lundi 20 mai 2013

De l'Atlantique au Pacifique : le Canal de Panama.



Par : Gilles. 
Intro par : Armelle 

Le Canal de Panama, c’est un passage obligé que j’ai vécu comme un rite initiatique, le capitaine étant déjà un initié. Un bon coup d’adrénaline au milieu de toutes ces gigantesques boites, une brusque accélération à travers le goulet de la mondialisation qui nous promet ensuite de longs surfs vers les lagons perdus du Pacifique. Une fois passé le canal puis le pont des Amériques, c’est le calme après la tempête, et l’impression d’être dans un nouveau monde sans que cela soit palpable. Nous goûtons et fêtons toutes les premières fois, un peu comme un nouvel an. Le premier plongeon du Pacifique !, la « première gorgée de bière », le « premier poulet du dimanche», le premier poisson, le premier coucher de soleil… 

Nous assouvissons nos derniers élans frénétiques de consommation devant l’angoisse de manquer de quelque-chose sur notre future île déserte. Nous ne rêvons plus mais projetons notre programme de voyage dans le Pacifique. 

C’est alors que nous réalisons également qu’il n’est désormais plus possible de faire demi-tour, que pour nous maintenant c’est sûr le voyage sera long et que la Polynésie nous éloignera de nos familles et amis, pendant un temps. C’est le revers de la médaille que nous ressentons déjà. Car au moment où notre Coccinelle découvrait l’océan Pacifique, Emilie devenait maman et ma grand-mère fêtait ses 100 ans ! 





Nous approchons de Colon, au milieu des navires en attente. 

Ca y est, le pas est sauté, il est derrière nous. Qui-ça donc ? Et bien, le Canal de Panama bien sûr, ça y est, il est dans le sillage. Une bonne chose de faite. 
Car les légendes sont tenaces, celles de voiliers qui auraient fait demi-tour dans les écluses, d’autres qui se seraient faits écraser entre deux remorqueurs, ou encore broyés par les hélices monstrueuses d’un cargo géant qui aurait oublié jusqu’à même votre présence. Car la différence d’échelle est indécente : près de 300 mètres de long et plus de 30 mètres de large pour les plus grands, à rapprocher des 11 x 4 mètres de notre petit voilier. Le show (dans lequel nous avons été tout autant acteurs que spectateurs) a commencé avant même d’avoir franchi les grandes jetées qui protègent le port de Colon Cristobal, la porte d’entrée, côté Atlantique, du prestigieux canal. Au fur et à mesure de notre approche, nous avons pu distinguer des dizaines et des dizaines de navires, au mouillage, à l’extérieur des jetées mais tout autant à l’intérieur, en attente de transiter vers l’Océan Pacifique. Arrivés à la tombée du jour, Coccinelle s’est donc frayé un passage au milieu de tous ces bateaux, beaucoup de porte containers, des vraquiers, chimiquiers, pétroliers, avant de venir poser son ancre sur le fond des Flats, la zone de mouillage réservée aux petits navires ; une notion toute relative puisqu’elle concerne certes les petits voiliers, mais aussi les gros yachts à moteur, les petits cargos, quelques remorqueurs. 

Passer le Canal de Panama, cela n’a rien d’anodin. Pour les voyageurs autour du monde, Panama marque le début d’un autre voyage, comme un nouveau départ : celui qui mène à l’Océan Pacifique. Nous aurions bien aimé pouvoir rester au mouillage des Flats, et éviter ainsi une trop coûteuse marina, mais devant l’impossibilité de débarquer à terre en sécurité, il a fallu se résoudre à venir amarrer Coccinelle dans la marina de Shelter Bay. Après les rues glauques de Colon, les épaves des navires échoués le long des berges, le trafic incessant de cet impressionnant port de commerce (le plus actif de toute l’Amérique Latine !), la marina ne pouvait qu’être à la hauteur : piscine pour se rafraîchir lors des heures les plus chaudes du jour (Apolline et Camille y ont passé des heures et des heures, Camille y a même appris, sur les conseils d’une petite copine, à nager la tête sous l’eau, et toucher le fond de la piscine), salles de bains privatives, services aux petits oignons, bon réseau WiFi, avec bien sûr une tarification à la hauteur. Car Shelter Bay Marina n’a pas de concurrence à Panama, le Panama Canal Yacht Club d’antan, là où il y a 18 ans, j’avais amarré Orca, a été détruit il y a quelques années, il ne sera pas reconstruit. Ici à Shelter Bay Marina, sus aux petits bateaux : qu’il mesure 25, 30 ou 36 pieds, vous paierez au minimum pour un 40 pieds. 

