jeudi 9 août 2012

Coccinelle envole-toi !




Par : Armelle.

Ca y’est nous voilà bien partis pour le large. En route vers les Açores.

Les premières heures ont été quelques peu mouvementées pour nos estomacs. Ceux des grands seulement, et heureusement, car les filles ont l’air d’y être insensibles, pour le moment. Croisons les doigts ! On dit que tant qu’on n’a jamais connu le mal de mer, on a une chance d’y être épargné ; mais il suffit de l’attraper une fois pour qu’il ne nous quitte plus jamais. Si bien que ce mot est devenu proscrit à bord devant les filles, autant que le « grandes oreilles ». La cabine avant est tout de même interdite aux filles et transformée en soute à bazar. Celui des grands.

Au bout de quelques jours chacun a déjà pris son rythme.
Gilles retrouve en quelques heures son 6ème sens, celui du marin, qui utilise ces sens communs pour en développer un autre. Les oreilles et les narines sondant le vent ; les yeux plissés, rivés sur l’horizon ; l’oreille interne concentrée sur l’équilibre du bateau. Même les équipements électroniques toujours plus performants ne semblent pas avoir altéré cette alchimie qui se crée dès qu’il retrouve la mer. Heureusement ! Cette métamorphose s’opère au prix de quelques modifications physiques : la peau du visage qui se tanne, le poil de la barbe qui s’allonge et se drue, les cheveux dressés en mèches hirsutes qui ne bronchent plus au bout de quelques jours, même dans la tempête, une transpiration à la saveur iodée qui vient auréoler les aisselles. Le reste du corps de la bête (espèce reconnue et que l’on nomme « le marin ») adopte automatiquement un mouvement balancier pour compenser celui du bateau. Seule séquelle qu’il garde encore un moment une fois à terre, d’où l’expression « démarche chaloupée ».

Pour ma part, lorsque les filles me laissent en paix, je me plonge dans un bon bouquin ou dans mes pérégrinations intérieures avec délectation. Je me laisse apprivoiser petit à petit par la Coccinelle que j’ai encore très peu connue en vol.

Les filles s’inventent de nouveaux jeux. Elles dessinent la maison « d’après le Voyage » en y mettant bien-sûr tout ce qu’on ne peut pas embarquer dans un bateau : des chats, une voiture, un escalier, etc. Elles investissent tous les espaces disponibles à bord pour y construire des cabanes. Elles sont passées maitres dans l’art de chambouler toute une cabine en moins de 5 minutes. Puis quand le terrain de jeu devient impraticable, d’investir un autre espace pour en faire tout autant. Vu le volume restreint dont nous disposons, le bateau devient vite un vrai champ de mines pour la plante de nos petits pieds délicats (car non encore matés par les rochers et les coquillages). Cela nous vaut quelques crises de nerfs. On a bien tenté de les rallier à un super jeu, qui s’appelle « Le Range Tout en moins de 5mn ! » (surtout bien prendre un ton enjoué en le proposant), qui consiste, chacun son tour, à prendre un objet « au bazar » et à le remettre à sa place. Mais sans trop de succès. Elles tombent vite sur un objet avec lequel elles ont évidemment une soudaine envie de rejouer.

Les premiers jours le vent nous a permis d’atteindre des moyennes de 5 à 6 nœuds, puis il est complètement tombé. La météo annoncée, avare de vents pour les prochains jours, nous a contraint à guetter la moindre brise pour limiter au maximum les heures de moteur dont l’autonomie en carburant n’est que de quelques jours. Puis quand les vents sont revenus, on s’en est régalé tout cru ! Sauf des vents contraire, car malheureusement nous en avons eu aussi ainsi que les galères qui vont avec : le panneau de pont avant qui fuit à grande eau ; ou celles qui n’ont rien à voir mais qui évidemment arrivent le même jour : un pipi au lit, les toilettes qui débordent parce-que quelqu’un a oublié de fermer la vanne, une fuite sur le circuit de refroidissement eau de mer du moteur, un câble électrique de l’émetteur BLU qui casse, les batteries de servitude à plat, foutues, parce que l’une d’entre-elles était défectueuse ! Ces jours là sont une grande épreuve pour les grands qui ne doivent pas sombrer dans la crise de nerf ni dans l’apathie due au mal de mer devant les filles. A ce jeu, on s’en sort étonnement bien pour le moment.                           

Nous croisons en moyenne un cargo par jour dont l’un qui a nécessité (plus par sécurité) de se dérouter.
Nous avons régulièrement reçu la visite de quelques dauphins et avons eu le privilège de croiser des baleines au loin.
La température de l’eau a gagné un degré chaque jour.

