samedi 1 avril 2017

  
Coccinelle aux Tuamotu, saison… 3 !

Par : Gilles.

Et oui, saison trois puisque l’an dernier (enfin, il y a deux ans !), en 2016, nous avions déjà séjourné aux Tuamotu, mais pour une période plus courte, correspondant aux vacances scolaires. Nous avions alors passé un mois dans les atolls de Raraka, Fakarava, et Raroïa.

Alors qu’Armelle allait terminer son travail de prof d’Art Plastique et d’Arts Appliqués au collège lycée d’Atuona, sur Hiva Oa, aux Marquises, en juin dernier, et tandis que la date à laquelle nous allions quitter les Marquises approchait, on commençait sérieusement à se poser des questions : ne plus revenir ici, alors que nous venions d’y passer 22 mois, étalés sur plus de 30 mois, de décembre 2014 à juin 2016 ? Une sacrée belle tranche de vie. Alors comme un rituel, souvent répété, nous avons repris le chemin de Nuku Hiva, pour un ultime adieu, avant de tourner nos étraves vers les Tuamotu et plus précisément… Raroïa, là où l’année précédente nous avions passé quelques jours, début août 2015. Cela paraît difficile à croire, et pourtant, au cours de ces 13 mois, et à part la période au cours de laquelle la Cox a été au sec, notre bateau, inlassablement, dans le port de Tahauku, à Atuona, n’aura cessé de rouler, bord sur bord, du soir au matin, et du matin au soir. En suivant le rythme étrange d’un métronome déréglé, puisant ses repères dans une houle plus ou moins lointaine, formée ou pas, et surtout venant d’une direction qui la faisait pénétrer même dans les moins mauvais mouillage des Marquises. On ne s’y habitue jamais.

  Coccinelle dans le lagon de Fakarava. So beautiful !

Raroïa.
Aux Tuamotu, s’il n’y a pas de reliefs, les paysages sont désespérément plats, mais au moins le bateau ne bouge pas. Et quand l’alizé prend de la vigueur, alors il faut trouver refuge derrière une plantation touffue de cocotiers qui saura protéger le bateau des assauts du vent que sinon rien n’arrête.



Raroïa. Scène de vie dans le lagon.

Nous découvrons l'épave d'un grand voilier de la fin du 19ème siècle.

Camille fait un croquis de l'épave.

Apolline photographie la ferme perlière dans laquelle j’ai assisté à la finale du Championnat d’Europe des Nations.

Apolline et sa prise sur le platier, un flotteur récupéré sur le platier.

En juillet 2016, nous avons donc commencé notre troisième séjour aux Tuamotu (le premier à Hao en octobre 2014, de Raraka à Raroïa en juillet-août 2015, et… Raroïa en juillet 2016) ! Sans être fana de football, je m’intéresse plus ou moins aux grandes compétitions, et en juillet dernier, il a donc fallu se débrouiller pour trouver une TV sur cet atoll (presque) désert, pour regarder la finale du Championnat d’Europe des Nations. Pas simple, et j’ai du me rabattre sur une ferme perlière, au vent de l’atoll, équipée d’une parabole. Petite piqûre de rappel, le Portugal a battu la France, qui pourtant méritait de gagner !
Les côtes au vent des îles en général et des atolls en particulier regorgent de trésors apportés par la mer, le plus souvent des apparaux de pêche, bouées, filets, cordages de toutes les couleurs, et de toutes les formes. Mais aussi des débris dont le rejet à la mer est nettement moins accidentel, comme des emballages plastique, des bidons de 200 litres, et même les restes de quelques réfrigérateurs et autres congélateurs. Nous y découvrirons aussi des bouées qui pour certaines servirons de pare battage, et d’autres de flotteurs quand il sera nécessaire d’empêcher la chaîne de mouillage de venir caresser d’un peu trop près le corail… Lors d’une marche, le long du platier, nous découvrirons, émerveillés l’épave d’un vieux voilier, espagnol paraît-il, dont nous évaluons la date du naufrage à la fin du 19ème siècle. Il était construit en tôles d’acier riveté, et aurait donc à priori été construit après les années 1880. Et la marine à voile a disparu au début du 20ème siècle. Thor Heyerdhal le mentionne dans le récit de l’aventure du Kon Tiki, puisque son radeau échoua en 1947 à quelques kilomètres plus au nord, au terme d’une dérive qui le conduisit ici, lui et ses équipiers 101 jours durant depuis Lima au Pérou. S’il n’en reste plus grand-chose, 120 ans plus tard, on distingue encore nettement l’étambot, le gouvernail, quelques cabestans…

Raroïa. Nous découvrons l’épave en acier de ce grand voilier espagnol, échoué il y  plus d’un siècle.