Nous avons décidé de faire appel à un agent (voir complément à suivre), Tito (c’est son nom) s’est donc chargé d’une partie des formalités, avant que Coccinelle ne soit mesuré, afin de déterminer le montant des droits que nous aurions à payer pour pouvoir traverser l’Amérique en bateau. Puis il a fallu attendre que notre tour arrive. 



L’arrivée du pilote. 


Shelter Bay Marina. 

Shelter Bay est donc le passage obligé pour tout navire de plaisance en attente d‘un transit, des plus petits, mais aussi des plus gros. Seuls les plus grandes unités ne peuvent pas y entrer, ils doivent se contenter du mouillage, à l’extérieur, avec les cargos. Ou les Flats. Le plus gros voilier que nous y ayons vus, Koo, mesurait 50 mètres ! Nous avons ainsi vu le propriétaire de l’un de ces yachts venir poser son hélicoptère à quelques dizaines de mètres de Coccinelle. D’ailleurs, nous étions dans un véritable environnement d’hélicoptères : la marina est située dans une ancienne base Etats-unienne, qui date du temps où le Canal était sous juridiction Américaine. La base est pratiquement fermée, mais trois hélicoptères y restent basés, les journées y ont été rythmées par le son sourd des rotors, au milieu des cocotiers, il y règne comme une atmosphère de guerre du Vietnam ; il ne manquait plus que la Walkyrie de Wagner pour rythmer le tout…et heureusement le bruit des explosions. Apocalypse Now ! 

Ces quelques jours d’attente ont été consacrés au plus gros avitaillement qu’il nous ait été donné de faire depuis le départ : nous avons la moitié de l’océan Pacifique à traverser, et nous n’osons même pas imaginer ce jour où dans le futur nous reverrons un supermarché, tant il semble lointain ! Nous en avons également profité pour effectuer quelques travaux sur le bateau (il y a toujours à faire !), cette fois-ci, la grosse dépense (mais c’est sûr, après, il n’y en aura plus d’autres !) aura été une toute nouvelle pompe à eau de mer offerte au moteur, pour quelques centaines de dollars, toute brillante, à la peinture neuve ! 

Nous avions également un rendez-vous important à Panama City, à l’ambassade des Etats-Unis. Car la suite du programme, pour l’an prochain, prévoit de nous mener vers les Côtes Etats-uniennes, Hawaï, Alaska, Californie. Hors pour se rendre aux Etats Unis à bord d’un jet privé (on s’en est séparés, on ne trouvait finalement pas ça très pratique), ou d’un yacht privé (nous n’avons conservé que le yacht), il est indispensable de se faire délivrer un visa de type B2. Son obtention est liée à une procédure en ligne des plus fastidieuses. En Martinique, nous avons passé des dizaines d’heures connectés à essayer de dénouer tous les rouages de cette démarche qui, après avoir payé 160 US $ pour chaque membre de la famille, avait débouché à un rendez vous à l’Ambassade Etats-unienne de Panama : une telle rencontre personnalisée dans une ambassade est indispensable. Nous n’en croiserons pas d’autre avant notre entrée aux Etats-Unis, à Hawaï. Le jour dit nous avons donc pris un taxi depuis la marina jusqu’à la gare des bus de Colon, emprunté la navette conduisant à Panama City, où un nouveau taxi nous a déposés devant l’ambassade. Il nous manquait une photo d’identité d’un format particulier, 5 x 5 cm, et nous avons été heureux de trouver devant l’ambassade des tentes avec installés là des photographes avec tout le matériel nécessaire à la fabrication des dites photos. Finalement d’entretien il n’y eut pas (ben oui, nous sommes une famille d’occidentaux, blancs, c’est plus simple…). Il a quand même fallu retourner trois jours plus tard récupérer nos passeports munis des fameux visas. Même dans une ambassade américaine, il peut y avoir des couacs informatiques. A moins que ce retard n’ait été lié aux attentats du marathon de Boston qui ont eu lieu ce même jour ? 



