lundi 8 avril 2013

Coccinelle en Martinique

Par : Gilles.
 


Histoire d’îles.

Nos premières heures sur les terres de Martinique auront été consacrées à satisfaire les désirs de chacun, frustrés par 22 jours de mer : poulet, frites, et carambars ! Essayez de savoir quoi pour qui, vous serez surpris !

Passée l’euphorie des premiers jours sur une eau enfin plate, arrosés non d’embruns mais de ti-punchs et agrémentés des récits de traversée de nos nouveaux voisins… ou de certains retrouvés depuis Las Palmas, quelques jours de repos ont finalement été bien nécessaire. Pendant ce temps, bien sûr, le Père Noël n’a pas manqué de nous rendre visite, sur le bateau, même si nous n’avons toujours pas compris comment il s’était débrouillé pour monter à bord : certainement pas par la cheminée du poêle, encore moins par la descente (on l’aurait vu !).

Nous venons donc de passer six semaines en Martinique. La belle Martinique, que nous avons explorée en long, en large et en travers, avec mes parents, venus nous rejoindre deux semaines durant, histoire de nous voir bien sûr, mais aussi d’oublier la froidure hivernale bretonne. Ils auront passé une dizaine de jours à terre, dans une location, et les derniers jours à bord de Coccinelle. Nous avons ainsi pu multiplier les balades, et les ‘pic-nicages’ chers à Apolline.

La Martinique sait offrir des paysages pour le moins contrastés. La côte est de l’île, appelée aussi côte au vent, fait parfois penser à un véritable lagon Polynésien. Une barrière de corail protège ses plages des attaques de la houle, créant ainsi un plan d’eau navigable par endroits en voilier. Les jours de grand vent (quand l‘alizé est frais), elle devient le paradis des kite surfers et des wind surfers, les deux disciplines ayant parfois quelques difficultés à se partager le même terrain de jeu. Cap Chevallier, au sud est de l’île, est leur paradis ; c’est aussi certainement l’un des endroits les plus jolis de la Martinique.

Nous avons exploré les routes du centre nord, encore sauvage, pour se trouver au cœur d’une véritable forêt vierge, là aussi, un exemple quasi unique dans les petites Antilles, avec des lianes qui descendent du sommet d’arbres gigantesques, et desquels on s’attend à tout moment voir Tarzan, venir nous accueillir en nous offrant une banane bien mûre. Un peu plus loin, c’est tout heureux qu’en bon Bretons que nous nous sommes arrêtés pour immortaliser, à l’entrée de Morne Rouge, un panneau indiquant le jumelage de cette commune Martiniquaise avec… Rostrenen, commune du centre Bretagne, à quelques dizaines de kilomètres de Trébry.
Miss Apolline.
 
Camille à Palm Beach
 
Au cœur de la forêt vierge.

Saint-Pierre.
Au 19ème siècle, la capitale de l’île n’était pas Fort de France, mais Saint-Pierre, sur la côte sous le vent, sous le volcan de la Montagne Pelée. Le port était prospère, l’un des plus actifs de la région, la ville était riche, cultivée, elle s’enorgueillait de posséder un superbe théâtre, et même un tramway hippomobile ! Avant la catastrophe d’avril 1902, il y avait bien eu quelques signes avant coureurs, dans la semaine qui l’avait précédée, mais les élections étant proches, et il était hors de question, pour les candidats (qui étaient pour certains déjà aux affaires), de perdre leurs électeurs. Quelques jours plus tôt donc, une coulée de boue avait englouti une usine, faisant déjà quelques victimes, juste au nord de la ville.

Ce matin là, tout est allé très vite, une gigantesque explosion et un souffle incandescent ont tout détruit, en quelques instants, il ne restait plus rien de la ville et de ses habitants, de ses rues et de ses commerces. Juste après l’explosion, une nuée de cendres incandescentes et de pierres de laves a tout recouvert, transformant la ville de Saint Pierre en un gigantesque brasier, ne laissant que mort et désolation sur son passage.

