de passe-passe de quatre paires de main généreuses les vols Paris-Hawaii de nos parents, qui prévoyaient de venir nous y rejoindre, se sont transformés en vols Hawaii-Paris aux noms des quatre membres de l’équipage. Bon d’accord avouons le, l’idée a peut-être germée outre Amérique. Ainsi la perspective de bientôt revoir nos familles et amis de toujours, ceux que l’on quitte sans craindre de perdre à jamais et que l’on retrouve avec bonheur et simplicité viendra vite remonter notre baromètre intérieur.

Une traversée mouvementée
Evidemment lorsque l’on recherche l’originalité il ne faut pas s’attendre à trouver des routes faciles. Faire route au nord implique de serrer un peu plus les alizés. Et si les alizés on les aime bien présents lorsqu’ils sont portants, de travers on les préfère largement plus timides sinon c’est écoutilles fermés, 2 ris voire 3 dans la grand-voile et génois bien enroulé, sans oublier la houle qui vient chatouiller nos flancs jouant impunément au bilboquet avec notre coccinelle. On connait la chanson. Chacun va peu à peu se recroqueviller dans son p’tit coin. Gilles à la table à carte ou allongé dans le carré, toujours au vent, calé par une toile anti-roulis, peu confortable mais c’est sa préférence pour mieux sentir les mouvements du bateau et réagir au plus vite si nécessaire. Moi, au contraire, trop sensible au mal de mer je reste sous le vent, dans le carré, même la nuit car la couchette de notre cabine est trop grande pour pouvoir s’y caler quand le roulis est trop fort. Les filles quant à elles trouvent toujours un petit coin idéal où s’installer selon leurs activités. Elles comblent les places vacantes, parsèment de leurs jouets les surfaces libres, d’humeur égal elles s’accommodent de toutes les conditions et lorsque leur papa quitte quelques temps le carré pour la table à carte elles profitent du créneau pour se précipiter derrière la toile anti-roulis, chacune à sa manière. Camille, façon cabris, commence sa manœuvre en prenant appui sur les marches de la descente, puis un pied sur le plan de la cuisine, le suivant sur la table du carré et le dernier en prenant appui sur l’épontille pour finir en vol plané au dessus de la couchette, ce qui a le don de nous faire rager car les acrobaties de ce genre sont interdites en mer, comme tout autre activités à risque pour les côtes. Apolline a développé une tout autre technique, plutôt façon pingouin, plus en adéquation avec sa situation car privée de l’usage de ces bras encombrés par les nombreux doudous qu’elle porte. Elle amorce un lent et mesuré plongeon la tête la première dans la couchette, le ventre en appui  sur la toile anti-roulis, le corps en équilibre juste quelques secondes le temps que le prochain coup de gîte vienne achever la roulade. Quelques contorsions plus tard une petite tête toute ébouriffée jette une paire d’yeux rieurs par-dessus la toile des fois qu’un doudous soit resté du mauvais bord pendant la manœuvre.

Heureusement l’ensemble de la navigation se fera tribord amure… ? Pour ceux qui ignore ce jargon de marin, tribord amure ça veut dire que le vent vient de tribord et fait gîter le bateau sur son flanc bâbord. Vous imaginez qu’inévitablement tout ce qui est à tribord dans le bateau a soudainement envie de rejoindre l’autre bord. Après quelques vols planés de bricoles en tout genre, pas toujours correctement réceptionnés pendant les premières traversées, on commence à être au point sur le sujet, solutionné par quelques élastiques et bouts d’ficelle un peu partout. Là vous vous demandez mais pourquoi donc la préférence au tribord amure alors…mmh ? … non c’est pas la priorité dont on a que faire en pleine mer… Mais tout simplement parce-que nos prises d’eau de mer sont situés à bâbord et que dans le cas contraire on a plus d’eau de mer et qui dit plus d’eau dit plus de chasse d’eau ! Vous imaginez le tableau… Autre avantage du tribord amure c’est que nos seules équipets (petits placards) sont situées à bâbord donc au cas où le dernier rangement de l’équipet ait été fait un peu trop négligemment on ne risque pas de mauvaise surprise à l’ouverture.

Gilles qui consciencieusement fait régulièrement une petite ronde sur le pont pour inspecter tous les points structurels du bateau découvrira un matin un toron abîmé sur l’un des haubans. Par chance le temps s’est calmé et les conditions sont suffisamment bonnes pour grimper aux barres de flèche et doubler le hauban au cas où la situation s’aggravait avant notre arrivée. Je m’y colle. C’est plus simple car je suis la plus légère.  Quelques minutes plus tard, assuré par Gilles, je redescendrai, le visage un peu blanc, mais la mission accomplie.



Nous profiterons de ces quelques jours de calme pour sortir de notre léthargie forcée, remettre un peu d’ordre, aérer le bateau, se faire une petite toilette + une petite coupe de cheveux pour le Capitaine et refaire les pleins des vivres de la cuisine. Le reste de la traversée rimera avec ‘patience et longueur de temps’. Et dans ces moments là rien n’est plus réconfortant que de recevoir des petits mails de nos familles et amis. On en devient même accros … voir irritables quand la boite aux lettres est vide. Alors continuez ! Et merci à vous car on sait combien votre temps est précieux et n’a pas la même valeur que celui de nos traversées.
Autre réconfort : les belles performances qu’affiche notre compteur. Le bateau va vite et passe bien dans la mer. Sa cure d’amaigrissement draconienne opérée avant le départ est payante ainsi que pas moins de 3 heures de carénage en bouteille. Le travail est récompensé. On est content !

Nous abordons les iles à Hilo sur l’île de Hawaii communément appelées Big Island, la plus grande île de l’archipel, après 17 jours de mer, pour près de 2200 milles parcourues. Une belle performance ! Nous sommes le 12 avril, un samedi, de nombreuses pirogues et voiliers animent le plan d’eau du port Toute cette activité sur un fond de littoral très urbanisé ! Quel contraste avec les iles Marquises !


Par chance nous retrouvons un voilier, perdu de vue depuis les Gambier, grâce à qui le Capitaine ramènera quelques réjouissances culinaires (comprenez ‘hamburgers frites’) promis aux petits matelots du bord pour compenser les privations des derniers jours de mer. Le Capitaine seulement car tant que nous n’avons pas fait les formalités, l’équipage est consigné à bord (dur dur lorsqu’on arrive un samedi soir et que l’on doit attendre le lundi matin). 

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