Les lamaneurs lancent les toulines avec précision, on y amarre les aussières et le lamaneur ramène l’aussière et la frappe sur un taquet. 



Coccinelle dans les écluses de Miraflorès. 

Le Canal de Panama. 

Le rendez-vous principal, celui du passage du canal, a été fixé ce vendredi 19 avril 2013 à 14 heures. Bien sûr nous étions à l’heure, et même en avance, même si nous savions par radio ponton que le pilote ne serait probablement pas là avant 16 heures. Il s’est mis à pleuvoir. Au cours de ces deux heures, il a plu, plu, et plu encore, toute l’eau du ciel, de la pluie des plus drues, des plus intenses. De celles qui réduisent la visibilité à néant, et impose, et ce malgré les aides à la navigation électronique (radar, AIS, etc.) une certaines attention aux capitaines et pilotes. Le chenal d’accès aux premières écluses de Gatún passe à quelques centaines de mètres des Flats, et nous pouvions deviner au travers des rideaux de pluie les ombres fantasmagoriques des navires, en marche avant réduite, au déplacement rythmé par les coups lancinants de leurs cornes de brume. 

Si la pluie avait ainsi continué, il est probable que notre transit aurait été reporté. C’est ce que nous a confirmé notre pilote, un peu plus tard, quand il est arrivé, alors que la pluie s’était enfin un peu calmée. Quand il pleut vraiment beaucoup (ce qui arrive quand même souvent, lors de la saison des pluies), alors les transits peuvent être interrompus, le temps pour le temps de devenir plus clément, et la visibilité de s’améliorer. 

Quelques jours plus tôt, nous avons pris rendez-vous pour recevoir à bord la personne chargée de mesurer le bateau. Un matin, une charmante jeune fille s’est présentée sur Coccinelle. Après avoir rempli différents documents, me les avoir fait signer, double décamètre en main, nous avons procédé à la mesure du bateau. Pour nos 11 mètres, il était bien sûr inutile de démonter bout dehors, panneaux solaires, etc. : tous les voiliers de moins de 50 pieds paient le même prix. Elle nous a remis notre numéro d’identification, avec lequel nous avons eu le droit ( !) d’aller payer les taxes de transit, soit pour Coccinelle la modique somme de 800 US $, auxquels s’ajoutent les frais d’inspection (mesure), 54 US $, de Sécurité, 130 US $, soit 984 US $. Auxquels il a encore fallu rajouter le montant de la caution : 891 US $ de plus, qui nous sera reversée quelques jours plus tard. Nous avons donc du verser à la City Bank la somme de 1.875 US $. C’était ça, ou mettre le bateau sur un camion (mais il faut trouver le camion, démâter et puis mâter de nouveau, etc.), envisager le passage du Nord Ouest (contourner le Canada par le nord), ou pourquoi pas la Patagonie ou le Détroit de Magellan… Tout s’est (à peu près) bien passé, nous n’avons rien esquinté sur le canal, et nous n’avons pas causé de retard significatif dans cette grosse machinerie. Grâce à nous, l’économie mondiale a pu continuer de tourner ! Quelle responsabilité ! 

La préposée du Canal avait bien précisé que nous devions avoir à bord, pour le transit, en plus du barreur et du pilote, quatre adultes compétents, capables de gérer les aussières qui allaient maintenir le bateau au centre des écluses. Car pour nous, petits navires, nul usage des fameuses locomotives n’est prévu. Les gros cargos s’y amarrent, à l’entrée de chaque jeu d’écluse (les trois de Gatún, les deux de Pedro Miguel, et l’écluse simple de Miraflorès) sur de grosses locomotives électriques, équipées de treuils, et qui se déplacent sur un rail à crémaillère. Ce sont elles qui maintiennent les navires au centre des écluses, lors des montées ou des descentes, et qui surtout leur permettent de se mouvoir quand il leur faut progresser entre les différents systèmes de chambres. 



