mercredi 26 août 2015



Coccinelle aux Marquises (saison deux).

Par : Armelle & Gilles.






Coccinelle sous voiles entre Nuku Hiva et Tahu Ata.

Déjà plus de 6 mois que nous avons retrouvé les Marquises. En janvier, après un bref salut à Gauguin et Brel sur l’île d’Hiva Oa qui manquait à notre itinéraire de l’an passé, puis un petit séjour dans notre mouillage préféré de Tahu Ata, nous avons vite regagné l’île de Nuku Hiva pour la rentrée scolaire des filles et repris nos petites habitudes de l’année passée. Oubliée la frénésie des grandes villes de Californie pour se fondre dans la quiétude du petite village de Taiohae, où rien n’a changé : Henri et son snack, Jean et Maeva à la pirogue, les copains-profs sur la plage et les nombreux voiliers dans la baie qui, comme nous, viennent trouver refuge pendant la saison cyclonique. On se retrouve, on s’attend, on fait de nouvelles rencontres.

Ces trois mois passés à Nuku Hiva ont vite filé, rythmés notamment par la restauration d’une pirogue de type V3 (V3 pour 3 rameurs, contre un pour le V1 pour un rameur, et V6 pour 6 rameurs), sous la houlette de mon ami Pierre. Nous en avons passé des heures à manier la ponceuse et la spatule, la résine époxy ou polyester, la ponceuse encore et le pinceau de nouveau, pour redonner à cette pirogue son lustre d’antan. Mais le chantier a duré plus longtemps que prévu, et quand le temps s’en est venu de devoir quitter Nuku Hiva, le travail n’était pas encore terminé. Nous n’avons donc pas eu le plaisir de ramer sur notre splendide V3 ni même la joie d’admirer sa jolie robe jaune, qui devait être appliquée par un pro de la carrosserie automobile. Las, une probable erreur de dosage de la peinture bi composants a ruiné le fini (ce qui est ballot pour une peinture de finition), elle a mis une éternité à polymériser et au bout du compte sa surface est apparue toute grêlée, à refaire. Quand nous sommes passés à Nuku Hiva fin juin avant de descendre vers les Tuamotu, elle en était toujours là… Mais je ne désespère pas un jour prochain de pouvoir enfin ramer à son bord ! Et puis, on a créé une petite dynamique, une autre pirogue a été retapée, des jeunes s'y mettent.

Nuku Hiva saison deux, fut aussi l’occasion pour nous de nous initier au surf, surtout Armelle d’ailleurs qui dès sa première vague, a réussi à tenir debout sur sa planche (grâce à un bon professeur !). Pour les filles, la petite balade à cheval de l’an dernier a pris une autre dimension cette année quand elles ont chevauché d’un bout à l’autre la grande plage de Taiohaé, sur plusieurs kilomètres.

Côté virus et parasites l’année dernière nous vous avions raconté nos déboires avec les poux et les cafards. Cette année c’est le chikungunia et la gale qui sont venus nous visiter, puis juste derrière le syndrome pied-main-bouche. Et comme tous ça c’est contagieux, les filles ont manqué l’école pendant près d’un mois (ouaiai !), privées aussi de baignade (oooh !). Le climat des Marquises favorise la vie sous toutes ses formes !


Nuku Hiva. Avec Pierre au travail sur la pirogue. On a parfois oublié de passer l’balai…

Nuku Hiva. Apolline, Lino, et le Tiki.

Nuku Hiva. Si si ! C’est une vague !


Nuku Hiva. Apolline et Camille à cheval sur la plage de Taiohaé.


Nuku Hiva. Encore et toujours la sortie en pirogue du soir.



Nuku Hiva. Apolline et Camille en route vers la cascade d’Hakaui.


Vivre les Marquises à la Marquisienne, au présent sans lendemain, opportunistes* le matin, déjà fiu** l’après-midi, festifs, philosophes ou contemplatifs le soir, dans un décor toujours aussi majestueux, où le vent ne souffle jamais ni trop fort ni trop froid ; tout cela nous avait terriblement manqué lors de notre mésaventure en Alaska ! La Coccinelle et son équipage se posent un temps, se reposent aussi et réfléchissent à l’avenir.
Certes lors du démâtage nous étions assurés, mais nous y avons bien sûr laissé des plumes, même si au final et avec le recul il faut reconnaître que l’on s’en est plutôt bien sortis.
Revenus aux Marquises, il était devenu évident qu’il fallait remplir la caisse de bord, qui avait sensiblement fondu. Et donc travailler. Car aux frais liés au démâtage sont venus s’ajouter ceux générés par la remise à niveau du bateau, hors gréement, même si nous avons pu bénéficier aux Etats-Unis de tarifs plus légers qu’en Europe, ou qu’en Polynésie.

Auparavant, il nous a fallu régler avec les Douanes l’épineux problème de la Papeetisation.

La Papeetisation, quèsaco ?
La loi est claire. Toute personne qui arrive en voilier n’est pas sensée travailler sur le territoire du ‘Pays’, sans avoir ‘Papeetisé’ son bateau, c'est-à-dire s’être acquitté auprès des Douanes des droits et taxes dites de mise à la consommation. Cette taxe est désormais fixée à 7 % de la valeur du bateau. Nous étions tout à fait au courant de ce texte, c’est pourquoi nous avions dès la veille de la première journée de travail d’Armelle à Atuona, adressé aux Douanes à Papeete un mail les informant de notre situation. Bien nous en a pris, car en avril, lors de la tournée annuelle de contrôle des voiliers en grande transhumance Pacifique, de passage aux Marquises, les Douaniers sont montés à bord. J’étais seul à bord, et je leur ai fait part du fait qu’Armelle travaillait au collège depuis une dizaine de jours, et que nous étions toujours en attente d’une réponse au mail que je leur avais envoyé un peu plus tôt. Ayant pu prouver notre bonne foi nous avons ainsi pu éviter, de justesse, une amende qui à ce que j’ai cru comprendre peut atteindre jusqu’à 50% de la valeur du bateau. Ce qui n’a pas empêché le bras armé du Ministère du Budget de saisir Coccinelle, tout en nous en laissant heureusement la jouissance. Nous avons ensuite lancé une procédure de Papeetisation (voir plus loin le texte, pour ceux que cela intéresse), et nous sommes acquittés de la somme de 2.500 € environ, transitaire compris. Puis la saisie a été levée. Ouf ! Nous pouvons désormais travailler, et rester en Polynésie Ad Vidam Eternam, même si là n’est pas notre intention, qui reste de boucler la boucle et à un moment ou un autre nous reprendrons le chemin de La Rochelle, via Belle île.


Hiva Oa, ‘gémir n’est pas de mise, aux Marquises’ (J. Brel).
Etant donné mon niveau d’études, Bac à sable, et celui d’Armelle, Bac + 7, nous décidons à l’unanimité que ce serait Armelle qui chercherait un travail. Etant attirée par l’enseignement et sachant que bon nombre d’établissements scolaires manquent d’enseignants elle a contacté le Rectorat de Papeete afin de voir si elle ne pourrait pas mettre ses connaissances scientifiques à la disposition des élèves Polynésiens à la rentrée prochaine. A notre grande surprise elle s’est aussitôt vue proposer un poste à 1/3 temps au collège / lycée d’Atuona, non en maths, ni en physique mais en arts plastiques et arts appliqués. C’est donc fin mars que nous avons quitté Nuku Hiva et sa superbe baie pour Atuona. Atuona, tout le monde (ou presque) connaît, c’est là que Paul Gauguin et Jacques Brel ont terminé leurs jours, ils y sont d’ailleurs enterrés. Si un 1/3 temps ne nourrit pas son professeur ni sa famille, nous pensions que cette première expérience nous aiderait à décrocher un poste à plein temps pour l’année scolaire 2015 2016. C’est effectivement ce qui s’est passé, et le 10 août prochain, nous sommes retournés à Atuona pour la rentrée des profs, puisque Armelle y travaille désormais 14 heures par semaine, sachant qu’un temps plein en compte 18. Comme nous l’avons fait au cours des mois précédents, chaque week-end (voir plus loin) nous prendrons le chemin de notre mouillage secondaire, Ana Moe Noa sur l’île de Tahu Ata. Les postes de fonctionnaires territoriaux, et par conséquent les enseignants, sont très bien payés en Polynésie, avec un salaire brut et quasi sans retenues, multiplié par 2.08 par rapport à ceux de métropole, dans le cas des îles les plus isolées, ce qui est le cas pour les Marquises. Et le tout net d’impôts. Cette indexation du salaire des fonctionnaires vise officiellement à contrecarrer la vie chère dans les territoires du Pacifique ; à moins qu’elle n’en soit l’une des causes ? En tous cas nous allons en profiter, il appartient au législateur de revoir cet état de fait pour le moins inégalitaire, car les salariés du privé, peu nombreux il est vrai dans les îles, ne bénéficient pas de ces dispositions.
Le ramassage scolaire passe au port, et chaque matin à 06h45 Gilles dépose les filles et leur maman professeure à terre pour qu’elles se rendent à l’école avec le Truck, ces châssis de camions équipés d’une cabine en bois et qui font office de car de ramassage scolaire dans les îles ; il y a encore quelques années les trucks représentaient le mode de transport public principal à Tahiti, mais on a estimé que l’alignement des passagers en rang d’oignons dans le sens de la longueur n’était plus en conformité avec les règles modernes de sécurité routière. Heureusement, le mythe perdure dans les îles…



Bienvenue à Hiva Oa. Chouette, on va y rester quelque temps !



