Les îles de la Polynésie possèdent de nombreux trésors
géologiques : relief volcanique et verdoyant, plages, barrière de corail, anneaux
coralliens, lagons, atolls, passes et motus. Tandis que chaque archipel possède
en général une ou deux de ces richesses, l’archipel des Gambier, lui, en
rassemble la totalité, concentrée sur un minuscule point géographique, un écrin de corail dans l’océan pacifique, mais largement suffisant pour
découvrir la Polynésie
et y passer notre plus longue escale depuis notre départ !
Le Heiva
Quoi de plus fantastique que d’arriver en Polynésie
en pleine préparation du Heiva, la fête traditionnelle la plus importante en
Polynésie… et aux Gambier ! Depuis des semaines le village de Rikitéa,
scindé en deux quartiers, prépare des spectacles de danse et confectionne de
nouveaux costumes. Toute la jeunesse de Mangareva est revenue au village pour
l’occasion. Dans un premier temps, la fête consiste à déambuler à la manière
d’un carnaval dans les rues de Rikitéa, en dansant devant chacune des maisons ;
tout en offrant des paniers de fruits. Les festivités se poursuivent au milieu
des ‘baraques’, construites de bric et de broc et qui proposent repas et jeux
divers ; puis se terminent par un spectacle de danse et de chant, sur fond
de légende polynésienne. Les prix sont ensuite distribués à chacun des
participants, jugeant la créativité des
chants, des chorégraphies et des costumes, ces derniers étant pour la plupart
entièrement végétaux et donc confectionnés à la dernière minute. Cette fête est
l’une des plus authentiques de la Polynésie. Sa motivation est uniquement
traditionnelle et non pour attirer le touriste (et pour cause, ce dernier se
compte sur les doigts de la main aux Gambier, surtout en cette saison).
Nous plongeons
donc au cœur de la culture polynésienne, avec des yeux et des oreilles
complètement vierges et impatients de prendre le rythme et d’entrer dans la
danse.
Le mauvais temps, habituel en cette saison, n’aura
pas épargné la fête, ni nos premières nuit au mouillage ; il n’aura pas
non plus fait chanceler les danseurs qui jours après jours répéterons le ‘pe’ (à prononcer comme le petit vent
malodorant !), perpétuant la survivance de rites festifs. Nous serons
conquis par l’ambiance !
Et nous aurons droit au deuxième acte en allant à la fête de l’Assomption le 15 août à Akamaru pendant laquelle un jeune couple célébra son mariage, en même temps que la venue de l'Evêque, accueillis au souffle du conque.
Dany,
le chef de file de l’une des deux troupes de Mangaréva, a convaincu ses danseurs
de faire une représentation uniquement pour les équipages des voiliers. Merci
Dany !
Et nous aurons droit au deuxième acte en allant à la fête de l’Assomption le 15 août à Akamaru pendant laquelle un jeune couple célébra son mariage, en même temps que la venue de l'Evêque, accueillis au souffle du conque.
Sous
la houlette de Dany, sans qui la culture ne serait pas ce qu’elle est aux
Gambier, la chorale a donc entonné les plus beaux des Hymens, ces chants
religieux uniques à la
Polynésie.
Un gigantesque barbecue a été offert à l’ensemble de la population présente. Puis la cérémonie a repris, et le païen a pour un temps succédé au religieux. Les danseurs en tenue traditionnelle ont investi le lieu et interprété une version très ‘Mangarévienne’ des Noces de Cana, les plus incultes et les plus athées connaissent cette scène au cours de laquelle JC, invité à un mariage, transforma des amphores, remplies d’eau au départ, en vin, du plus grand cru, pour faire face à une défaillance des mariés et de leurs familles qui avaient nettement sous estimé la quantité d’eau de Bacchus nécessaire à la satisfaction des convives.