Au premier soir, Coccinelle amarré sur une bouée sur le Lac Gatún. 



Un porte container croisé sur le Canal. 


Les portes de… Gatun, bientôt, vont se refermer… 

Bon, il faut reconnaître que rentrer dans ces gigantesques écluses a quelque chose d’impressionnant. Nous avons fait le choix de passer à couple de deux autres voiliers. Alors que nous n’étions plus qu’à quelques centaines de mètres de l’entrée de la première écluse de Gatún, Coccinelle est venu s’amarrer à couple d’un catamaran allemand, tandis que de l’autre côté un monocoque américain faisait de même. Il est ainsi plus aisé de rester manœuvrant au centre d’une écluse, la multiplicité des moteurs permet d’embrayer simultanément en marche avant ou en marche arrière. Et quand les deux gigantesques portes se sont refermées derrière nous, il ne s’agissait pas uniquement des portes d’un canal. C’étaient aussi des portes de l’Océan Atlantique qui se refermaient. Le loch installé à La Rochelle avant le départ indiquait alors 8.250 milles, soit un peu plus de 15.000 kilomètres, parcourus lors de cette ballade Atlantique qui nous a conduits de La Rochelle à l’île d’Yeu puis à Belle île, en Galice puis à Sao Miguel aux Açores. Ensuite, ce furent les îles de Pico, Faïal, Florès, puis Terceira, Santa Maria. Coccinelle a alors poursuivi son voyage vers Porto Santo à Madère, puis Lanzarote, Fuerteventura, et Gran Canaria, aux Canaries. Avant de traverser l’Océan Atlantique vers la Martinique et la Dominique, puis Cuba, et enfin le Canal de Panama. 

Une page vient de se tourner. Malgré une petite frayeur lors du passage de la première écluse montante de Gatún, due au fait que nos taquets sont conçus pour supporter le déplacement de notre bateau, mais pas celui d’un lourd catamaran et d’un gros monocoque réunis (il a tout simplement failli s’arracher, nous avons vu distinctement le pont se soulever !), nous avons continué notre ascension jusqu’à atteindre le lac Gatún, à 21 mètres au dessus du niveau de la mer. Au terme d’un bonne nuit (courte mais bonne…), amarré à une grosse tonne, un nouveau pilote est arrivé, au petit matin, et nous avons entrepris la traversée du lac, sur 28 milles, une navigation en eau douce au cœur de la forêt vierge, sur lequel on peut être surpris de croiser un échantillonnage assez complet de tout ce que l’homme a pu créer pour se mouvoir sur l’eau, et accessoirement transporter des marchandises. Samedi en fin de matinée, les trois voiliers se sont donc de nouveau réunis et amarrés pour former ce radeau qui s’est introduit dans les écluses descendantes de Pedro Miguel, puis de Miraflorès, qui nous a ouvert les portes de l’océan Pacifique. A nous l’aventure ! 


Nous quittons le catamaran et le monocoque avec qui nous avons transité la Canal dans la dernière écluse, celle de Miraflores. Nous sommes dans le Pacifique ! 




Il a bien grandit, mon petit Orca ! 



Los Diablos Rojos, anciens autobus scolaires nord américains tunnés façon Panama. 

Carénage aux îles Perlas. 

Nous avons ensuite passé quelques jours au mouillage de Flamingo, à la sortie de Panama City. La skyline de cette ville est l’une des plus impressionnantes, elle est parsemée de gratte ciels qui rivalisent d’audace architecturale. On pourrait penser qu’il s’agit là de bureaux, un gros centre d’affaires d’envergure mondiale de la trempe de La Défense, Francfort, New York, Hong Kong, Shanghai… Même s’il y en a un peu : après les îles Caïman, nous avons d’ailleurs ouvert un compte à Panama. Ce sont en fait des logements, dont beaucoup sont vides (dans le film : ‘le Tailleur de Panama’, elles sont appelées les ‘Tours Cocaïne’. Il se raconte qu’il pourrait s’agir là d’un moyen de blanchiment d’argent d’origine douteuse (l’ancien président Panaméen, le général Noriega, est en prison pour trafic de drogue). Des appartements vides loués au prix fort et qui permettent de justifier une rentrée d’agent. Ca ne vous rappelle rien, des maisonnettes louées au prix fort dans les Côtes d’Armor ? Devant Panama City, les couchers de soleil sont majestueux, au milieu des centaines de pélicans qui plongent pour y chercher pitance, avec en arrière plan ces dizaines de gratte ciels. Un paysage urbain qui n’est pas sans rappeler Toronto quand, il y a cinq ans, Coccinelle avait tiré quelques bords, sur le lac Ontario, au coucher de soleil, avant de venir s’amarrer en plein centre ville, dans un jardin public… 