La cours de récré de l’école d’Atuona.


Hiva Oa. La famille Coccinelle sur les hauteurs du port.



Hiva Oa. Zen…



Hiva Oa. La tombe de Jacques Brel.



Hiva Oa. La tombe de Paul Gauguin.


Hiva Oa. Le Truck, le car de ramassage scolaire.



Hiva Oa. Le Truck, le car de ramassage scolaire.

Hiva Oa. Séance de CNED pour Apolline et Camille.

Tahu Ata.
Les eaux qui baignent les îles Marquises sont loin d’être cristallines, elles sont en général très chargées. Dans l’eau, on n’aperçoit pas la main tendue tant l’eau est chargée d’alluvions qui salissent les coques et n’engagent guère à la baignade. Mais heureusement à moins de deux heures de Hiva Oa, il y a Tahu Ata. Tahu Ata, c’est un peu le paradis délaissé tout à côte de la grande ville. Il faut cependant relativiser, quand la ville s’appelle Atuona et qu’elle cumule un petit millier d’habitants, et quand l’île s’appelle Tahu Ata et que sa population totale culmine à 700 âmes. Tahu Ata possède un atout de choc, celui d’offrir de jolies plages de sable fin rares aux Marquises, bordées de cocotiers, et surtout offrant une eau de couleur bleue, qui sans avoir la clarté des fonds des Tuamotu, permet tout de même de nager avec les reines du lieu, les raies Manta. Dans la baie d’Ana Moe Noa, c’est avec toute une famille de raies, la plus grande atteignant les 4 mètres d’envergure, les plus petites 1.50 m peut-être, que le visiteur peut batifoler en étant simplement équipé de palmes masque tuba. Ces séances de nage sont magiques (Apolline eut droit à son baptême avec les raies le jour de ses six ans), et il faut vraiment se convaincre qu’elles sont parfaitement inoffensives quand elles se nourrissent, alors qu’elles filtrent l’eau l’immense gueule grande ouverte, battant lentement l’eau de leurs ailes, et qu’elles arrivent vers vous. A Tahu Ata, du nord au sud, sous le vent, trois mouillages offrent leurs charmes. Au nord, Ana Moe Noa donc ; plus au sud, Vaitahu, le village principal, où le débarquement peut parfois être problématique, quand la houle vient à marée haute recouvrir le petit débarcadère. Et au sud enfin le petit village d’Hapatoni, célèbre pour ses sculpteurs, sur os ou sur bois, un lieu où il y a bien longtemps que le temps s’est arrêté… L’école se termine à 11h30 le vendredi. Le temps de déjeuner, chaque week-end nous relevons nos ancres, hissons la grand-voile, et mettons le cap vers le canal du Bordelais, qui sépare Hiva Oa de Tahu Ata, et venons passer le week-end à Ana Moe Noa. Nous y passons des jours heureux, même si  le débarquement sur la jolie plage de sable blanc, bordée de cocotiers comme il se doit, est de temps en temps problématique quand la houle est de la partie ; à tel point que parfois les filles ne sont pas autorisées à batifoler dans l’eau, tant le ressac et le courant générés par les vagues qui brisent sur la plage y rendent la baignade périlleuse. C’est à Tahu Ata que j’ai fêté mes 50 ans…
Par effet Venturi, le vent s’engouffre dans le canal du Bordelais, et se renforce, idem pour la mer qui rebondit contre les falaises de Hiva Oa. Le vent est plus calme le matin, aussi chaque lundi on se lève à 4 heures, un petit déjeuner puis je remonte l’ancre, et nous hissons la voile, de façon à se présenter à l’entrée du canal aux toutes premières du jour.
Nous longeons alors la côte nord de l’île, contre les alizés donc, au moteur, sous le regard des hordes de chevaux (semi) sauvages qui broutent sur les falaises qui s’illuminent dans le soleil levant. C’est grandiose. Puis nous traversons le canal et arrivons au port. Le truck passe à 06h45, jamais nous n’avons réussi à l’avoir, j’approche alors le nez de Coccinelle le long d’un quai, Armelle, Apolline et Camille sautent à terre et prennent le chemin de l’école, en stop, à 5 km de là. Elles sont toujours arrivées à l’heure !
Fin juin, nous sommes repassés par Nuku Hiva, avant de descendre dès qu’une fenêtre météo s’est présentée vers les Tuamotu et principalement l’île de Fakarava, mais ces ‘vacances’ feront l’objet bientôt d’un nouveau post.



Tahu Ata. La baie de Vaitahu.



Tahu Ata. Les petites Coccinelle.



Tahu Ata. Un dauphin saute devant un cata au mouillage devant Vaitahu.



Tahu Ata. La plage d’Ana Moe Noa peut être calme…



Tahu Ata. La même plage l’instant d’après…
  

Tahu Ata. Rencontre avec la reine des lieux.



Tahu Ata. Le spectacle de nos lundis matins, celui des chevaux sauvages au sommet des falaises, dans le soleil levant.

Vivons-nous seulement d’amour et d’eau fraîche ?
C’est peut-être l’occasion d’expliquer comment nous finançons le voyage. J’ai (Gilles) construit deux maisons dans les Côtes d’Armor, qui ont été chacune quasiment payées une fois achevées. Elles sont désormais louées, mais la location d’une maison n’est pas une science exacte, il arrive parfois qu’elles ne soient pas louées pendant un certain  temps, jusqu’à quatre mois pour l’une d’entre elles en ce début d’année. Par ailleurs, je continue de m’occuper d’une rubrique dans Multicoques Mag / Multihull World, et je vends environ de 15 à 20 pages d’articles à d’autres magazines par an, souvent des récits de voyage de Coccinelle (Gambier, Marquises, Alaska…), parfois les aventures d’autres bateaux. Des revenus auxquels s’ajoutent les droits d’auteur de la réédition de mon bouquin sur les multicoques. Ces revenus cumulés donnent environ 1500 € par mois. Il y a deux ans, les revenus générés par le transport à Pitcairn avaient été les bienvenus.
Côté dépenses, nous avons tenté dans la mesure du possible de diminuer les frais fixes. Bien sûr nous n’avons aucun crédit d’aucune sorte, le B A Ba de la liberté. Nous avons éradiqué les prélèvements mensuels tels que loyers, assurance automobile, Internet et téléphone mobile, toutes ces dépenses ne nous concernent pas. D’autres sont incontournables, c’est le cas des assurances, maisons et bateau. A ce sujet, l’assurance avec qui nous étions en contrat jusqu’à présent et qui nous a indemnisés lors du démâtage (à hauteur de 24.000 € !), vient de multiplier sa prime annuelle par 3, passant de 1500 € à 4500 € ; nous sommes toujours à la recherche d’une nouvelle assurance. L’abonnement Sailmail coûte 250 US $ par an, soit environ 200 €. Les services offerts par cette association Etats-unienne nous permettent de recevoir et d’envoyer à bord, via la radio longue portée BLU, des mails et ce où que nous nous trouvions, et notamment au cours des traversées océaniques, ou encore dans les mouillages isolés. Sailmail nous permet également d’obtenir des prévisions météo fiables. Pour la petite histoire, lors du Tour du Monde d’Orca il y a 20 ans, j’ai navigué sans météo depuis les Antilles jusqu’au Canal de Suez !
Nous sommes quatre et les filles mangent autant que les adultes, le budget nourriture est donc conséquent. A  Hiva Oa, le poisson frais, en l’occurrence le thon, est plutôt bon marché, de l’ordre de 3 à 4 € le kilo. Les produits de base sont subventionnés, on les reconnaît dans les boutiques à leur étiquette rouge. Ces produits que l’on appelle les PPN, les Produits de Première Nécessité, ne coûtent pas trop cher, ainsi en est-il pour la farine, le sucre, le lait en poudre, le poulet congelé, mais aussi certaines entrecôtes ( !), ou quelques boîtes de légumes. Le reste est très cher, et notamment l’alcool, de deux à trois fois plus cher qu’ailleurs sur terre… Vient ensuite l’entretien du bateau, que nous essayons de maintenir à un bon niveau de qualité. Nous dépensons ainsi chaque mois depuis que nous sommes partis environ 2000 €, nous vivons au dessus de nos moyens ! Le matelas gonflable avec lequel nous étions partis, 25.000 €, s’est donc peu à peu dégonflé. Il est temps de réagir.



