vendredi 26 septembre 2014

L’Alaska, the far north !

Par : Armelle.












Malgré notre récente mésaventure nous sommes bien décidés à profiter de l’Alaska. Nous irons juste un peu moins nord que prévu, plus vite qu’initialement envisagé, et dans une seule direction : le sud. Notre condition d’éclopés ne choque pas vraiment les marins de Sitka car ici les bateaux de pêche ont tous un mât de chaque côté, pour la pêche au saumon. Par contre on s’étonne un peu de voir nos filières sur bâbord un peu défoncées, et les chandeliers tordus. Assez inconvenant au milieu de tous ces yachts à moteur parfaitement bien entretenus. Mais il s’agissait là d’un petit détail rapidement réglé par le Capitaine à l’aide de quelques bouts de tube d’aluminium et de deux serre-câbles. Et voilà notre Coccinelle changeant de genre pour un temps et se fondre, tant bien que mal, dans la masse des motoryachts.

A couple de Spirit qui nous a offert un super accueil 
malgré notre allure négligée

La ville de Sitka

L'une de ses nombreuses marina

Les mâts des pêcheurs sont nombreux... un de plus, un de moins !


Alaska dream.
Les voiliers sont peu fréquents ici. Nous en comprendrons vite la raison. D’une part, il y a les marées dans l’Inside Passage, en Alaska et plus tard en Colombie Britannique, elles génèrent des courants forts, évidemment contraires la moitié du temps. Le vent quant à lui, quand il y en a, est orienté dans le sens des canaux, nous avons donc une chance sur deux de l’avoir portant ; et une sur deux également de le voir souffler dans la mauvaise direction. Il peut s’accompagner d’un petit clapot rageur qui devient alors très handicapant pour un navire qui ne possède ni les chevaux suffisants, ni l’inertie d’une carène adéquate. Et plus de voiles pour faire route en sécurité. La moindre petite vague générée par l’un ou l’autre des bateaux que nous croisons déclenche à bord un branle-bas de combat pour rattraper à la volée les objets qui ‘du temps d’avant’ restaient statiques. Sans mât, les mouvement de notre Coccinelle ne sont plus du tout les mêmes. Il nous faudra quelques jours avant d’adopter d’autres réflexes, plus adaptés à notre nouvelle monture, au comportement désormais nettement moins marin. Il nous faut se ré apprivoiser.

Au mouillage devant la ville, le bateau est à nouveau sécurisé

Le temps de reprendre nos esprits, de laisser le mauvais temps passer, nous visitons la ville de Sitka. Une petite ville portuaire, toute en longueur, à flan de montagne, comme la plupart des villes alaskiennes : en effet, les chaînes montagneuses descendent le long de la côte, et limitent ainsi très vite les possibilités d’extension urbaine vers l’intérieur des terres. Sitka est une ville assez ancienne : 200 ans ! Un grand âge à l’échelle historique de l’Alaska. Elle fut fondée par les Russes (après en avoir chassé une communauté indienne, comme de coutume à l’époque), avant que les Etats-Unis n’achètent ensuite l’Alaska. Nous découvrons donc une ville assez typique, faite de jolies maisons en bois, colorées, sur pilotis lorsqu’elles sont sur le littoral, avec une économie très active en cette saison, basée sur la pêche (au saumon, au crabe, au flétan), ainsi que sur le tourisme, et dont les structures reposent essentiellement sur l’accueil des nombreux paquebots de passage.

maison typique

Nous partons nous promener dans le parc à totems et découvrons un art nord-américain au style très particulier, quoiqu’il nous rappelle très franchement celui des polynésiens dans le traitement des visages et des postures. On en devine une origine commune. Très lointaine évidemment puisque les Polynésiens comme les indiens d’Amérique viennent d’Asie ! Les totems semblent chacun nous raconter les histoires ou légendes des tribus indiennes en représentant par empilement des animaux sacrés, ou encore des chefs de guerre. Nous nous enfonçons dans la forêt et nous laissons emporter par le passé aux figures souvent inquiétantes.



Au mouillage, après quelques loupés, nous apprendrons vite à retenir les heures de pointe : celles du décollage le matin, puis de l’atterrissage en fin d’après-midi. De qui donc ? Mais des hydravions bien sûr. Un spectacle pour lequel nous avons la chance d’être aux premières loges, et dont nous ne nous lassons pas (et plus particulièrement le Capitaine qui peine à mettre dans son caméscope les bonnes images). Le plan d’eau est très bien protégé des vents et de la houle (et de toutes façons il n’y a pas de vent…), et les hydravions décollent ou atterrissent dans le chenal, à quelques mètres duquel nous sommes mouillés.