Panama City est loin d’être aussi dangereuse que Colon. Le Paso Alto, la vieille ville, est en pleine reconstruction, il est agréable de s’y promener. Nous y faisons les derniers achats, les ultimes petites choses qu’il faut encore approvisionner, indispensables avant de continuer. Nous y avons même consulté un dentiste. Puis Coccinelle a pris la route des Perlas. Nous avons équipé notre bateau de béquilles, ce qui nous permet de nous échouer relativement facilement, pour peu qu’il y ait des marées, et que nous puissions disposer d’un sol relativement plat. D’ailleurs, la perspective d’un carénage aux Perlas avait été l’élément déclencheur dans notre décision d’offrir à Coccinelle cette paire de béquilles. Nous avons mouillé à l’embouchure, profité d’une première marée basse pour venir repérer les lieux, puis le lendemain Coccinelle est venu s’y poser. Ce carénage express a été l’occasion de renouveler la peinture anti salissure sur les œuvres vives, rajouter une anode sur l’arbre d’hélice, passer les œuvres mortes au déjaunissant avant de les polisher. Il nous aura fallu pour cela deux marées, ce qui ne nous a pas empêché de s’offrir une expédition en amont de la rivière, dans un paysage à la Tarzan, la jungle équatoriale avec pléthore de cocotiers, immenses arbres imbriqués les uns dans les autres, des lianes qui descendent jusqu’au sol. Nous y avons cueilli des bananes vertes, coupé le moteur pour tenter de reconnaître les mille et un bruits inconnus qui, dans ce milieu aqueux, habitent le silence, et que nous tenterons de déchiffrer. On apprendra plus tard que d’autres équipages y avaient croisé un caïman… 

Après deux jours de repos, nous avons quitté les îles Perlas, en direction des îles Galápagos. 


Coccinelle au mouillage devant Panama City. 



Coccinelle posé sur une plage des îles Perlas, dans le Golfe de Panama. 



A marée haute, dans la jungle équatoriale. 



En attendant la prochaine marée. 


La marée est descendue, il faut se remettre au travail. 


Pour prolonger : le Canal de Panama pratique. 

Par : Gilles. 

Ce petit texte s’adresse surtout à ceux qui envisagent de passer le Canal. Il contient quelques informations que nous aurions aimé avoir avant de transiter. 

Nous avions essayé, en amont, et dans la mesure du possible, de nous documenter avant d’arriver à Colon (merci Olivier !). Finalement, nous avons (en partie) agit différemment de ce que nous avions prévu. Pour organiser un transit du Canal de Panama, différentes options sont envisageables. 