4x4 Toyota.

Papeetisation mode d’emploi.
Ce texte intéressera surtout les voileux qui pourraient être confrontés à cette problématique de la Papeetisation ; les autres n’y trouveront que peu d’intérêt…
Avant d’y être confrontés nous ignorions tout de la procédure, aussi il nous a paru intéressant de la décrire par le détail dans ces lignes, des infos qui intéresseront surtout ceux qui sont en bateau et qui un jour peuvent être concernés. Dans le processus de Papeetisation, la question centrale est celle de la valeur de votre bateau que vous allez donner aux Douanes, via le transitaire choisi. Trop faible, elle sera rejetée par les Douanes, qui peuvent même le cas échéant vous accuser de déclaration frauduleuse. Trop élevée, vous serez taxés sur la base de 7% de cette valeur. Quelle valeur faut-il prendre ? Les Douanes peuvent être tentées de le faire simple et se contenter d’éplucher soit les sites de petites annonces, ou encore les sites ou magazines du type l’Argus du bateau. Hors le prix de vente demandé par le vendeur d’un  bateau n’engage que lui, et surtout il ne représente pas le montant réel des transactions. On voit ainsi fleurir des annonces de Jeanneau Sun Shine 36 à 50.000 € ou 60.000 €, ce qui était peut-être le prix de vente de telles unités il y a 7 ou 8 ans, avant l’automne 2008 et la crise financière qui a suivi la chute de Lehman Brothers. Depuis, et la donne est un peu plus affûtée encore en Polynésie, la valeur d’un bateau correspondra au prix que voudra bien y mettre un acheteur. Les journaux qui éditent ces cotes sont avant tout des supports de pub, et leurs annonceurs sont majoritairement les vendeurs professionnels de bateaux. Qui ont tout intérêt à voir apparaître une cote des plus élevées pour tenter de vendre au meilleur prix leurs bateaux. Car un acheteur potentiel consultera lui aussi ces cotes avant de déclencher son achat. Il y a bien plus de bateaux à vendre qu’il n’existe d’acheteurs potentiels, et ce particulièrement pour les monocoques en Polynésie. Des copains viennent d’acheter un monocoque en alu de 13 mètres, je l’ai visité, il est propre et bien équipé, à 45.000 €, d'autres nt acheté un Hunter 36, certes un peu abîmé mais vieux de 10 ans, 15.000 €! Le problème est un peu différent pour les multicoques, qui restent les plus recherchés. Il va donc falloir tenter de donner une juste valeur au bateau, moins élevée que celle donnée par les petites annonces ou les cotes des magazines, mais en restant cohérente et surtout acceptable par les Douanes.
Le cas de Coccinelle est particulier car nous l’avons acheté (avant la crise de 2008 !) aux Etats-Unis, nous avions alors bénéficié d’un taux de change des plus favorables : nous avions négocié l’achat du bateau à 42.500 €, ce qui une fois convertis donnait 29.500 €. C’est cette valeur que nous avions donnée aux Douanes Portugaises des Açores lors de notre entrée sur le territoire de l’Union Européenne. Elle avait été validée par le transitaire de Horta puis par les Douanes, et c’est sur cette valeur que nous avions payé les droits de Douane, TVA incluse, qui s’élevaient à l’époque à 15% aux Açores, contre 18.6 % dans le reste de l’Union, et notamment en France. Depuis le bateau a décoté, c’est pourquoi il nous a paru cohérent de présenter une valeur de Coccinelle à 29.500 €, ce qui correspond à 3.279.951 XPF, le Franc Pacifique, la monnaie en cours dans les Territoires Français du Pacifique Sud.

Le transitaire.
Sur la foi des expériences des autres, nous avions dans un premier temps pris contact avec un transitaire, PGL. Celui-ci nous a fait savoir que la valeur indiquée n’était pas ‘recevable’, qu’un Jeaneau Sun Shine vieux de 33 ans valait plus que cela. Et il nous a transmis deux simulations, l’une sur une valeur de 20.000 € soit 2.386.600 XPF, et l’autre, de leur propre chef, à 40.000 €, soit : 4.773.200 XPF, sur lequel les honoraires du transitaire passent à 90.000 XPF TTC, contre 53.937 XPF pour la première valeur. Soit un quasi doublement de sa commission, sans parler de la taxe à payer aux Douanes, qui elle reste à 7%. Même si dans une bonne affaire il est indispensable que les deux parties soient satisfaites, il nous est apparu clairement que nos intérêts divergeaient, et tant qu’à payer les services d’un transitaire, autant qu’il soit du côté du donneur d’ordre et surtout du payeur.
Nous nous sommes donc dirigés vers un autre transitaire, la société Gondrand. Comme nous l’avions fait avec le précédent prestataire, nous lui avons transmis en guise de justificatif de la valeur du bateau le bordereau de paiement de la TVA au Portugal en 2008. Dès le départ cette valeur est apparue cohérente au transitaire. Il nous a alors transmis un devis que nous avons accepté : le montant de leur prestation s’est élevé à 37.000 XPF. Pour compléter le dossier, nous avons du présenter la licence de l’installation radio électrique, un élément qu’il faudra peut-être provisionner en amont, sachant qu’il est émis par l’ANF, l’Agence Nationale des Fréquences, sise à Saint Dié dans les Vosges, et que plusieurs semaines peuvent être nécessaires à son édition. Bien sûr ces montants s’appliquent pour une petite valeur comme la notre, sur des bateaux plus onéreux, le montant de la prestation sera ad hoc.
Notre dossier a ensuite été présenté aux Douanes, qui l’ont accepté. Il ne nous restait plus alors qu’à effectuer le virement de la somme sur le compte du transitaire, celui-ci a ensuite effectué les formalités auprès des Douanes et s’est acquitté des droits et taxes. Quelques jours plus tard, nous avons reçu le pdf du bordereau justifiant le paiement des taxes, ça y est, Coccinelle était Papeetisé. De fait, Armelle pouvait travailler, et notre maison flottante rester en Polynésie Française aussi longtemps qu’il lui plairait.
Au total, nous avons donc versé la somme de 290.084 XPF pour voir notre bateau Papeetisé, soit : 2.500 € environ.


Coccinelle au mouillage.

Séjour en Polynésie.
Jusqu’à 2014, un voilier en importation temporaire sur le ‘Fenua’ ne pouvait y rester qu’une année, avant de soit poursuivre sa route, soit s’acquitter des taxes et droits qui il y a un an encore s’élevaient à 20% de la valeur du bateau. Cette mesure était bien sûr improductive, puisque personne ne s’acquittait de cette taxe. De plus, en limitant le séjour à un an, le Pays se privait de la ressource des plaisanciers, pour beaucoup des retraités au pouvoir d’achat confortable, et qui dépensent leur argent chez les commerçants Polynésiens, chantiers, transporteurs aériens, restaurateurs, etc. Le séjour des non Européens est quant à lui toujours limité à une durée de trois mois, c’est le cas pour les Canadiens et Américains, qui de fait ne restent que peu de temps en Polynésie. Ils sont une infime partie à se lancer dans le marathon administratif d’une demande de visa. Là aussi un assouplissement des règles de séjour favoriserait le tourisme. Il faudrait aussi que les billets d’avion soient un peu plus abordables, mais cela est un autre débat…
Concernant le temps de séjour des bateaux les choses ont également changé et désormais un voilier peut rester trois ans en Polynésie, à condition bien sûr qu’aucune personne présente à bord lors de l’entrée du bateau sur le territoire du Pays ne travaille, et la taxe de Papeetisation a donc été ramenée à 7%.