Nous avons pêché notre 1er poisson, un thon (que Gilles a soigneusement mesuré, histoire d’avoir de quoi alimenter nos conversations avec les voisins de mouillage). Avec ses 38 cm donc (on ne rit pas !), celui-ci est venu agrémenter le menu de deux de nos repas, juste au moment où nos vivres en charcuterie et en viande fraîche commençaient à manquer.

Les filles sont toujours enjouées et vivent chaque jour comme un nouveau, avec une probabilité certaine qu’aujourd’hui nous nous arrêterons à « un village ». N’ayant pas la même notion du temps elles ne réalisent pas en milieu de traversée que cela fait plusieurs jours que nous sommes en mer, ni ne se renfrognent lorsqu’on les informe qu’il reste encore plusieurs jours avant notre prochaine escale. D’ailleurs elles ne semblent pas encore réaliser ce qu’est le large. Pour preuve lorsqu’un jour nous finissions le reste de fromage, Apolline me demande si je peux aller en racheter. Je lui réponds : « mais où veux-tu que je trouve un fromager ? Regarde autour de toi ? » Elle réfléchit puis me demande : « ben si tu vois un fromage sur l’eau, est-ce que tu pourras le pêcher ? ». Dès lors nous ne veillons plus seulement les baleines mais aussi les fromages.

Quelque soit la durée d’une traversée, les derniers jours sont toujours pénibles en attente. Sauf le tout dernier, car c’est celui de l’arrivée, porteur de souvenirs plus marquant : la vue de la terre à l’horizon, puis de paysages exotiques et des premières habitations et enfin la découverte d’un nouveau mouillage.

Le lundi 06 août, nous avons eu la surprise de découvrir l’ile de Sao Miguel au réveil, accueillis par un couple de dauphins, interrompant leur chasse pour venir saluer notre étrave.

Huit jours de mer, tous les quatre en famille, 860 milles parcourus depuis San Camarinias. C’est une première pour nous et une réussite prometteuse pour la suite. Gilles a assuré tous les quarts de nuit. Moi je me suis occupée des filles la journée et d'une large partie de l’intendance.
Déjà quelques travaux sur le bateau nous attendent, ensuite nous irons découvrir les îles.

La Coccinelle prend le large. Il f’ra beau dimanche !

Le Capitaine à la barre

Les matelots


« Faites le tour ! »

« Un dessin animé ! Un dessin animé ! »

« Cooool ! »

« Jeux à bord »

Le repas

Le capitaine et son p’ti mousse

Quart de nuit

La laborieuse mutation du marin pour redevenir terrien.
« Ben quoi ? J’ai oublié quelque-chose ? »

Sao Miguel

Les p'tits mouchoirs


Par : Armelle.

Nous avons franchi les tours de La Rochelle un dimanche (on ne déroge pas aux traditions de marins), sous les adieux volontairement sobres (dus à notre propension à la larme facile) mais sympathiques de nos parents, amis et voisins. Sobres mais riches tout de même car entre autres parmi eux un lointain cousin était présent. Entendez bien-sûr le mot « lointain » au sens géographique du terme uniquement. Ce jour là le port de La Rochelle, animé par les Franco Folies, a donné un air de fête à l’évènement qui pourtant dans nos cœur étaient partagés par la joie de partir et la tristesse de quitter ceux que nous laissons. Deux journées de navigation pour rallier le port de Sauzon, et y retrouver de nouveau nos proches. On ne largue pas les amarres aussi facilement. Une journée à la plage de Port Haliguen en compagnie des Ruffet, un bon bain de famille Payer, une chouette soirée avec nos amis belle-islois, des p’tits mouchoirs et quelques nouvelles larmes.
Mais aussi une escale technique pour tester nos béquilles (Ouf ! La coccinelle sait se tenir au sec !) et grâce aux conseils avisés du propriétaire du Chantier de la Saline (petite pub au passage bien méritée !) nos moteurs hors-bords sont fin prêts pour accompagner nos ballades en annexes pendant quelques années. A condition cette fois de les bichonner comme ils le méritent. Merci Patrice pour tout le temps que tu y as consacré !
Nous avons quitté le port de Sauzon le matin du 22 juillet 2012, cap sur les Açores… puis un détournement vers l’Espagne, pour deux courtes escales techniques, à Laje, puis Camarinas.

Départ de La Rochelle

Escale à Sauzon

« Maman les p’tits bateaux qui vont sur l’eau ont-ils des jambes ? »

Les cousins Ruffet

« On touche le fond là, non ? »

« Non non ! Ne vous inquiétez pas ce n’est que l’annexe »

 La famille Ruffet et Vonne 

 Départ de Sauzon 

Gascogne

Nos amis les dauphins


Escale à Laje


Portrait de famille - Laje