La première consiste à faire ou non le choix d’utiliser les services d’un agent. Ensuite, va-t-il s’agir d’un agent officiel, patenté, ou bien alors d’un agent officieux, non déclaré donc, mais qui a également toute sa place dans les rouages du Panama Canal Authority ? Un agent n’est absolument pas indispensable, mais il pourra accélérer les choses, dans le sens où il connaît chaque bureau, dans lesquels se trouvent les bonnes personnes, au bon endroit. Le gain de temps est donc conséquent. Les formalités effectuées soi-même prennent bien sûr plus de temps, il faut louer les services d’un taxi pour se rendre d’un bureau à un autre, dans les banques, etc. Car Colon n’est pas la Havane et il vaut mieux éviter de se déplacer seul, à pied, avec tout signe extérieur de richesse. Colon est réputé comme étant une ville des plus dangereuses. En 1995 lors du voyage d’Orca, je m’étais retrouvé allongé à l’arrière d’un taxi tandis que des gangs ou la police, je ne l’ai jamais su, se tiraient dessus à l’extérieur. Les choses semblent s’être un peu améliorées. Compter 12 US $ de l’heure pour un taxi à disposition, ou 20 US $ pour aller de Shelter Bay à la Marina. Ensuite, il faut trouver des pneus pour protéger votre bateau (leur présence sera vérifiée par l’admesurement), et 4 aussières de 22 mm longues de 125 pieds, soit 40 mètres environ. Quel que soit l’agent, il va se charger de vous les trouver et les livrer, et de les faire récupérer de l’autre côté, à Balboa (côté Pacifique). Enfin, et c’est tout de même là son rôle premier, il faudra assurer les relations avec les différentes autorités, l’immigration notamment, et les choses peuvent s’avérer compliquées… et coûteuses. 

Il semblerait que la délivrance (et les taxes qui vont avec) d’un Cruising Permit soit obligatoire pour ceux qui naviguent aux San Blas ou aux Perlas. Si vous faites vous-même les formalités (et dans certains cas si vous passez par un agent officiel), il vous sera difficile d’y échapper. Il devrait en coûter 200 US $. Idem pour le visa, dont la nécessité est apparue il y a peu, et qui coûtera la somme de 100 US $ par personne (voir plus loin) ! 




Le passage d’un gros navire gazier Norvégien. 


Si vous utilisez les services d’un agent officieux. 

Le tarif de sa prestation n’est pas trop élevé, Tito, dont nous avons utilisé les services, nous a facturé 100 US $. Pour cette somme il s’est chargé des formalités auprès de la Panama Canal Autority. Il nous a ensuite fournit les aussières réglementaires (facturées 4 x 15 $), les pneus protégés par des sacs poubelle (un mode de décoration très tendance sur les voiliers à Panama), il les facture 3 $ pièce, il en a fallu 8 pour notre bateau de 36 pieds. Et en arrivant de l’autre côté, il a fallu de nouveau payer 1 $ par pneu pour s’en débarrasser. 

Deux jours après que Tito nous eut fait enregistrer auprès des autorités, l’admesurement est donc venue sur le bateau, y remplir différents formulaires. J’avoue avoir esquissé un sourire quand l’employée du Canal m’a demandé où donc nous avions bien pu cacher la barre à roue (il y en avait effectivement une à bord de Coccinelle quand nous l’avons acheté, mais nous l’avons remplacée par une barre franche). Et l’indicateur d’angle de barre, où est-il ? Après avoir déclaré que nos taquets n’étaient pas assez solides (on ne le savait pas encore, mais ça allait se vérifier), que notre bateau n’allait pas assez vite, etc., elle nous a remis le ‘Panama Canal Ship Identification Number’. Il ne restait plus alors qu’une chose à faire : payer, à la City Bank, et en espèces sonnantes et trébuchantes seulement. Ce détail a son importance, car Panama semble être l’un des pays les moins sûrs en termes de sécurité bancaire, dans les faits, pour les cartes de crédit de base, le plafond de retrait est extrêmement bas, il se limite à 500 US $ par semaine et par carte. Pour ne pas devoir attendre plusieurs semaines que nous puissions retirer des espèces, nous avons du demander à des amis de nous dépanner, nous les avons remboursés par virement bancaire. Les choses semblent plus simples pour les détenteurs de cartes de type ‘Premier’ ou ‘Gold’, pour lesquelles le plafond de retrait est plus élevé. Avant d’arriver au Panama, il est donc préférable d’avoir avec soit des dollars, cela simplifie bien les choses. 

Quand on passe par un agent officieux, il faut également payer, en sus des frais de transit (984 US $), un dépôt de garantie, de 891US $, qui sera remboursé quelques semaines après le transit (j’écris ces lignes aux Galápagos et c’est chose faite). Dans notre cas, Tito nous a également facturé 40 US $ de taxi théorique entre la marina et la banque : 20 US $ entre la marina de Shelter Bay et Colon (ce qui est le prix d’un taxi officiel, jaune à damiers noirs et blancs, façon Gaston Lagaffe), autant pour le retour. Tito emploie un jeune qui officie avec une voiture, qui va y mettre deux ou trois skippers et facturer ainsi 2 x 40 ou 3 x 40 US $... 