Speed boat et dauphin.

Expertise ou pas ?
Concernant la valeur du bateau, l’autre solution aurait consisté à faire intervenir un expert. Mais là aussi quelle valeur va-t-il donner au bateau (voir en encadré le cas de Black Pearl) ? Pour assurer un bateau l’expertise produite est en général supérieure à la valeur transactionnelle du dit bateau. Coccinelle a été payé 29.500 €, soit 32.000 € TTC environ. Pourtant, après travaux, il avait été expertisé par notre assurance à 68.000 €. Mais il ne s’agit pas là d’une valeur transactionnelle, et il serait anomal d’utiliser cette valeur comme base de taxation.
En cas de litige avec les Douanes, une expertise peut apporter un élément de détermination, mais elle peut très bien être refusée par les Douanes. Certains experts travaillent à distance et ne se déplaceront pas spécialement pour voir le bateau, le problème est récurent en Polynésie où les distances sont énormes, ainsi les Gambier sont à 4 heures de vol de Tahiti, les Marquises à 3 heures 15 minutes, etc. Nous avons été en contact avec un expert pour qui une inspection visuelle du bateau était indispensable, c'est-à-dire un déplacement aux Marquises. L’addition aurait été salée, 600 € d’avion, 100 € de location de voiture, 200 € d’hôtel, sans compter le coût de l’expertise en elle-même, pour 700 € environ. Avec un piège, car après avoir payé les services de cet expert, qui décidera de son chef la valeur du bateau, et donc le montant des taxes à payer, rien ne dit que celle-ci sera ensuite acceptée par les Douanes… Pour conclure, et d’après ce que l’on a pu constater, cette valeur doit surtout être cohérente. Bien sûr, la facture d’achat du bateau évitera toute contestation. Evidemment, chacun tente de rendre ses affaires prospères, et essaiera de facturer un maximum de prestations. Mais un minimum d’informations permettra d’économiser un peu d’argent, qui restera dans la caisse de bord et permettra de prolonger un peu plus encore le rêve éveillé du voyage en voilier dans les Mers du Sud…



Coccinelle et pirogue traditionnelle.



Bonitier assurant les liaisons inter îles.

mercredi 21 janvier 2015

Coccinelle en Californie


Coccinelle en Californie !

Par : Gilles.




Début septembre, nous avons donc quitté Port Angeles, dans le détroit de Juan de Fuca, dans l’Etat de Washington, en direction du sud et de la Californie. Le temps pressait, dans cette région, les premières tempêtes automnales arrivent vite, et la règle communément admise préconise d’avoir quitté la zone avant la mi-septembre. Entre Juan de Fuca, qui conduit notamment vers les gros ports de Vancouver et de Seattle, la côte le long de l’Oregon est des plus inhospitalières, et même l’accès à certains grands ports de commerce, c’est notamment le cas de Portland sur la Columbia River, est souvent interdit aux petits bateaux, la barre à l’entrée du fleuve étant jugée trop dangereuse dès que s’est levée la houle d’hiver. Quand elle s’oppose à un courant sortant, la barre devient infranchissable.
La météo est bonne et le vent portant, d’ailleurs il vaut mieux car si la grand voile d’occasion que nous avons achetée pour ce convoyage est tout a fait propre, avec trois bandes de ris, le yankee qui nous sert de voile d’avant, sur l’enrouleur, même s’il est en bon état, possède un point d’écoute bien trop haut pour propulser Coccinelle efficacement contre le vent. Mais nous sommes partis avec une bonne météo et le vent a été clément. Nous vivons quelques moments épiques, comme cette nuit où nous avons traversé des flottilles de bateaux de pêche, fortement éclairés de puissants projecteurs, mais qui ont une fâcheuse tendance à changer constamment de cap. Heureusement il n’y avait pas de vent à ce moment là, et les modifications de cap au moteur sont bien plus simples. J’ai estimé lors de mon quart de la deuxième partie de la nuit, à plus de 150 le nombre de bateaux de pêche ainsi croisés.
Mais quelle joie de naviguer de nouveau à la voile, et quel bonheur pour tout l’équipage, Apolline, Camille, Armelle et moi de se sentir portés par les ailes de la Cox, d’être libre de nouveau, et posséder un vrai bateau à voile prêt (pas encore tout à fait, il nous manque encore les voiles neuves !) à naviguer sur toutes les mers du monde.



Eureka, California.
La côte est moins rude et sauvage après le Cap Mendocino, la météo annonce sur les canaux dédiés de la VHF des vents de sud dans la région de San Francisco, Eureka nous ouvre ses bras ; on devait y rester deux ou trois jours, nous y sommes finalement restés deux semaines. Car les deux derniers mois et demis ont été intenses, à la suite du démâtage, le convoyage au moteur en Alaska, puis le transport en camion, la quête du mât (mauvais jeu de mot ?), enfin les travaux de remâtage, et cette navigation vers les côtes de Californie. Après le rush de l’été, nous avons besoin de nous poser. Nous mouillons dans un bras de mer en plein centre-ville, à 100 mètres d’un ponton public accueillant où nous pouvons laisser l’annexe. A peine sommes-nous mouillés depuis une heure peut-être, un vieux, très vieux bateau s’approche de nous, il semble tout droit sorti d’un épisode de Tom Sawyer, avec sa ligne traditionnelle, sa cheminée ; nous apprendrons plus tard qu’il date du début du 20ème siècle, et il s’agit là du plus vieux bateau à passagers encore en service aux Etats Unis. A la barre, un homme (presque) aussi âgé que le bateau, chevelu et barbu, s’approche à portée de voix. Il vient nous signaler que là où vient de tomber l’ancre de Coccinelle, il n’y a pas beaucoup d’eau, et que nous risquons de toucher. Merci, nous lui expliquons que notre bateau possède une dérive et que de fait son tirant d’eau est faible.
Comme beaucoup d’agglomérations Etats-uniennes, la ville présente un parfait quadrillage, avec de belles bâtisses de style Victorien, dont une, extravagante, qui domine la ville et le port, construite sur une colline. Le temps est gris et pluvieux, le soir, nous allumons le chauffage pour chasser l’humidité. Il tournera ainsi pratiquement chaque soir jusqu’à Los Angeles, ou là tout de même, on finira par l’éteindre.
Cette région du nord de la Californie est agricole, toutes les agricultures, mais beaucoup de bio, ‘Organic’ comme il se dit en anglais. Chaque semaine nous nous rendrons d’ailleurs au ‘farmer market’, où une petite vingtaine d’agriculteurs vendent en direct leur production. Nous comprenons vite que la Californie c’est ‘organicland’. Les supermarchés des centres de ces villes moyennes que nous avons visitées, Eureka et Sausalito essentiellement, mais aussi  Santa Barbara plus au sud, ne vendent pratiquement que de l’Organic. Il faut sinon se diriger vers les Malls des banlieues, mais en bateau on n’a pas toujours de voiture à disposition. On avait bien jusqu’ici un vélo, acheté à Honolulu, démonté lors des traversées, mais on a eu le tort de croire que bien attaché, il ne serait pas volé. Il a passé une nuit dehors, pas deux. Pour la petite histoire, cela doit faire le dixième vélo que l’on se fait piquer depuis La Rochelle. Sinon on loue parfois une voiture, ou plus tard à San Francisco ou à Los Angeles pour visiter, et aussi aller chercher quelques colis que nous nous faisons envoyer ici et là, comme ce  fut le cas pour aller chercher les voiles à Seattle : sans adresse fixe, toujours nomade, il faut trouver des solutions et faire fonctionner nos réseaux ; qui fonctionnent très bien ! A Eureka nous avons trouvé un supermarché ‘classique’. On a donc fait un plein de courses en pensant appeler un taxi. Car bateau ou pas nous sommes quatre dans la famille, désormais les filles mangent autant voire plus que les parents et il faut donc approvisionner régulièrement le bord. Mais le taxi n’est jamais venu. La caissière qui l’a appelé pour nous a pourtant relancé la compagnie. On a fini par demander à une personne seule dans sa voiture si elle pourrait nous déposer au centre ville, au ponton. Ce qu’il fit gentiment.
On y a aussi découvert la passion de certains Californiens pour les vieilles choses, les boutiques d’antiquaires sont assez nombreuses. On y passe des heures à fouiner, dans l’une d’elles, à Santa Barbara, on trouvera même plein de livres de poche en français, Armelle craque, au grand dam de la ligne de flottaison du bateau, on a des liseuses électroniques, elles sont sensées éviter d’embarquer (trop) de livres papier à bord, toujours trop lourds. On trouve aussi pas mal de boutiques de vêtements d’occasion, on renouvelle ainsi, pour quelques dizaines de dollars, nos gardes robes ! Eureka est une petite ville, et nous n’avons eu qu’une fois un voisin au mouillage à côté de nous. Chose plus surprenante, quand Armelle est allée chez la coiffeuse, et bien elle savait qui elle était, qu’elle habitait sur le voilier ancré en ville depuis quelques jours, avec des enfants à bord. Pour la petite histoire : c’est par ici que sont venus s’installer dans les années 60 Bob Dylan et Joan Baez.