En général, partout dans le monde, là où il n’y a pas de transport en commun, on se déplace en taxi, et bien en Alaska c’est la même chose, sauf qu’ici les taxis sont aériens. Chaque petite communauté isolée, village, ou même simple cabane de pêcheurs, dispose d’un petit ponton, apte à recevoir les flotteurs d’un hydravion. Ces petits aéronefs se posent aussi bien sur l’eau que sur la terre et ils s’avèrent parfaitement bien adaptés à ces grands espaces accidentés. Ils narguent les bateaux cloués sur l’eau et arpentent les canaux, les flans des montagnes, le fond des fjords avec une aisance déconcertante. Libres comme l’air, cependant un peu bruyants au décollage, ils animent le paysage en lui donnant un caractère romanesque. Leur passage au dessus de notre pont, privé de mât, nous laisse à chaque fois une promesse : celle d’une liberté retrouvée lorsque nous aurons de nouvelles ailes.

Déjà une semaine que nous sommes à Sitka, la météo est bonne : peu de vent, un beau soleil, pas de brouillard (nous n’avons plus d’antenne radar, elle aussi gît au fond du Pacifique). Il est grand temps d’entamer notre route vers le sud. Grâce aux bons conseils de nos voisins, nous avons déjà une idée des possibles escales qui nous permettront à la fois de trouver une connexion Internet, indispensable pour continuer notre recherche d’un mât d’occasion, et aussi de garder un contact régulier avec notre assureur, tout en profitant au  maximum des curiosités naturelles qu’offre l’Alaska. Notre parcours va consister à slalomer dans un dédale d’îles et de canaux, en évitant les courants et les vents contraires, les bancs de brouillard ainsi que les passages exposés à la houle du large. Notre but : rallier le sud de la Colombie Britannique, au Canada donc, et un peu plus loin la ville d’Anacortes, dans l’état de Washington, côté états-unien, où nous sommes en contact avec un chantier qui serait apte à remettre un mât (neuf) sur Coccinelle, si nous n’arrivions pas à en dénicher un d’occasion. A vol d’oiseau, la distance est de 700 milles environ, mais la route réelle en compte plus de 850.

Le trafic est intense dans les Inside Passage
Voilà un stock de mât qui ferait l'affaire !
Dès le deuxième jour de navigation nous rencontrons des baleines. Les filles sont médusées, et nous aussi. Quoi de plus magique que de les voir évoluer dans un paysages aussi majestueux, composé de pics enneigés plongeant dans une mer sombre, et bien souvent finalement sous un soleil radieux. Un spectacle renouvelé à plusieurs reprises, toujours avec bonheur pour l’ensemble de l’équipage. Nous progressons jour après jour en passant la nuit dans des petits mouillages forains bien abrités. Parfois notre navigation est interrompue plus tôt que prévu à cause du courant, ou encore d’un vent contraire.


Un p'tit coucou...

Et puis s'en va.

Une Coccinelle au pays des glaciers.
Nous faisons une petite excursion dans la baie d’Edwards. Les cartes révèlent un glacier qui semble vêler jusque dans la mer. Allons voir ! Nous pénétrons sans mal dans le fjord, pour cause le glacier ne déverse plus aucune glace, il s’est retiré à plus de 500 mètres du rivage. Quelle déception ! Le spectacle est toutefois saisissant, et nous décidons de venir mouiller le plus près possible. 

Baie d'Edwards


Malheureusement, là où les cartes indiquent qu’il serait possible de mouiller, la froide analyse du sondeur nous ramène à la réalité : les fonds remontent de 50 à 3 mètres et ce à 50 mètres du bord, le tombant ne devrait pas se trouver là. N’étant pas encore prêts psychologiquement à nous lancer dans l’aventure, nous abandonnons et partons passer la nuit dans la baie d’à côté.



Equipement complet pour une petite excursion à terre.

Camille attendant l'ours.