Le conducteur de l’une de ces locomotives chargées de tracter les navires. 



Les écluses (ici les deux premières écluses montantes de Gatún) sont doubles, ce qui facilite leur entretien, et la fluidité du trafic. 


‘Les navires ‘en vont, les navires s’en viennent’. 

Si vous passez par un agent officiel. 

Vous n’aurez pas à déposer la caution de 891 US $ à la banque, l’agent se porte garant pour vous. Ce détail a son importance car il relativise l’écart de prix entre un agent officiel et un agent officieux, et surtout diminue de moitié le problème de retrait d’espèces. Un agent officiel facture 320 US $ sa prestation, dans laquelle sont inclus la fourniture des pneus (et leur récupération à Balboa), et des aussières. Avec lui nul besoin de se déplacer à la Citybank, il s’en charge. 

Il est commun pour un équipage qui ne l’a jamais fait d’envoyer une personne du bord effectuer un transit avant le sien, ce qui permet d’appréhender les problématiques dans leur intégralité, de désacraliser certains points, tout en en soulevant d‘autres. Armelle a ainsi passé trois fois le canal, une fois avant, et une fois après, sur Cool Frenesy, dont l’équipage avait fait le transit avec nous. Si vous ne trouvez pas de membres d’équipage d’un ‘bateau copain’, alors il faut louer les services de handliners, Panaméen ou autre. Certains sont bons, d’autres un peu moins, et il n’est pas rare qu’ils voient là une aussière et un taquet pour la première fois de leur vie. A la marina de Shelter Bay, il est amusant de voir les bateaux en attente de leur transit aller voir chaque nouvel arrivant pour leur demander s’ils veulent transiter avec eux. Si aucun membre d’équipage n’est disponible, alors un handliner fourni par un agent officieux vous coûtera 100 US $ par personne, et 125 US $ si vous passez par un agent officiel. 

Pour résumer. 

Un agent officieux (pour nous, Tito) : 

- Prestation, 100 US $. 
- 8 pneus, 8 x 3 = 24 US $ 
- 4 aussières, 4 x 15 = 60 US $.
- Taxi Citybank : 40 US $ 
- Frais de virement pour récupérer sa caution : 25 US.

- Total : 325 US $. 

Auxquels il faut rajouter éventuellement 
- Zarpe (Last Port Clearance): 70 US $ + 15 US $ de bus soit : 85 US $. 
- Le cas échéant, 100 US $ par handliner. 

Un agent officiel. 
- 325 US $ pour la prestation, incluant les pneus, les aussières, le paiement des frais à la Citybank. Surtout, il n’est pas nécessaire de laisser un dépôt de garantie. 
- Par contre, mais cela dépend à priori des agents, il peut être nécessaire d’obtenir un Cruising Permit, de l’ordre de 200 US $ ou plus. Idem pour les visas, à 100 US $ par personne. 
- Total : 325 US $. 

Auxquels il faut rajouter éventuellement 
- Le cas échéant, 125 US $ par handliner. 
- Le Zarpe ? 

Visas et Cruising Permits sont donc à priori et en théorie obligatoires (ça en fait des suppositions…), sans que nous n’ayons réussi à savoir s’il s’agissait d’une réalité, ou d’un backshish déguisé… Nous avons officialisé notre entrée au Panama en faisant tamponner les passeports au petit bureau de l’immigration à la Marina. L’agent nous a dit que nous devions aller à Colon pour y acheter les visas, nous lui avons répondu ‘oui oui Monsieur’, et ne l’avons jamais fait. Tito nous a indiqué que pour la sortie, si nous le voulions nous pouvions aller à Panama City les faire tamponner. Mais nous n’y sommes pas allés, mieux vaut parfois ne pas tenter le diable. Quant au Cruising Permit, nous l’avons tout autant ignoré. 