A l’arrière plan, la maison de Cendrillon…

Apolline et Camille en pleine discussion avec une loutre, dans le petit zoo d’Eureka…

Bodega Bay.
Le vent est annoncé portant, avec très peu de houle, et pourtant, la sortie de la passe d’Eureka, si calme quand nous y étions rentrés, deux semaines plus tôt, commence à s’éveiller, et le courant sortant engage à lever une mer rugueuse, abrupte, et même si la passe est large, sans vent, cela n’aurait pas été un bon endroit pour que le moteur y fasse des siennes. Puis la mer s’est aplatie au fur et à mesure que nous avons gagné vers le large, jusqu’à ce que l’on retrouve la mer du vent, au sud du Cap Mandecino. Le lendemain soir, nous avons mouillé à Bodega Bay. Les cinéphiles connaissent, c’est ici que fut tourné dans les années 50 le film d’Alfred Hitchcock, ‘Les Oiseaux’. Certaines scènes ont été tournées en ville (quand l’héroïne traverse la baie en barque pour se rendre de l’autre côté) mais aussi dans les alentours, c’est notamment le cas de l’école dans laquelle se situe l’une des scènes du film, quand les corbeaux entourent la salle de classe obligeant la maîtresse à les faire sortir et courir sous les coups de becs guerriers des oiseaux devenus fous. La maison n’est plus une école et les nouveaux propriétaires ont du mettre devant chez eux un écriteau pour signaler aux visiteurs qu’il s’agit désormais d’une maison d’habitation. Nous profiterons plus tard d’une journée de visite en voiture pour y venir, et bien sûr filmer Apolline et Camille qui descendent en courant la ruelle. Brrrr…
Nous mouillons dans un mètre d’eau devant Bodega, le fond de la quille frotte sensiblement la vase, et le lendemain soir, c’est la baie de Drake qui nous accueille. Pour l’histoire, Sir Francis Drake, explorateur, ne trouva pas lors de son passage ici l’entrée de la baie de San Francisco, à quelques dizaines de milles plus au sud, et c’est dans cette vaste baie, encore déserte aujourd’hui, qu’il passa un hiver.

L’ancienne école de Bodéga Bay qui servi de décor au film ‘Les Oiseaux’ d’Alfred Hitchcock.


Le Golden Gate.




Pour vous mettre dans l’ambiance, en lisant ces lignes, écoutez-donc ça.
www.youtube.com/watch?v=7I0vkKy504U
Le Golden Gate, c’est donc pour aujourd’hui. En approchant de San Francisco, depuis le nord, nous sommes surpris de la faible urbanisation qui entoure la ville, aux abords d’une telle mégapole, on s’attendait à des banlieues à n’en plus finir. Elles sont ailleurs, disséminées tout autour de la vaste baie, la San Francisco Bay Area, et la côte, complètement desséchée cette année en raison d’une nouvelle période de sécheresse, est totalement protégée. Depuis quelques heures déjà, on aperçoit les contours du pont le plus célèbre de la planète, avant, il faut donner un vaste détour pour éviter un haut fond, le Four Fathom Bank, sur lequel la mer déferle pour peu que la houle soit de la partie. Comme la majorité des ports de la côte nord ouest Pacifique, les conditions hivernales rendent délicates les entrées dans les ports ; San Francisco n’échappe pas à la règle, et dès que la mer se lève, il faut alors emprunter le chenal des grands navires. Nous sommes tous les quatre sur le pont (du bateau !), l’instant est magique, ça n’est quand même pas tous les jours que l’on navigue avec son voilier sous le Golden Gate, les Portes d’Or, qui donne accès à San Francisco. On a envie de chanter ‘Santiano’ de Hugues Auffray, et remplacer le ‘on ira jusqu’à San Francisco’ pas un plus approprié ‘on est allés jusqu’à San Francisco’ ! Quand nous avons élaboré ce projet d’aller naviguer en Alaska, il y avait bien sûr l’attrait pour les glaciers, les longues journées, la nature et les mouillages sauvages, déserts et isolés ; la magie du Grand Nord. Mais ça n’était pas tout, et il y avait aussi ce désir de découvrir la Californie, et notamment San Francisco. Ca y est, on y est !
Après les séances photo réglementaires, nous avons tourné à gauche pour nous diriger vers le mouillage de Sausalito. Pour se situer, le Golden Gate supporte la route 101, qui longe la côte Californienne depuis l’Oregon, au nord, jusqu’à la frontière Mexicaine au sud. Au nord, c’est le conté de Marin, où se trouve Sausalito, et au sud, c’est San Francisco. Plus loin, un autre immense pont, le Oackland San Francisco Bridge, traverse la baie. Au nord enfin, le pont Richmond San Rafael, relie quant à lui le Conté de Marin à Richmond. A l’une de ses extrémités, se trouve la célèbre prison de Saint Quentin.


Ca y est, encore quelques centaines de mètres et nous aurons franchi le Golden Gate Bridge !

Vu d’en haut, c’est bien aussi.

 Vu depuis San Francisco, avec un gros porte container qui entre dans la baie.


Richardson Bay, Sausalito.

La baie Richardson est ‘décorée’ de ‘bateaux’ dont certains n’ont plus que le nom, démâtés, amarrés parfois les uns aux autres comme des grappes d’algues qui, ainsi, espèrent ne pas couler. Sausalito est un très bon mouillage. Ca tombe bien, certains bateaux sont là depuis plus de vingt ans, trente ans même ou encore plus ? Tous sont habités, et d’après le look de la plupart de leurs occupants, ils doivent être les survivants du Summer of Love, quand les rues de San Francisco, en 1967, et plus particulièrement dans le quartier Haight et Ashburry, tout près du Golden Gate Park, vit naître le mouvement hippie.
Le mouillage à Sausalito est donc autorisé et gratuit, chose qui va devenir de plus en plus rare au fur et à mesure que nous allons continuer notre descente le long de la côte Californienne. C’est une aubaine pour tous ces fauchés, qui peuvent ainsi se loger gratuitement à condition de disposer d’une embarcation. Mais ces jours sont peut-être comptés, et la nouvelle population aisée qui a désormais élu domicile à Sausalito, où le loyer mensuel d’un F3 atteint 4000 $, votera peut-être dans les années à venir pour des élus qui interdiront le mouillage à ces bateaux qui n’en sont plus vraiment. Et qui font tache au milieu des Swan rutilants amarrés dans les marinas huppées.
Depuis l’Alaska nous avons aussi comme compagnons de mouillage des milliers et des milliers de phoques, et plus tard des éléphants et autres lions de mer, qui s’ébrouent et pour certains émettent toutes sortes de sons pas toujours très discrets. Sausalito n’échappe pas à la règle. Sinon chaque matin et chaque soir, des milliers d’oiseaux, dont beaucoup de pélicans, se lancent pour se nourrir dans un manège surprenant, partant en piqué dans l’eau façon Stukas, pour en ressortir un poisson dans le bec, à deux pas du bateau. Nous ne nous en lassons pas. Souvent le jour se lève sur une baie perdue dans la brume. Verra-t-on Alcatraz ce matin ? Et le Golden Gate, dont nous n’apercevons, depuis le mouillage, que le sommet du pilier nord. Le brouillard est récurrent, il englobe la ville une bonne partie de l’année, et plus particulièrement les mois d’été. Parfois San Francisco nous apparaît le matin, mais souvent la ville est cachée derrière un rideau de brume, et dont seuls dépassent les sommets des buildings, comme une belle derrière son drapé. Nous avons cependant de la chance, octobre est souvent  à San Francisco le meilleur mois, et cette année 2014 n’échappe pas à la règle. L’été est souvent venté, ou noyé dans la brume. Il n’y fait donc alors pas très chaud, et il faut quitter la ville pour retrouver, à quelques dizaines de kilomètres de là, des températures plus estivales.