Tous les navires mouillés en rade prirent feu et s’en allèrent par le fond ; tous sauf un : en effet, un capitaine Italien, originaire de Naples, sous le Vésuve (à proximité de Pompéi) avait reconnu dans les fumées qui la veille s’échappaient de la montagne, augurant une tragédie à venir. Contre l’avis de son armateur, il avait levé l’ancre et appareillé. Le bateau et son équipage eurent la vie sauve. L’histoire n’a retenu qu’un seul survivant, une petite frappe du nom de Cyparis. La veille du 6 avril, il avait été arrêté et emprisonné pour ébriété sur la voie publique. Quoi que gravement brulé, il avait du sa survie à l’emplacement de son cachot, blotti à flanc de montagne, contre les hauts murs du théâtre. Si un petit musée retrace l’histoire de la catastrophe, les ruines ne sont malheureusement pas mises en valeur. Certains objets sont restés en place tels qu’ils étaient en ce jour de 8 mai 1902, réduits à l’états de morceaux de ferraille tordus par la chaleur et de ruines noircies. La photo rappelle comme un air de Hiroshima, le lendemain de la bombe, vous ne trouvez pas ?
 
Avant…
Et après !
Sur les ruines du théâtre.
 
 
Rhum, canne à sucre, banane et jolies plages : les atouts du tourisme.

Bien sûr, on ne pouvait pas séjourner en Martinique sans s’offrir la visite d’une distillerie de rhum. Il est important en voyage de soutenir l’économie locale. Malheureusement pour nous, la distillerie La Mauny (qui produit aussi le rhum Trois Rivières) n’était pas encore en activité, la campagne de distillation n’a commencé que la semaine qui a suivi notre visite, mi janvier. Chez La Mauny, une partie de la canne à sucre est livrée par des petits planteurs indépendants, l’autre l’étant directement dans les plantations aux alentours immédiats du domaine. Le travail est dur, les ouvriers sont tâcherons, c’est-à-dire rémunérés à la tonne de canne coupée et effeuillée sur place. Mais de 6 heures à 13 heures, un ouvrier motivé peut gagner jusqu’à 120 € par jour. Chose surprenante (mais qui vaut aussi en Espagne ou en Métropole pour le maraîchage), malgré le taux de chômage important en Martinique, particulièrement chez les jeunes, les saisonniers viennent de République Dominicaine ou d’Haïti.
La canne à sucre et la banane se partagent l’essentiel de la production agricole Martiniquaise. Mais la banane Martiniquaise (la meilleure !), tout comme sa cousine de Guadeloupe, a bien du mal à lutter contre ses concurrentes, la banane dollar, produite dans différents pays d’Amérique Centrale, mais aussi d’Afrique. De subventions conséquentes participent au maintien de l’activité.
Une autre source importante de revenus vient du tourisme, mais l’île a bien du mal à rivaliser avec d‘autres destinations ensoleillées, tout aussi exotiques mais bien moins chères, la République Dominicaine notamment. Je lisais l’autre jour dans France Antilles qu’en 5 ans, la Martinique a perdu 2000 chambres d’hôtellerie, le plus beau symbole étant le Méridien de la Pointe du Bout. Des taux de remplissage trop faibles (et d’autres problèmes dont il est éthiquement incorrect de parler) ont fini par en venir à bout, et sa carcasse à moitié en ruines couverte de tags, contraste amèrement avec la beauté de la baie. Mais pas avec la mégapole qu’est devenue Fort de France, avec ses grands immeubles, ses autoroutes et ses embouteillages, et tous les problèmes liés à une grande ville.
   
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 Dans les bananerais
 
 
 
 














Dans les plantations de canne à sucre


Martiniquaises.