Dans les allées d’un maxi porte container, un Panamax

Autre choix difficile à faire à Colon, le port, ou le mouillage, à Porto Bello, ou encore… 

Le Panama Canal Yacht Club a donc été détruit et transformé en zone de stockage de containers. 

Porto Bello est paraît il (nous n’y sommes pas allés) une jolie bourgade (et un bon mouillage) à une trentaine de milles au nord de Colon, en direction des San Blas. De nombreux bateaux y préparent leur transit, plusieurs bus quotidiens descendent à Colon. Ce choix permet de continuer de vivre dans un cadre agréable (on n’est pas là pour se faire du mal), bon marché, à condition de faire quelques allers et retours en bus. 

Le mouillage des Flats. Le problème majeur des Flats vient de l’impossibilité de descendre à terre, en sécurité du moins. L’approvisionnement est donc problématique, et tout ce qui va avec. 

Le Club Nautico. Au départ nous avons envisagé d’y mouiller. Mais après y avoir jeté un œil, le lieu ne nous a pas tentés. Sans parler du fait qu’il faut en théorie payer 5 US $ par jour pour avoir le droit de débarquer en annexe. Nous avons donc choisi une solution de riches. 

La marina de Shelter Bay. Une solution de riches à plus d’un titre, à commencer par la taxation du bateau au prorata de sa taille. Jusque là rien que de très normal, sauf qu’ils n’appliquent pas de tarifs pour un bateau d’une taille inférieure à 40 pieds. Pauvres qui n’avez qu’un petit bateau passez votre chemin. Ainsi avec nos 36 pied nous avons du payer pour un 40 pieds. Heureusement les tarifs sont dégressifs au bout de deux semaines, et cela rétroactivement. La première semaine nous a tout de même coûte 360 US $ ! 
La marina a bien des avantages, matin et soir une navette de bus gratuite conduit au centre commercial de Quatro Alto, où l’on trouve même un shipchandler, Abernaty. On peut y remplir les bouteilles de butane (au prix fort), acheter du gazole, sortir un bateau de l’eau. Une solution coûteuse donc mais réaliste dans le cadre d’une navigation familiale, et au regard des problèmes d’insécurité récurrents à Colon. 



Des containers, des containers, encore des containers… 


CMA CGM, ça n’est pas une compagnie Française ? Nassau, aux Bahamas, serait donc en France ? 

Dernier point, le transit. 

Lors de son passage, l’employée du Canal nous questionna sur le type de transit que nous souhaitions réaliser, tout en sachant qu’à la fin, ce serait le pilote qui déciderait. Nous avons opté pour le net center chamber, une technique qui comme nous l’avons vu consiste à amarrer deux ou trois bateaux ensemble de façon à rester manoeuvrants. 

L’autre technique proposée consiste à passer à couple d’un remorqueur, ou alors, seul au centre. Ce choix a failli nous coûter cher, car les taquets d’un voilier de 7 tonnes ne sont pas faits pour soutenir un ensemble de bateaux dont le déplacement total avoisine les 30 tonnes. Lors de la montée de la première écluse de Gatún, alors que de forts remous et tourbillons se faisaient sentir, les trois bateaux sont partis sur le côté, et notre taquet arrière s’est littéralement soulevé, et le pont avec lui. Armelle qui avait déjà effectué un transit a immédiatement choqué, tandis que le pilote réagissait rapidement : sur sa demande un lamaneur a renvoyé une touline sur le catamaran, une autre aussière a été remise en place et la notre a pu être libérée, sauvant ainsi notre taquet, ou plutôt la surface de pont. 

Nous avons eu chaud, et si c’était à refaire, alors nous prendrions l’option d’un transit seul, au milieu de la chambre, avec les problèmes de manœuvrabilité que cela entraîne… 


Une fois de plus, quand des Coccinelles rencontrent d’autres Coccinelles… 


Elles se racontent des histoires de Coccinelles ! 



Jolies, les poubelles décorées du Paso Viejo, non ? 



Qui n’a pas son Panama ? 



Petites danseuses dans un parc de Panama City. 






1 commentaire:

  1. alaska, hawai, californie...superbe
    bonne continuation
    JR
    je suis en train de mettre un moteur neuf sur le goud;o))

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