San Francisco au petit matin. Avec brume.

Ou sans brume. A gauche, l’île d’Alcatraz.


Alcatraz.

Lever de soleil à Sausalito.

 Les phoques de Sausalito.

Sausalito, et la brume qui se glisse jusqu’à effleurer les collines.

Les vieux bateaux au mouillage dans Richardson Bay, Sausalito.


La baie de San Francisco.
Lors des cinq semaines de notre séjour à San Francisco, nous aurons en général un assez beau temps, ensoleillé la journée, un peu plus frisquet le soir. Nous assistons à la Fleet Week, qui voit les Blue Angels (l’équivalent de notre Patrouille de France) évoluer dans le ciel à proximité du Golden Gate. Le spectacle ce jour là est magique, un samedi ensoleillé avec des centaines et des centaines de voiles blanches dans la baie, et ces avions à réaction qui inscrivent dans le ciel de Californie toutes sortes d’arabesques. Jusqu’à ce que la brume ne s’invite à la fête, privant les spectateurs que nous sommes de leur show. Les navires qui desservent les ports de la Baie, Oackland pour les containers, passent sous le Golden Gate, avant de laisser Alcatraz à bâbord, puis se faufiler sous le pont Oackland San Francisco. Ce jour là ce sont les hommes de quart de deux énormes porte containers qui ont du serrer les dents de nombreuses minutes. En effet, les centaines de voiliers se sont retrouvés pris dans une purée de poix, idem pour les porte containers, qui ont alors réduit leur vitesse au minimum, juste assez pour rester manoeuvrants, et le tout à grand renfort de corne de brume. Et chaque samedi soir, nous aurons droit depuis le pont de Coccinelle à un grand feu d’artifice, tiré depuis le Pier 39, à proximité du pont San Francisco Oackland.
Autant la navigation à voile est très populaire à San Francisco, le week-end, autant le lundi matin, il n’y a plus un seul bateau dans la baie, tout le monde est reparti travailler. L’un des moteurs de cette économie flamboyante et conquérante est peut-être lié à un amour immodéré des Etats-uniens pour l’argent. A Sausalito, la règle, c’est la voiture Allemande, souvent hybride tout de même ! En Californie, le gros 4x4 à l’Américaine, qui ingurgite un minimum de 20 litres aux cents kilomètres, et que l’on voyait en grand nombre en Alaska ou même au Canada en Colombie Britannique, n’ont plus droit de citer, écolo tu es, écolo tu resteras. San Francisco, c’est aussi San José, la ville voisine plus au sud, et c’est par là que se trouve la Sillicon Valley. Ici, Google emploie des dizaines de milliers de salariés. Idem pour Apple. La ville est le siège de nombreuses entreprises à l’Américaine, c'est-à-dire de taille mondiale.




Hormis les deux géants des nouvelles technologies, Apple et Google, on y trouve aussi Adobe, Cisco, Dolby, Ebay, Facebook, Oracle, Yahoo, Intel, Hewlet Packard, Asus, et d’autres encore. San Francisco et Seattle se tirent la bourre pour dépasser l’autre, économiquement parlant. Seattle abrite bien sûr Boeing, mais aussi Microsoft, même si désormais le premier employeur de la ville se nomme Amazon. Costco (voir plus bas) est également basé à Seattle. Avec 27 millions d’habitants, la Californie à elle seule, si elle était un pays, serait la sixième puissance économique du Monde ; juste après la France. Ca cause…

Le jour de la Fleet Week, voiliers, porte containers, avions dans le ciel, tous ont du composer avec la brume.

Halloween.
Quelques jours après notre arrivée nous recevons un soir la visite d’une petite famille sur son annexe, il y a là Christian le papa, Josie la maman, et leurs trois enfants, Nina, Ellamare, et le petit dernier, Taj. Les deux filles ont à peu près les âges de nos filles. Ils vivent sur un bateau, dans le Galilée Harbor, un voilier qui bientôt, l’an prochain, larguera les amarres pour un long voyage. Ils organisent un petit barbecue sur le ponton, et nous sommes invités. Rapidement Apolline et Camille disparaissent en compagnie de leurs nouvelles copines Californiennes dans les cabines de leur voilier, et nous faisons connaissance avec les voisins de ponton. S’il y a quatre ou cinq voiliers, la majorité des house boats (maisons flottantes) ou de vieux bateaux à moteur recyclés ; ou encore des barges surmontées de maisons. Certaines très jolies, souvent inventives, parfois superbes, jamais très grosses, et surtout elles dégagent un charme fou. Elles restent tout de même des bateaux, et ce malgré leur immobilité car leur vocation n’est pas, ou plus, d’aller sur la mer.
Avec la petite famille nous fêtons Halloween, avec un ami à eux, Jason, surnommé Big Jason (on vous laisse deviner pourquoi), un colosse barbu (le Californien porte le poil et le porte plutôt bien, cela plaît semble-t-il aux femmes, dixit Armelle), tatoué aussi, dont l’activité principale est l’agriculture horticulture en Californie du nord, il assemble aussi des vins. La Californie produit de très grands crus, et la vinification semble ici une activité très répandue. Jason nous offrira deux bouteilles, une pour usage immédiat, et une autre que nous dégusterons lors de notre arrivée aux Marquises. Merci Jason !
Pour Halloween donc, tout le monde est déguisé, les enfants bien sûr, mais aussi les adultes. Tous, ou presque, parce que pas nous : personne ne nous avait briffés ! A la tombée de la nuit, une grande parade réunit des centaines de personnes, beaucoup sont grimés, déguisés. Les habitants sont devant leurs maisons avec une table contenant pléthore de sucreries et autres chocolateries. Les filles vont revenir à bord de la Cox les bras chargés de barres chocolatées que nous garderons pour la traversée vers les Marquises.
Halloween, les préparatifs.

Nous quittons Galilée Harbor pour la parade à Sausalito.