Raroïa. Camille fait des croquis de l’épave sur le platier.

Raroïa. L’étambot du voilier, le morceau fait plusieurs mètres !

Le temps est venu de quitter Raroïa. Sans doute victimes d’un excès de confiance en nous, puisque nous avions déjà visité quelques atolls auparavant, nous avons calqué l’heure de notre départ du platier au vent de Raroïa sur l’heure de l’étale de courant de la passe, à l’opposé de l’atoll, afin d’éviter le mascaret. Pour les patates de corail, nous savions pouvoir compter sur le logiciel SAS Planet, et la précision redoutable des images Google Earth. Mais nous n’avions pas pris en compte la position du soleil, à l’ouest en cette fin de journée, et il a fallu se frayer un chemin au travers des milliers de bouées des fermes perlières qui encombrent le lagon avec beaucoup de difficultés, éblouis par le soleil. Allez bye bye Raroïa, cap sur Makemo.

Makémo.
Au terme d’une nuit de navigation passée à tirer plusieurs bords de grand largue au milieu de quelques atolls épars, nous avons négocié la passe de Makémo contre un léger courant sortant, dans les jolies couleurs du matin. Le village est magnifique, les ruelles sont joliment bordées de rambardes toutes peintes, du meilleur effet. Une fois de plus le séjour à Makémo a été mis à profit pour bricoler, notamment l’éolienne qui depuis de nombreux mois déjà avait besoin d’une bonne remise à niveau. D’ailleurs, lors de la traversée entre Nuku Hiva et Raroïa (au cours de laquelle il aura fallu se mettre quelques heures à la cape, vent fort oblige), un faux contact généré par un roulement complètement usé et détruit aura entraîné un court circuit qui va mettre HS pas mal d’instrumentation électronique, incluant l’AIS, mais aussi l’alimentation électrique, et plus particulièrement l’électricité générée par les panneaux solaires. Quelques journées de travail finiront par remettre l’ensemble en conformité. A ce sujet, il convient de reprendre le principe d’Antoine (voir aussi en fin de récit).

'Toute mécanique possède un état normal, stable et naturel, l'état de panne ; on peut parfois, pour une durée toujours limitée et avec beaucoup d'efforts, la maintenir dans un état instable et anormal, l'état de marche ; ainsi, moteur hors bords, alternateur, circuits électriques et pompes en tous genre sont venus nous taquiner dans notre paradis..


Apolline, Doudou Vache et Armelle au réveil. Dans quelques minutes, nous allons franchir la passe de Makémo.

Dans la nuit, un paille en queue est venu se reposer dans le cockpit. On va avoir du mal à l’en déloger !

 Apolline, petite sirène de Makémo.

 Makémo. Séance cerf volant.

 
Makémo. Les jolies ruelles du village, colorées de pourpre.


 
Makémo. Speed boat (sur) vitaminé utilisé pour les liaisons entre les îles.

 Makémo. Les petites princesses de Coccinelle.


Retour à Fakarava.
L’an dernier, nous avions passé quelques semaines à Fakarava. Cette année, on a remis ça, et on y a même passé quelques mois… Enfin, presque trois. Normal, quand on aime, on ne compte. Il se dégage de Fakarava comme une onde magique à base de beauté (les couleurs du lagon), de charme subtil, qui ont fait que nous y sommes retournés. Armelle a de nouveau plongé dans la passe sud, Camille a refait une petite plongée, et Apolline quant à elle s’est offert son baptême de plongée. Ne reste que moi qui pour d’obscures raisons médicales ne suis pas autorisé à faire des ploufs au-delà du grand bleu, mais avec Armelle nous nous sommes offerts une promenade dérivante dans la passe, en PMT.

La dérivante mode d’emploi. Nous avons laissé les enfants jouer sur une plage nager au milieu de leurs amis les requins pointe noire (parents indignes), et nous sommes dirigés vers la sortie de la passe, vers l’extérieur. Il faut bien sûr le faire à marée montante, rentrante donc.
Tous deux équipés de palmes, masques et tubas, nous nous sommes mis à l’eau, avec attachée à la taille l’amarre de l’annexe, et main dans la main nous nous sommes ainsi laissés dériver en admirant les fonds et les habitants du coin, les fameux requins gris. La passe est à cet endroit profonde d’une vingtaine de mètres, la visibilité est telle qu’on en voit le fond, à cette distance (et c’est aussi probablement du à la distorsion de la vue à travers le masque), les requins gris qui déambulent au fond de l’eau paraissent tout petits, ils mesurent pourtant deux mètres ou plus. Puis au fur et à mesure que nous progressions dans la passe, et que la profondeur diminuait, les coraux se sont faits plus flamboyants, plus beaux tout simplement, au milieu d’une faune exubérante et multicolore. Encore une expérience gravée dans nos mémoires.

