dimanche 9 septembre 2012

Pico, ou le chant du puffin (non ce n’est pas un cétacé)

Par : Armelle.



C’est en route pour Faial que nous nous sommes arrêtés par hasard à Lajes do Pico. Un heureux hasard qui nous retint près d’une semaine.
Nous étions partis depuis la veille de Punta Delgada et longions l’ile de Pico par le sud. Cette ile est l’une des plus réputées pour la visite des cétacés. Cela n’a pas manqué, dès son approche nous apercevons deux gros globicéphales mais encore trop éloignés pour apaiser l’appétit de nos yeux. Puis le vent tombe, nous mettons le moteur, mais nous nous apercevons rapidement que le circuit de refroidissement ne fonctionne pas. Gilles réamorce la pompe, ça marche ! Mais par prudence nous préférons nous arrêter au port le plus proche.
Bien nous en a pris car ce petit port valait bien le détour. Tandis qu’à Punta Delgada les vaches ornent les trottoirs, les tee-shirts des touristes et les enseignes de magasins, ici c’est le règne de la baleine. Les gens d’ici entretiennent avec goût et parfois humour le mythe de la chasse à la baleine. Pour les touristes certes, mais sans doute également pour eux-mêmes, car ici bon nombre a pratiqué tout jeune la chasse à la baleine et en garde une certaine fierté. Ce qui explique sans doute pourquoi  ce petit port a conservé un aspect d’antan avec une petite marina qui n’accueille pas plus d’une dizaine de visiteurs. C’est comme si par nostalgie le temps s’était arrêté à Lajes depuis l’interdiction de la chasse à la baleine (depuis 30 ans maintenant). Un temps où chaque homme ici avait un second métier, celui de chasseur de baleine qu’il pratiquait jusqu’à deux fois par semaine. Un art qui conservait par sa rusticité un côté héroïque (les baleines étaient harponnées à la main depuis de frêles embarcations), même si ce sont des mammifères peu nerveux, ni prompts « au sauve qui peut ». L’activité était à une époque très rentable. Les baleines étaient recherchées principalement pour l’huile extraite de leur graisse. Cette huile servait à alimenter les moteurs. Les moteurs faisaient marcher les bateaux. Ces mêmes bateaux qui partaient à la chasse à la baleine ! ... ? (Et les Shadocks pompaient, pompaient !). Après avoir été exploitée pendant des siècles, la baleine offre aujourd’hui aux habitants de Lajes une nouvelle source de revenus : le ‘whale watching’. Des semi-rigides effectuent deux rotations par jour avec des touristes qui reviennent chaque fois trempés, nauséeux mais heureux… ils ont vu la baleine !
Les vestiges de cette activité sont soigneusement conservés à Lajes. L’usine de transformation des cétacés se visite et un musée expose de nombreux objets et photos témoignant de l’histoire de la chasse à la baleine. Enfin les açoriens se réunissent le week-end pour régater entre baleinières, à la voile mais aussi à la rame. Nous apprenons que cette semaine c’est la fête de la baleine à Lajes, en même temps que des concerts toute la semaine et des processions religieuses plus de 35 baleinières sont attendues pour s’affronter lors de joutes dans la baie. « Tiens finalement si on restait quelques jours ici. » Nous aurons donc la chance d’y assister. Un spectacle aux premières loges grâce à notre annexe !

A défaut de voir des baleines (en chair et en os), Lajes do Pico nous aura aussi fait découvrir un autre animal, célèbre pour son cri. Le mystère aura duré pour nous plusieurs jours car on ne peut l’entendre qu’à la nuit tombée. Un rite nuptial qui force le rire par la bizarrerie des sons émis par ses curieuses bêtes. Après avoir longtemps hésité entre la grenouille et le canard nos voisins nous révèlent un soir leur identité : des oiseaux que l’on nomme des puffins cendrés. Quelle déception, notre imaginaire avait ébauché une bête à plume avec un bec de canard, assis sur un nénuphar, la tête coincée entre les genoux des pattes arrières. Ces oiseaux, finalement assez banals de par leur aspect, peuplent tous les Açores et accompagnent nos navigations entre les îles. Désormais, dès que nous les croisons,  nous ne pouvons nous empêcher de leur adresser un sourire de connivence.

Lajes do Pico

Lajes do Pico

Lajes do Pico

Lajes do Pico

les jeux de ponton
baleinières

régates à la rame

régates à la voile

régates à la voile

baleinière


baleinière

Mont Pico


la chasse à la baleine

les Puffins cendrés

Sao Miguel, ou le souffle de Gordon (non ce n’est pas un cétacé)

Par : Armelle.