Voiture de police et camion de pompiers…



Les maisons flottantes de Sausalito.
Dans les années 70, des hippies récupérèrent de vieilles barges de l’armée (durant la seconde guerre mondiale, Sausalito fut transformé en grand chantier naval destiné à la production de ce qu’on a appelé les Liberty Ships), pour en faire des ateliers d’artistes. Petit à petit, elles ont été transformées en habitations, avant d’être récupérées par les populations aisées plutôt BoBo de San Francisco. Les maisons flottantes ont grandi et se sont embourgeoisées. Il y a ainsi trois ou quatre quartiers flottants à Sausalito, certains très récents avec de luxueuses et grandes résidences flottantes ; et d’autres plus populaires, comme c’est la cas pour les embarcations amarrées au Galilée Harbour, au 300 Napa Street, Sausalito, CA.
Le Galilée Harbor est un port privé, mais qui appartient à ses habitants. Ils ont acheté l’espace maritime ainsi qu’un bout de terrain dans les années 80. Ce qui leur permet d’avoir des locaux en commun, un bureau, des parkings à voiture et à vélos. Pour devenir membre du port et avoir le droit de s’y amarrer, il faut être coopté, et surtout c’est l’assemblée générale qui va décider si votre candidature est acceptable. Il faut correspondre à certains critères. Il faut bien sûr vivre à bord de l’embarcation, mais l’assemblée prend également en compte un plafond de revenus. Une condition plutôt surprenante pour les Etats-Unis, ou c’est plus souvent le contraire. Le montant du loyer mensuel est indexé sur les revenus des membres. Finalement nous avons de la chance, quand nous sommes arrivés pour la première fois je regardais ce port comme une sucrerie inaccessible, que j’avais envie de découvrir et faire connaissance avec ses habitants, marins immobiles mais marins quand même. Et finalement ce sont eux qui sont venus vers nous. Quelle aubaine, et quelle chance ! A l’extrémité d’un ponton, on nous présente Coin Coin, un canard apprivoisé et qui est devenu la mascotte du port. Sur ce même ponton, on trouve une pompe à eaux noires. Sur un bateau, au large, on évacue les eaux usées des toilettes, dites eaux noires (à l’opposé des eaux grises, issues de l’évier ou du lavabo), à la mer. Dans la plupart des pays du monde (à part, à ma connaissance, la Turquie, les Etats-Unis et le Canada), les eaux noires sont également rejetées dans l’eau des ports où elles se diluent avec l’eau de mer, parfois un peu trop prêt des nageurs alentours. Aux Etats Unis la présence d’un réservoir à eaux noires est donc obligatoire ainsi que son usage ; même si jamais personne n’est venu vérifier sa présence et son état de marche à l’exception de Hawaï cependant. Et il est très aisé de les vider. Chaque port de plaisance, chaque poste à carburant possède sa borne en self service. Au Galilée Harbor chaque bateau ou presque est relié via un tuyau souple de 70 mm environ à un système de pompage qui évacue directement ces eaux noires vers le réseau municipal des eaux usées. En Europe, si l’emplacement du réservoir à bord des bateaux de plaisance est obligatoire et doit être réservé, la présence du réservoir en lui-même ne l’est pas. De mémoire, il n’y a aucune pompe à eaux noires entre La Rochelle et Le Crouesty. Personne ne les utilise, peu de personnes savent s’en servir. Pourtant à l’usage ce système de rétention est très facile à utiliser et devra se développer dans les années à venir, plus particulièrement dans les plans d’eau fermés. Ces réservoirs sont également bien pratiques quand le bateau est au sec ou quand le bateau voyage en camion comme cela nous est arrivé en Colombie Britannique. Voilà pour les eaux noires.
Nous passons pas mal de temps avec nos nouveaux amis. Christian nous fait notamment découvrir le supermarché ‘Costco’. Costco, c’est le paradis du navigateur qui prépare l’avitaillement de son bateau. Ces grandes surfaces se sont spécialisées dans l’achat en grande quantité, on ne peut pas acheter un seul pot de Nutella de 1 kg (avec trois filles à bord, le pot de Nutella est devenu l’unité de référence à bord de Coccinelle), il faut en acheter deux. Le riz s’achète par sacs de 5 ou 10 kilos. Idem pour la farine (20 kilos), les yaourts par paquets de 24, la bière par packs de 36, ou encore le coca, le Bourbon en bouteilles de ½ gallon, soit environ 2 litres, etc. Il me faudra deux voyages en annexe pour ramener à bord cette précieuse cargaison. Nous renouvellerons une visite chez Costco à Los Angeles.

Le Galilée Harbor de Sausalito.


D'autres  maisons flottantes de Sausalito.

Retour de chez Costco : où va-t-on bien pouvoir mettre tout ça ?

‘C’est une maison bleue, adossée à la colline…’
Nous avons dès notre arrivée à San Francisco récupéré les cours du CNED chez Anne Marie, à Livermore, à trois quarts d’heure de voiture de la ville (merci David de nous avoir transmis les coordonnées d’Anne Marie !), Apolline et Camille ont repris l’école, Camille entre en CE2, Apolline en Grande Section. Tous les matins il y a donc désormais école à bord, et l’après-midi nous allons nous promener à terre. Le week-end nous traversons la baie, passons d’un côté ou de l’autre de l’île d’Alcatraz, prison fermée dans les années 60 rendue célèbre par un film, ‘L’évadé d’Alcatraz’, et nous en allons mouiller à Aquatic Park, en plein cœur de San Francisco, à deux pas du Fishermen’s Wharf, des vieux tramways bigarrés du début du 20ème siècle, et du plus proche des Cable Cars, qui eux datent carrément de la fin du 19ème siècle. Les Cable Cars sont la réponse aux forts vallonnements qui caractérisent la ville, ça monte, ça descend, ça remonte et ça redescend encore. L’enfer du cycliste ! Certains bus doivent eux aussi prendre des chemins détournés pour éviter certaines rues des plus pentues. Les Cable Car, c’est l’image d’Epinal de San Francisco, avec le Golden Gate, Alcatraz, et les tramways. What else ? La ville dégage comme un enchantement. Dans mon petit classement, elle tient tout à fait la route à côté d’autres cités que sont Paris ou Venise. L’architecture y est particulière, avec ces maisons typiques de style Victorien.
Nous rendons même visite à la fameuse maison bleue, celle de la chanson ‘San Francisco’ de Maxime Le Forestier https://www.youtube.com/watch?v=kM1WiiYbN6Y
Après son séjour à San Francisco, dans les années 70, il avait complètement oublié l’adresse de la maison. Mais dans les années 2000, le chanteur s’est résolu à fouiller dans ses affaires et sur un vieux cahier il a retrouvé l’adresse de la fameuse ‘maison bleue’. Sa maisons de disques a alors organisé un voyage de retour aux sources en collaboration avec le Consulat de France, un sponsor, fabriquant de peinture, a fourni les pigments pour que la maison qui entre temps était devenue verte, retrouve sa couleur bleue d’origine. Une plaque a même été apposée !
Nous visitons d’autres quartiers, Castro, Mission et Market Street, immense avenue bordée de gratte ciels ; China Town bien sûr, avec ses étals de fruits, légumes, canards et autres produis parfois surprenants et complètement inconnus de nous. On nous avait dit que les prix des fruits et légumes y étaient intéressants, c’est le cas, mais la qualité est comme les prix, pas très élevée. Certains habitants de ces quartiers craignent désormais que la spéculation immobilière qui bien sûr sévit à San Francisco ne vienne à bout de China Town, à proximité immédiate des quartiers d’affaire ; c’est en tous cas ce dont s’inquiètent quelques manifestants et autres affiches apposées ça et là dans les rues de China Town. Nous irons aussi plusieurs fois à Alamo Square, l’une des photos les plus connues de San Francisco, avec sa dizaine de maisons jumelles peintes désormais de couleurs pastelles.
Dans Aquatic Park, nous débarquons avec notre annexe au Musée Maritime, qui est aussi un Parc. On y trouve un grand quatre mâts du 19ème siècle, un vapeur et nous pouvons y laisser notre annexe en sécurité. Seul bémol, le parc ferme à 17h00, et plus d’une fois nous avons du négocier avec les gardiens de nuit pour pouvoir pénétrer dans le musée y récupérer notre annexe. Mais avec notre sésame, à savoir les deux princesses de Coccinelle, Apolline et Camille, toutes les portes s’ouvrent en général sans trop de complications. Aquatic Park est comme son nom l’indique un parc aquatique, dans lequel évoluent des adeptes de la nage sportive. Avant même le lever du jour, ils sont ainsi des dizaines à brasser et crawler, sans combi, dans une eau tout de même un peu frisquette.
Nous y faisons ainsi la rencontre de Kenneth, nageur émérite qui chaque jour de l’année effectue ses longueurs et ce quelle que soit la température de l’eau. Il se trouve que Kenneth est membre du Cruising Club de Sausalito, établi lui aussi sur une barge flottante plus ou moins ballastée et arrimée sur un banc de vase. Nous y sommes invités gracieusement. Aussi à notre retour nous venons mouiller à proximité même des deux lieux, le Sausalito Cruising Club, et le Galilée Harbor. Ce soir là, se déroule la finale des World Series de Base Ball, et la finale oppose l’équipe de Kansas City aux Giants de San Francisco. Et c’est bien sûr San Francisco qui l’emporte. La ville fait la fête. Nous l’avons appris trop tard mais le stadium dans lequel jouent les Giants est au bord de la baie, et il borde un petit mouillage qui est tout à fait légal. Et la première manche de la finale s’est disputée à San Francisco, le samedi précédent. Cerise sur le gâteau, on peut même suivre les matchs sur grand écran depuis le bateau ; et récupérer le cas échéant d’un coup d’annexe les balles qui auraient fini dans l’eau…
Nous passerons ensuite trois jours amarrés au petit quai du Sausalito Cruising Club, nous en profitons pour faire un peu d’entretien, recharger les batteries, nettoyer et repeindre le moteur hors bord. L’entretien d’un bateau est permanent ! Surtout, nous y recevons les nouvelles voiles, elles sont bien vite hissées, elles vont parfaitement. Ca y est, le bateau est prêt pour de nouvelles aventures. Nous montons aussi un enrouleur de trinquette et faisons retailler le yankee du convoyage depuis Seattle pour en faire une trinquette. Elle s’adapte parfaitement. Nous profitons des prix générés pas un taux de change intéressant du dollar par rapport à l’euro pour effectuer quelques investissements de maintenance du bateau. Nous commandons ainsi un nouveau WC, une nouvelle annexe en Hypalon, des panneaux solaires. A San Francisco, nous retrouverons avec plaisir Henry, un Français installé à San Francisco depuis une vingtaine d’années

et que nous avions rencontré à Panama alors que nous étions en attente de passer le Canal. Marie et Henry vivent au nord de San Francisco, dans une région viticole, et Henry bien sûr assemble lui aussi ses vins ! Nous quittons Coccinelle une nuit pour profiter de son hospitalité, il y a bien longtemps que nous n’avons dormi dans un lit immobile, avec douche à volonté le matin ! Merci Henry pour tes balades autour de San Francisco.