Nous continuons vers Petersburg, où nous resterons le temps de laisser passer un front. Nous découvrons une petite ville à l’allure un peu délabrée et qui dégage une forte odeur de poisson (impression sans doute faussée par la pluie et la grisaille), mais qui laisse deviner, au détour de certaines petites rues, le charme des restes d’une époque chargée d’aventures dans un décor de Far West ‘boréal’. Un temps où se mêlent des histoires de chercheurs d’or, de trappeurs, de gangsters, de saloons et de filles de joie. Celui que se racontent encore les corneilles perchées sur les façades de la grand-rue, témoins jadis des règlements de compte expéditifs. Et celui que nous rappellent toujours les chapeaux de cow-boy que portent ici les pêcheurs, au comptoir des bars comme en mer. Une dernière chose, concernant la garde robe du touriste comme de l’indigène en Alaska : aux pieds des bottes toujours tu porteras !

Petersburg

La marina compte quelques voiliers. Nous retrouvons avec plaisir l’atmosphère des petits ports de plaisance d’un hiver breton, où l’on aime arpenter les pontons. Cette fois notre attention est plutôt tournée vers leur gréement. On fait notre marché, on rêve et on les jalouse. Certains de ces voiliers montent dans le grand nord, d’autres viennent de faire le passage du nord ouest. Peu redescendent comme nous, c’est encore tôt.

Un squat de phoques sur la balise qui précède l'entrée de Petersburg
Une brève éclaircie et nous nous échappons le temps d’une nuit vers le fjord du glacier Le Conte. Il s’agit du glacier le plus au sud de l’Alaska ; et accessoirement du continent nord américain. Le glacier Le Conte déverse beaucoup, beaucoup de glace. En approchant de l’embouchure du fjord, encore à une douzaine de milles du glacier, nous apercevons nos premier growlers. Ils se détachent du paysage par la puissance de leur éclat bleu. Nous les croisons lentement. Les filles sont émerveillées. Ce sont leurs premiers glaçons. Elles s’étonnent de la multitude des formes qu’ils peuvent prendre. 



Avec Gilles, nous avons déjà connu les glaces du grand nord, celles du Spitzberg. Il s’en suit une navigation zigzagodromique en direction du fond. Il bruine, mais à l’intérieur, le poêle ronronne. Nous réduisons notre vitesse, la glace devient de plus en plus dense. 




Le spectacle est grandiose bien qu’un peu terni par le grain noir qui nous rattrape. A chaque virage, le passage se réduit un peu plus. La fin de la journée approche, il faut penser à la distance qui nous sépare de notre mouillage. La prudence, vu notre condition, s’impose, mais c’est notre dernière chance d’apercevoir un glacier sur la mer. Et finalement ce grain, qui semble avoir la même curiosité que nous, vient clore le débat. Nous renonçons avant même d’avoir pu apercevoir le glacier. Mais nous nous consolerons avec un joli coucher de soleil, la pioche à quelques encablures d’un glaçon élu ‘voisin de prestige’ à la majorité par l’ensemble de l’équipage.


Le lendemain matin, un de nos petits matelots, premier levé, alerté par un bruit sourd de tonnerre, jette un œil encore tout ensommeillé à travers les plexi du roof et assistera à la bascule d’un gros bloc de glace, de la taille d’un autobus, métamorphosant notre ex-imposant voisin. Quelques secondes passent et Coccinelle, toujours aussi brutale à la moindre vague, réveille le reste de l’équipage par deux p’tits coups de roulis.

Le temps s’améliore. Le vent de sud qui empêchait notre progression s’affaiblit. Nous repartons de Petersburg. A nouveau des heures et des heures de moteur nous permettent de rallier la petite ville de Ketchikan. Notre dernière escale Américaine avant le Canada etla Colombie Britannique. En chemin, nous faisons escale dans une petite baie, à l’abri des champs de vagues générés par les nombreux cargos, barges et paquebots qui sillonnent cette même route. A l’aube, un voisin peu commun vient prendre place juste à côté de notre voilier : une… maison ! Une maison qui avance tranquillement droit vers nous avec des feux de navigation fixés à la rambarde de la terrasse qui devance sa façade. Et comme Gilles voit exactement ce que je vois j’en déduis que nous ne sommes pas en train de rêver. Nous finissons par entendre le ronron d’un moteur, puis sa fumée et seulement enfin l’artifice de cet étrange apparition : un petit bateau à moteur qui pousse un ponton en Y, lui même appuyé à l’arrière de la maison. Simple et astucieux.