 
Après Camille en 2015, cette année, Apolline a elle aussi effectué, à un peu plus de 7 ans, son baptême de plongée. Merci Franck !

 Apolline et Franck sous l’eau : ça y est, je suis poisson !

 
Armelle en plongée dans la passe sud de Fakarava.

 Armelle et son ami le thon par 20 mètres de fond.

Avec nos z’amis de Planet Océan, un catamaran familial avec à bord deux petits garçons d’à peu près l’âge de Camille et Apolline, nous nous sommes retrouvés à plusieurs reprises, que ce soit en Dominique aux Antilles, et plus récemment aux Marquises, aux Tuamotu et à Tahiti. Passe sud de Fakarava, les enfants se sont mis à la recherche d‘un ‘motu’ (comprendre, un petit îlot de sable avec si possible quelques cocotiers), sur lequel ils pourraient vivre une vie de Robinson. Après en avoir explorés quelques-uns, les petites Coccinelle et les petits Planet Océan, ainsi qu’une autre fillette, ont fini par découvrir leur île, secrète et déserte, où ils ont formé le ‘Club des Amis Sauvages’, les tentes ont été plantées, et la présence discrète d’un adulte les a laissés vivre leur vie (presque) seuls au monde, au milieu de leur confetti de sable, au coeur de l’un des coins les plus fascinants de notre planète. Bien sûr les repas étaient confectionnés à bord des bateaux, et pour accompagner les plus petits (6 et 7 ans), un grand est venu chaque fois passer la nuit avec eux. C’est sûr, à cet âge la gestion de l’intendance et la tenue d’un camp est encore une notion abstraite, mais ils s’en sont plutôt bien sortis, et ils y ont passé deux nuits.




Apolline, Camille, Camille et Noé, en Optimist sur le lagon de Fakarava.

Le motu du ‘Club des Amis Sauvages’. A l’arrière plan, Dragon Fly, le maxi yacht de Serguei Brin, co ‘inventeur’ de Google.

Le Club des Amis Sauvages.

Le chantier de l’automne.
Un bateau, c’est bien connu, ça s’use plus vite qu’une maison, et il convient de l’entretenir pour ne pas se laisser submerger. Coccinelle est une dame d’âge certain (33 ans), et ses vernis à l’intérieur commençaient sérieusement à accuser le poids des âges. Mais pour travailler dans des conditions acceptables, il nous fallait un lieu où nous pourrions nous atteler à la tâche à terre, après avoir démonté tout ce qui pouvait l’être.


Tout n’a pas pu être démonté, et il a fallu aussi vernir à l’intérieur.


Notre atelier ‘vernis’ dans un hangar mis à notre disposition par Agnès et Matthieu au Pakokota Lodge.

Nous avons trouvé au Pakokota Lodge un lieu parfait. Agnès et Matthieu (et la petite Anihia) ont construit quelques bungalows qu’ils exploitent en location. Parallèlement, ils offrent aux voiliers de passage quelques services comme un accès à Internet, linge, transferts à l’aéroport, mais aussi le transport vers les boutiques du village, à une vingtaine de kilomètres, dont dix de piste. Matthieu ayant eu besoin de s’absenter quelques semaines, nous avons passé un accord : nous pourrions utiliser un hangar pour travailler, et nous pourrions même dormir deux ou trois nuits dans un bungalow, pour ces jours où nous appliquerions du vernis à l’intérieur du bateau. En contrepartie, nous seconderions Agnès dans la gestion du Pakokota Lodge, assurant le transport dans le vieux, très, très vieux 4x4 du couple, un Isuzu Galloper antédiluvien rongé jusqu’à la moelle par la rouille. Quand il pleut il a la particularité d’arroser copieusement les passagers, non pas par le devant (il y a un pare brise, mais plus d’essuie glaces), mais par le dessous : il n’y a en effet plus de plancher. Pour faire le plein, il suffit de remplir un jerrican (il n’a plus de réservoir non plus, il a rendu son dernier soupir en tombant sur la piste quelques semaines plus tôt…) Bon, il n’y a pas non plus de gendarmes à Fakarava., pour s’assurer que le contrôle technique a bien été effectué.
Refaire les vernis d’un bateau représente un gros chantier. Il faut démonter toute les quincailleries (charnières, serrures, etc.), descendre tous les panneaux de bois à terre (y compris les planchers), appliquer en plusieurs couches de décapant chimique (V33), frotter soigneusement au grattoir, rincer à grande eau, pour évacuer les résidus de décapant, puis en remettre une cht’ite couche le cas échéant, gratter de nouveau, poncer, rincer, avant d’appliquer cinq couches de vernis polyuréthane mono composant. Ouf ! Cela nous a pris un petit mois pour refaire cuisine, table à cartes et carré. Mais il reste encore la salle de bains, et une partie des cabines. Après le vernis, il a ensuite fallu consacrer une semaine à la dépose des panneaux de contreplaqué qui entourent les hublots de rouf, en dessiner de nouveau, les traiter (deux couches de primaire bi composants époxy, puis deux couches de polyuréthane bi composée elle aussi). Quand on vous dit qu’on ne s’ennuie jamais, sur un bateau…