Finalement le souvenir le plus marquant, celui que nous garderons de Sao Miguel, aura été celui de la visite de Gordon. « Un visiteur de ce genre », cela ne s’était pas vu depuis quelques décennies, disaient les pêcheurs d’ici.
Ce lundi 20 août au matin tous les plaisanciers du port de Punta Delgada avaient une mine fatiguée mais soulagée. La rencontre avec Gordon, la nuit précédente, n’avait finalement pas excédé les 45 nœuds. On en serait presque déçu, tellement les pronostics annonçaient du lourd : un cyclone de classe II avec des rafales jusqu’à 90 nœuds !
Depuis quelques jours déjà, une belle ‘patate’ se rapprochait tranquillement des Açores, tout en se renforçant. Nous guettions la météo, car nous avions prévu d’aller à Terceira pour passer un moment avec l’équipage de nos amis de Sum Sum, et éviter par la même occasion cette grosse dépression qui semblait se rapprocher plus particulièrement de Sao Miguel et Santa Maria. Nous avions bien tenté une échappée, 3 jours plus tôt, mais il avait fallu se résoudre à un retour à la case départ après seulement quelques heures : le vent se renforçait, tout en refusant, et les ¾ de l’équipage étaient malades (ça y’est le virus s’est propagé à bord).
C’est avec le moral au fond des bottes (trop tard pour voir Sum Sum) que nous nous sommes préparés à affronter la tempête annoncée.
Et durant ces deux jours qu’il restait avant que ne sonne le glas, une curieuse contagion de manœuvres, inhabituelles pour un mois d’août, s’est produite sur le ponton F, en même temps qu’un soudain élan communicatif entre plaisanciers. On échangeait nos rapports sur les pronostics de la météo (bizarrement très différents selon les sources). Certains se raccrochaient aux 40 nœuds annoncés par la météo locale, attendaient donc de voir et gardaient un discours optimiste tout en observant du coin de l’œil les manœuvres de ceux qui s’affolaient déjà dès l’apparition d’un œil au centre de la ‘patate’, en évoquant un ‘hurricane’.
Le dimanche 19 au matin, les météorologues parlaient bien d’un cyclone de classe II. Branle-bas de combat sur le ponton F, toute la journée durant, pour démonter tout ce qu’on pouvait sur le pont, ferler ce qu’il restait encore à ferler, et renforcer les amarres. Je me suis alors rapprochée d’une autre maman qui cherchait comme moi un endroit pour dormir à terre avec ses enfants, ce qui s’est avéré assez compliqué, car la moindre nuit d’hôtel sur le port est au minimum 100 € (prohibitif surtout depuis que l’on a dû remplacer nos batteries…).
Nous avons donc tenté d’aller amadouer le personnel de la marina, nos bambins sous le bras. Une aimable jeune femme nous a reçus et a écouté patiemment nos doléances, sans vraiment les comprendre. Finalement nous lui avons demandé directement si l’on pouvait dormir par terre dans les bureaux. Il faudra lui expliquer comment et où c’est possible pour qu’elle finisse par nous dire :
-          Yes why not, but no showers,”
persuadée que cet argument nous fera changer d’avis. Manifestement elle ne comprenait pas grand-chose à la situation. Je dus contenir un fou rire lorsqu’elle finit par nous dire encore hésitante :
-          ’Ok but just for one night ‘’.
Nous avons donc passé la nuit dans les bureaux de la marina pendant que Gilles est resté à bord. Cette nuit-là, l’œil du cyclone est bien passé entre Sao Miguel et Santa Maria, mais heureusement il s’est effondré au nord en arrivant sur les îles, tout en se renforçant au sud sur Santa Maria, qui eux ont bien eu les 90 nœuds annoncés !
Ouf ! Aucune casse sur aucun des bateaux de Punta Delgada. Mais cet évènement aura rapproché en quelques heures des plaisanciers qui ne connaissaient même pas les prénoms des équipages voisins (alors que nous étions campés au ponton F depuis déjà deux semaines !).

Depuis notre arrivée à Sao Miguel, nous n’avions pas vraiment connu l’anticyclone des Açores, pourtant réputé. Le mauvais temps aidant, nous avons passé la plus grande partie de nos journées à effectuer les réparations nécessaires suite aux ennuis techniques de notre traversée, à démarrer le CNED (pas si simple pour moi, même si Camille est motivée), et à attendre une météo propice pour faire de l’ouest.
Nous avons quand même réussi à dégager deux précieux jours pour aller découvrir des paysages exceptionnels, en plantant la tente au milieu des volcans, des lacs et des sources d’eau chaude. Nous avons parcouru les petites routes à travers champs, au milieu des vaches et des hortensias. Un bon bol d’air car la marina et le port de Punta Delgada, empreints d’une odeur persistante de pétrole due à la présence d’un dépôt pétrolier, ne nous aura pas beaucoup marqués par ses charmes. L’architecture peu maîtrisée des dernières décennies parvient à masquer depuis la mer ce qu’il reste d’une époque plus pittoresque. A découvrir quand même en s’aventurant dans les petites rues qui se cachent derrière les immeubles du littoral.

Le port de Punta Delgada

 Sao Miguel

 Sao Miguel

 Sao Miguel

 Sao Miguel

Sao Miguel

 Le camping de Furnas à Sao Miguel


 Au réveil
Lac de Sao Miguel 

baignade dans une source d'eau chaude

 Gordon, le dimanche à midi

 La Coccinelle prête à recevoir la visite de Gordon

en route pour Pico