Cet OFNI semble être finalement un outil de travail plutôt qu’une maison de vacances itinérante. Pas le temps de faire connaissance nous devons reprendre notre route, la marée n’attend pas !

Ketchikan, capitale du saumon.
A Ketchikan, comme à chaque fois que nous sommes séduits par un lieu ou une rencontre, nous resterons un peu plus longtemps que prévu. Et puis, il y a du WiFi, et nous cherchons un mât. Après une nuit peu confortable au mouillage devant la ville, nous prenons place dans Thomas Basin, au yacht club de Ketchikan, juste en face de la vieille ville. Celle-ci se compose d’un vieux quartier de maisons sur pilotis encadrant le cours de la rivière du même nom, devenues aujourd’hui des boutiques d’artisanat et de souvenirs mais qui furent autrefois le cœur du quartier chaud de la ville, attirant les aventuriers de passage en quête d’exutoire. Le reste de la cité, plus récent, ressemble à une petite ville artificielle et s’étend le long d’un immense débarcadère, le long duquel peuvent s’amarrer jusqu’à cinq paquebots géants… simultanément ! On y trouve quasi exclusivement des boutiques de souvenirs, d’artisanat, de glaces et de gâteaux qui fonctionnent à plein régime de juin à septembre. L’ensemble appartient aux sociétés d’exploitations de paquebots. Le reste de l’année tout le quartier s’éteint. Les stocks de bijoux sont envoyés dans des boutiques aux Caraïbes, précédant de peu la transhumance des paquebots et de leurs touristes qui retrouveront, dans un paysage différent mais navigant à bord des mêmes bateaux, les mêmes bijoux.

Notre préférence ira sans hésitation au premier quartier, vous vous en doutez. 

Ketchikan Creek

A partir de 17h00, après le départ de l’ultime paquebot du jour, nous aimerons flâner sur ses chemins de bois, remonter le cours de la rivière en contemplant ces milliers de saumons luttant contre le courant et sautant dans les rapides pour remonter le flot de la cascade. Certains finissent avec un hameçon dans la gueule, harponnés par un des nombreux pêcheurs du dimanche, d’autres se retrouvent entre les griffes d’un ours ou le bec d’un aigle. C’est le triste sort de tous les saumons sauvages en cette saison. Parfois un saut spectaculaire fait scintiller hors de l’eau les écailles de l’un d’entre eux. On pourrait penser qu’il vient d’échapper à un prédateur. Il s’agit en fait d’une manœuvre de ponte. Une chose est sûre c’est qu’ils vivent tous leurs dernières heures et la condition impérative pour que le spectacle se renouvelle chaque année c’est de parvenir à libérer ses œufs avant la mort. Celle-ci est cruellement inéluctable après la ponte des femelles.

A Ketchikan nous retrouvons l’ambiance chaleureuse des yachts club que nous avions connue à Hawaii. Nous faisons la connaissance d’une famille américaine (comptant autant d’enfants que les Barbapapa !) qui préparent leur départ en bateau. Avec eux nous goûterons le saumon pêché du jour par l’ainé de la famille. Excellent et bien moins gras que le saumon d’élevage ! Depuis les pontons de Ketchikan Creek, Molly me raconte que dans l’ancien temps les ours venaient ici se gorger de saumon. Aujourd’hui peu farouches car habitués à la présence des hommes, ils s’aventurent encore dans la ville et font parfois les poubelles du Yacht Club à l’aube. Mais d’ours jusqu’à présent nous n’en avons point vu. Il semble que nous allons quitter l’Alaska sans faire leur rencontre…

Thomas basin à Ketchikan, ponton du Yacht-Club

Gilles passe une grande partie de ses journées à chercher un mât sur Internet, recueillant quelques conseils des marins du coin. Des pistes s’ouvrent, avant de bien vite se refermer. Nous ferons une autre rencontre, aussi sympathique qu’hasardeuse : abordés dans un bar sous le prétexte que nous avons des allures de ‘sailors’. Debbie et Mike ont l’œil averti, et pour cause : marins au long cours, ils ont  sillonné le Pacifique pendant de nombreuses années, leur bateau se trouve actuellement en Turquie et dans quelques semaines ils repartiront à bord. Ils se prennent vite d’empathie pour nous et tentent de nous remonter le moral en nous proposant une virée en voiture à la recherche de l’ours noir. Rendez-vous pris dès le lendemain suivant les horaires de marée. Nous nous rendons à l’embouchure d’une rivière plus au sud. A peine arrivés nous serons honorés de la visite d’une maman ourse au pelage sombre et de ses deux petits. 