 Devant La ‘Maison Bleue’ de la chanson de Maxime Le Forestier ‘San Francisco’

La barge du Sausalito Cruising Club.




Aquatic Park, San Francisco. Un mouillage pour nous tous seuls au cœur de la ville.

Les embarcations de la baie, d’hier et d’aujourd’hui. A gauche, un voilier à l’étrave carrée tels qu’ils ont été décrits par Jack London. Et à droite, un ferry rapide moderne.

Alamo square, San Francisco.

A gauche, Cable car. A droite, Armelle au cerf volant, Alamo square, San Francisco.


Monterey et Santa Barbara.
Nous avons appris de la part des voileux de Sausalito une tradition San Franciscaine, celle qui consiste à crier ‘echooooooooooo’ en passant en bateau sous le Golden Gate. Le cri nous revient comme prévu, il salue aussi notre départ de San Francisco. Cette ville nous a bluffés, séduits. L’atmosphère qui s’en dégage est à la hauteur de sa réputation. Nous passons une nuit à Half Moon Bay, là où se situe la fameuse vague de Maverick, l’une des plus difficiles au monde à surfer, notamment en raison de la plage qui n’est que rochers. Puis nous mouillons à Monterey, après avoir croisé le sillage de quelques baleines. C’est la ville de John Steinbeck. Elle servit de cadre à quelques uns de ses romans. Pour la petite histoire, c’est également tout près de Monterey, à Salinas, que mourut James Dean, à 24 ans, au volant d’une Porsche qu’il venait de s’offrir. Quelques semaines plus tôt, il avait participé à un clip de prévention contre la vitesse au volant…
Puis nous doublons trois jours plus tard le cap Conception, qui marque notre entrée dans la Californie du Sud. On y retrouve bien sûr des conditions plus clémentes, notamment de température. Entre les Channel Islands et le continent, de nombreuses plateformes de forage ont été ancrées au fond de la mer, ce samedi matin, une fuite a recouvert la mer d’une pellicule de pétrole, la ligne de pêche va en ressortir toute pleine de graisse ; l’odeur est plus que désagréable, et nous accompagne jusqu’à Santa Barbara. Après avoir mouillé dans le port à l’extérieur du chenal, d’où nous nous sommes faits déloger en moins de 30 minutes. Et après avoir mouillé à deux milles de là parce qu’il est désormais interdit de mouiller sous la protection à l’extérieur de la jetée, la petite heure que nous avons passé là à rouler bord sur bord a suffit pour nous convaincre de remonter l’ancre et de passer la nuit au port. Nous le savions, et il sera désormais difficile de mouiller sur ancre, nous n’aurons d’autre alternative que d’amarrer Coccinelle dans des marinas. Santa Barbara est hispanique, cela se sent dans son architecture, son climat aussi bien sûr. Ca y est, nous avons rattrapé l’été !

Los Angeles, California.
Puis nous arrivons à Marina del Rey, le plus important port de plaisance de Los Angeles. Petite histoire encore, c’est dans cette grande marina que se noya Dennis Wilson, frère de Brian et batteur des Beach Boys, après être tombé de son voilier lors d’une soirée trop arrosée. Nous avons rendez-vous à Santa Monica, dans la banlieue de Los Angeles, avec Rick et Marc, un cousin (très éloigné) d’Armelle, et leurs deux enfants Robbie et John. Ils nous proposent gentiment de nous installer chez eux pour quelques jours, ce sera plus simple pour se déplacer. Bien sur on ne se fait pas prier, d’autant plus que Coccinelle est amarrée en sécurité, avec ses anges gardiens, les éléphants de mer… En plus, Marc nous invite à célébrer Thanksgiving avec sa famille, chez son frère. Ce sera pour nous notre réveillon de Noël, puisque pour le 24 décembre nous serons quelque part entre la Californie et les Marquises, au beau milieu de l’Océan Pacifique. Puis Rick nous fait visiter Los Angeles, selon un circuit bien rodé : la tombe de Norma Jean Backer, alias Marilyn Monroe, le Mall of Frame, bien sûr, à Hollywood, là où toutes les stars se doivent de laisser leurs empreintes sur le trottoir, le Chinese Theater, où se déroule la cérémonie des Oscars, ou encore Beverly Hills. Un soir, Apolline et Camille restent avec Marc, et Rick nous entraîne à une soirée dans un temple de la magie. On doit se saper, robe pour Armelle, costar cravate pour moi (non, c’est Marc qui m’a prêté ce qu’il faut, je n’ai pas de veste ni de cravate à bord !). Ce lieu, réservé aux membres, et Rick est membre, est une espèce de manoir où l’on peut dîner, et assister à différents spectacles de magie, la femme coupée en deux, un spectacle de transplantation, des jeux de cartes, foulards. On y passe une bonne soirée. Nous restons particulièrement perplexes devant un hibou empaillé qui, derrière l’un des bars, répond par oui ou par non aux questions qu’on lui pose, ça c’est de la magie !
Nous terminons notre séjour chez les cousins à Los Angeles par une visite au musée des Sciences, où l’on a pu visiter une exposition sur Pompéi, voir une capsule Mercury, une Gemini, la capsule Apollo de la mission Apollo Soyouz de 1975, et même la navette spatiale Endeavour. Nous avons désormais au sein des cousins Français la palme du mode de transport le plus original pour nous rendre d’Europe en Californie, puisque nous sommes venus en voilier ; la palme précédente appartenait à un autre cousin, qui lui était venu au volant d’un vieux Land Rover depuis l’Amérique du sud… Bon, le moyen de transport le plus usité pour aller d’Europe à la Californie reste tout de même l’avion. Puis Coccinelle parcourt les quelques dizaines de milles qui séparent Marina del Rey de Long Beach, un port industriel gigantesque accolé à celui de Los Angeles. La jetée qui protège ce mouillage où attendent des dizaines de navires, pétroliers géants (jusqu’à 66 mètres de large !) et autre porte containers, mesure plus de 10 milles, soit près de 20 kilomètres ! Nous y pénétrons et venons mouiller à quelques centaines de mètres du Queen Mary 1, l’original, qui traversa l’Atlantique 1001 fois au cours de ses 30 ans de carrière, entre 1936 et le début des années 60, quand il fut désarmé et transformé en hôtel. On n’y reste pas bien longtemps, une seule nuit, avant que nous ne nous en fassions déloger par un  bateau de patrouille. Nous avions prévu de naviguer jusqu’à San Diégo, où nous avions un autre colis à récupérer, mais ce détour ne nous rapprochant pas de la Polynésie nous avons finalement loué une voiture pour nous y rendre, sur une autoroute qui par moments aligne deux fois neuf voies !
Le 6 décembre, après avoir fait les pleins, d’eau, de gazole, de vivres frais, fruits et légumes, yaourts, fromage, sans avoir oublié de se rendre à l’immigration pour officialiser notre sortie des Etats-Unis, nous sommes partis pour 25 jours de mer, direction les Marquises, et l’île de Hiva Oa, à près de 6000 km de là.


Hollywood, le Walk of Frame, Camille pose à côté de l’étoile de Steven Spielberg.
A droite, les empreintes de John Travolta.

A gauche, la navette spatiale Endeavour. A droite, une Coccinelle de Californie.

Long Beach, le Queen Mary est un hôtel.

Un dimanche après-midi,  juste avant notre départ pour les Marquises, nous partons naviguer avec les cousins d’Amérique devant Los Angeles.

San Francisco vu par Apolline


Les souvenirs de Camille à San Francisco