Parmi nos voisins de ponton, à La Rochelle, il y avait Titeuf, un petit ketch de 10 mètres, partis en famille (Barbara et Christophe, Clarisse, 2 ans, et Jules, 4 ans), pour un voyage de deux ans autour de l’Atlantique. Un petit aller-retour de 180 milles, rien qu’ça pour les retrouver en Dominique et célébrer la nouvelle année en trinquant « aux affranchis … du bassin du Gabut ». Avec la promesse de se retrouver à Cuba.

Nous en avons fait d’autres, des rencontres, à Sainte Anne notamment. Durant la traversée, nous avions regretté la disparition de la Météo Marine sur RFI. Tous ceux qui ont un jour traversé l’Atlantique en voilier se souviennent de la voix de Arielle Cassim, et le générique de l’émission, l’accordéon des Innocents, ‘Un autre Finistère’. Et en faisant nos courses au Huit à Huit de Sainte Anne, tandis que Francis Joyon faisait la queue à la caisse (…), je suis tombé devant la boutique nez à nez avec… Arielle Cassim. Il y a eu aussi Christophe, et ma copine Carole, rencontrée ici en Martinique il y a une douzaine d’années (le poulet boucané du dimanche va nous manquer !). Rien qu’en Martinique, la Mer, si elle est ronde, est aussi déjà très petite.
 Papillon géant en Dominique.
 
Escale technique : le Marin, c’est la Samaritaine du Marin, on trouve de tout !

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Pour nous, en dehors de la visite de mes parents, l’escale aura surtout été technique, nous n’avons pas chômé ! En vrac, il a fallu : monter une éolienne (merci Christophe de nous l’avoir ramenée dans tes bagages !), réparer le bout dehors, qui sert à envoyer le spinnaker asymétrique, faire intervenir un technicien qui nous a refait une partie du circuit électrique, changer un vérin de pilote électrique (livrés en Martinique par grand-père et grand-mère), changer le régulateur des panneaux pour un modèle MPTT, plus performant, étanchéifier des hublots, commander et changer deux panneaux de pont (merci la douane de nous avoir fait payer deux fois l’octroi de mer, la taxe locale, alors que nous avions bien précisé que nous étions en transit et que nous allions quitter aussitôt la Martinique…), faire réparer l’émetteur BLU, qui nous permet d’envoyer et de recevoir des mails, mais aussi des fichiers météo. Nous avons aussi fait refaire des nouveaux passeports et effectué les formalités, via Internet, nécessaires à l’obtention d’un visa B2 pour les Etats Unis ; ça nous a pris plusieurs jours, coûté 160 US $ chacun, pour avoir le droit de rencontrer un agent consulaire à Panama ! Rendez-vous est pris pour le 15 avril. Tout ça parce que nous projetons d’aller aux Etats Unis en bateau privé ! Nous avons aussi refait le niveau de la cambuse, car le prochain gros ravitaillement sera à Panama. Mais que la vie est chère en Martinique ! En clair, nous avons profité d’une ultime escale où l’on trouve de tout avant de se lancer dans la grande aventure, l’Océan Pacifique. Car le prochain endroit où l’on trouvera de telles facilités techniques dans la plaisance, ce sera à Hawaï, dans 18 mois. Alors autant être prêts !
Nous avions prévu de partir pour Cuba dès le lendemain du départ de mes parents pour la métropole, mais il nous restait encore beaucoup de choses à peaufiner, nous avons donc finalement quitté le mouillage de Sainte-Anne une dizaine de jours plus tard (un dimanche, j’aime bien partir un dimanche pour une traversée ; mais jamais un vendredi !), pour faire route vers Santiago de Cuba. So long…


L'équipe de choc au travail

 
 
Tu tires ou tu pointes ? Aux anses d'Arlets
 
A Portmouth en Dominique, la feinte pour que les parents choisissent son bar : le tenancier passe aux enfants des dessins animés !
 
 








 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cap Chevalier
 


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