Pendant ce temps, Apolline et Camille, en compagnie de Lucas, de passage chez Agnès et Matthieu, se sont lancés, comme leur maman, dans l’architecture navale. Leur première réalisation a pris la forme d’un trimaran à voile. Le fier navire a été mis à l’eau à l’intérieur du lagon, devant le lodge. Plusieurs semaines plus tard, après notre départ, des pêcheurs avertiront Matthieu qu’ils avaient retrouvé la maquette, de l’autre côté du lagon, à plusieurs milles de là ! Il aura donc seul traversé la petite mer ! Le second navire a été conçu à moteur, avec une turbine à réaction alimentée par un réservoir d’eau. Mais des problèmes d’autonomie l’ont empêché d’effectuer la totalité de la traversée…

Les architectes et le maître d’œuvre en réunion de travail, sur l’achèvement du navire.

 
La mise à l’eau de la maquette pour son voyage inaugural.

 
La lettre qui comme sur Pioneer 11 (la première sonde à quitter notre système solaire, en 1971…) a accompagné le navire dans sa traversée du lagon de Fakarava.


 
La mise à l’eau du second navire, un radeau à eau, à tête de langouste.

 
Le ponton du Pakokota Lodge. En février 2017, il a été détruit par une tempête.

 
Les ‘Coxy Girls’ et leur Coccinelle.

 
Balade sur le platier. Le parasol protège bébé de l’implacable soleil tropical du milieu de journée.
 
La Cox à Fakarava.

 
Pakokota Lodge.

 
Pakokota Lodge.

 Pakokota Lodge.

 Séance yoga avec les petits Planet Océan et Stéphanie leur maman, et les petites Coccinelle.

 Fin de journée sur le lagon de Fakarava. Bon c’est quand même un peu tous les jours la même chose…

Vers les Australes.
L’absence de Matthieu a duré plus longtemps que prévu, puis quand il est rentré le vent a soufflé trop fort pour que nous puissions partir vers notre nouvelle destination : Raivavae, aux îles Australes. Il a fallu patienter une semaine de plus. Avant de quitter Fakarava nous avons retrouvé Banana Split à Hirifa, au sud de Fakarava. Je connais Antoine depuis de nombreuses années, pour l’avoir un jour interviewé pour Multicoques Mag. Il est donc venu boire un café à bord de la Cox. Quand il a demandé pourquoi nous avions donné ce nom à notre bateau, je lui ai expliqué qu’après la naissance de Camille, j’avais réalisé que nous avions tous les trois deux ‘L’ dans le prénom (CamiLLe, ArmeLLe, GiLLes). Deux L comme les Ailes de la Liberté… Et quand notre deuxième fille est arrivée alors nous l’avons appelée ApoLLine (si Apolline avait été un petit garçon, alors elle se serait appelée GuiLLaume…) Et pour le bateau, Armelle s’est creusé les méninges, et elle a trouvé… CoccineLLe !


Banana Split, le ‘yak’ d’Antoine. Le cata rustique et simple par excellence !

« Il y a longtemps, j’avais inventé un prénom, qui a lui aussi deux LL », nous confia alors Antoine. Il s’agit de Cannelle, et j’en avais même fait une chanson. Et l‘ancien chanteur populaire a alors pour nous poussé la chansonnette : «  Je l’appelle Cannelle, parce que sa peau est bronzée »… Vous pouvez cliquer sur ce lien pour l'écouter :


Puis la Cox a pris la direction de la passe sud de Fakarava, que nous avons franchie à l’étale, et nous avons tourné son étrave vers le sud et l’archipel des Australes et l’île de Raiavavae, à plus de 500 milles.

A suivre…