The black bear ! 

Tout d’abord un peu craintive, elle reste à l’écart, hésite, se retourne souvent pour regarder ses petits. Ceux-ci sont attentifs au moindre signe de leur mère, restent en retrait ;  prêts à grimper dans les arbres à la moindre alerte, ils ne rejoignent leur mère qu’au bon signal. Lentement, celle-ci s’approche de l’embouchure, vient goûter l’eau de la source. Ses petits la suivent et nous restons là, juste en face, de l’autre côté de la rivière, à les regarder se promener. Puis ils disparaissent à nouveau dans les bois. Ils ne semblaient pas avoir faim, contrairement au couple d’aigles qui se dispute bruyamment un saumon non loin de la scène. 


Un beau spectacle de la nature qui restera un des meilleurs souvenirs de l’Alaska.


Nous repartons le cœur gros. C’est notre dernière escale avant de quitter l’Alaska. Les ours, les aigles mais aussi les visages rencontrés à Ketchikan en marquent joyeusement la fin.

De Prince Ruppert à Vancouver, ou la chevauchée ‘fantastique’ sur les routes bitumées de la Colombie Britannique.

Par Armelle.











A Ketchikan nous avions également fait connaissance avec un couple de marins Canadiens, à bord de leur voilier ‘Friday girl’. En apprenant nos malheurs, ils nous ont fait une  belle offre, ils nous ont proposé d’utiliser gratuitement leur ponton à Prince Rupert, le temps de leur absence. Nous profiterons ainsi des infrastructures d’un ponton privé et d’une bonne connexion Internet. Nous poursuivons nos recherches de mât mais nos ressources commencent à s’épuiser.
Le brouillard est présent chaque matin, la mi-août approche, et la route est encore longue. Il nous reste près de 600 milles à parcourir. Passé l’enchantement de la découverte de l’Alaska, nous devenons impatients. Il nous tarde maintenant de trouver un mât et un chantier. Sur les cartes la route nous semble encore interminable. Devant nous se dessinent plusieurs passages délicats (pour le transit desquels il nous faudra trouver une escorte), à l’ouvert du large, de la houle et du vent, sans compter le brouillard et le fait que nous n’avons plus de radar. Le plus difficile est encore devant nous, la motivation nous abandonne peu à peu. Et le temps nous presse.

Prince Ruppert

Peu à peu une idée germe dans la tête du Capitaine, elle suit son court, et après quelques discussions avec notre assureur pour trouver un accord, un matin ça y est, notre sauveur arrive : un camion !



Au matin du 18 août Coccinelle est hissée hors de l’eau et sanglée sur la remorque de ce gros camion américain, un monstre blanc souligné de chrome à bord duquel nous allons parcourir les 1500 km qui nous séparent encore de Vancouver, à travers les majestueux paysages de la Colombie Britannique. Escortés par trois cow-boys, notre Coccinelle fait un bond prodigieux à plus de 50 nœuds vers le sud. 


Les caribous n’ont qu’à bien se tenir ! 

Au terme de trois jours de voyage, nous pénétrons dans Vancouver. Immense, jeune, très moderne et très métissée, elle dénombre aussi de nombreux chantiers navals de plaisance. Un immense nouvel espoir qui s’offre à nous. 

Le centre ville de Vancouver


Les maisons flottantes sur les rivages de Fraiser River.

Pas une seconde à perdre, dès le lendemain de notre arrivée nous nous répartissons les tâches : le temps de s’équiper pour l’accès à Internet, Gilles entame de nouvelles recherches, par mail et en téléphonant ensuite, en contactant toutes les adresses trouvées dans l’annuaire. Quant à moi, je pars avec mon vélo arpenter les chantiers. Mais je reviens le cœur lourd avec seulement quelques contacts dans mon carnet mais la possibilité d’un mât aucune. Je retrouve Gilles sur le pont du bateau l’air ému et enfin apaisé. Il se tourne vers moi et me sourit. Un sourire qui libère un cri de victoire.
-        Nous partons demain à la première heure à Sidney, sur l’île de Vancouver. me dit-il, Nous avons rendez-vous avec Brent le patron de BlackLine Marine. 

Ca y est nous avons un mât et un chantier ! Gilles est convaincu que c’est le bon cette fois.