Taravaï
Notre première destination, lorsque nous nous
décidons enfin à quitter notre abri sûr, est Taravaï. L’Ile la plus occidentale
de l’archipel (à pas moins de 5 milles de Rikitéa !). Taravaï demeurera un
vrai coup de cœur pour nous, de par ses mouillages sauvages sur la côte ouest,
et l’accueil incroyable des rares familles qui y habitent. Celles-ci vivent en
quasi complète autonomie, équipées de panneaux solaires, de réservoirs
récupérant l’eau de pluie, de culture et d’élevage ; et toujours prêtes à
accueillir le visiteur de passage, pourtant nombreux en cette saison. Nous
étions 27 bateaux dans l’archipel et l’on peut supposer que pas moins de 90 %
d’entre eux sont passés par là ! C’est là que nous y ferons notre
initiation aux découvertes culinaires : co ino ino au lait de coco,
beignets de coco, boulettes de poissons, uru (fruit de l’arbre à pain), muscles
de nacre, et nous repartirons chaque fois les bras chargés de fruits et
légumes.
Nous réserverons dans notre cœur une place
privilégiée à ces après-midi de farniente passées en compagnie de la famille de
Mamako, se terminant par une partie de pétanque, de volley ou de frisbee, le
ventre repu des nombreux mets apportés par chacun des voiliers invités,
accompagnant le porc au barbecue sacrifié le matin même pour l’occasion.
Un après-midi chez Mamako, le chien de Hervé et Valérie
Alan de Taravaï et nos p'tits matelots
Le mauvais
temps
Mouillage dans la baie d'Onemea à Taravaï...par mauvais temps
« Coccinelle - Coccinelle -
Coccinelle - d’Arpatas ! », la VHF nous réveille aux premières lueurs du jour.
Au ton cela semble urgent. Gilles décroche l’écouteur de la VHF et la voix encore sommeillante
répond présent à l’appel. Notre voisin de mouillage, navigateur expérimenté,
nous signale calmement que la dernière rafale vient de retourner notre annexe.
A peine ses mots achevés qu’une seconde rafale vient la retourner à nouveau,
puis une 3ème encore venant parachever l’évènement… dans le mauvais
sens évidemment ! Et Jacques, à demi-amusé, poursuit dans le haut-parleur
et commente l’affaire : « Ah non c’est bon !... Ah non faut y
aller là ! ». Comme annoncé, le vent a encore forcit et légèrement
tourné. Il faut lever l’ancre en vitesse et changer de mouillage. C’est
malheureusement devenu une habitude depuis notre arrivée à Taravaï. La
solidarité entre plaisanciers prend le pas, nos voisins nous aident à récupérer
sur la plage tout ce qui était dans l’annexe, embarquent nos filles à leur bord
pour nous permettre de rincer le moteur de l’annexe à grande eau. Quelques
temps plus tard, en compagnie des deux autres bateaux avec qui nous étions
mouillés dans une petite crique paradisiaque, nous levons l’ancre au plus vite,
et allons nous réfugier plus au nord. De retour à Rikitéa, le lendemain, nous
découvrirons, vu le nombre de plaisanciers le nez dans leur moteur, que notre
annexe n’aura pas été la seule à faire la crêpe !
Durant les deux premiers mois de notre séjour, les
fenêtres météo permettant des excursions dans les îles auront été courtes. Ce
fut pour nous, avouons-le, une mauvaise surprise, nous nous attendions
naïvement à pouvoir goûter tous les jours aux eaux turquoise du lagon.
Finalement les occasions auront été assez rares pour les frileux que nous
sommes devenus, conséquences d’une tropicalisation opérée depuis des mois, un handicap
accentué par une solubilité à l’eau de pluie.
Temps presqu'habituel au mouillage de Rikitéa
Heureusement les surprises et distractions ne
manquent pas pour les enfants : un dimanche midi, alors que nous sommes
restés à Rikitéa car il a plu sans interruption depuis deux jours, vers le
milieu de la journée le ciel s’éclaire, un curieux appel à la VHF interpelle nos deux petits
mousses. Le capitaine de Black Pearl annonce avoir trouvé une bouteille à la
mer renfermant un énigmatique message. Les enfants de tous bords se précipitent
aussitôt et une longue chasse au trésor, organisé en secret par l’équipage,
commence à travers le village. Une sympathique initiative qui viendra égayer la
fin d’un de ces trop nombreux week-ends pluvieux.
L’école mangarévienne
Un
mois et demi après notre arrivée, le voyage a pris un rythme différent de celui
auquel nous avions été habitués jusqu’à présent. Les journées d’escale qui étaient
rythmées par le CNED, les courses et la préparation des repas, l’entretien du
bateau et les discussions avec les voisins de mouillage, ont pris un autre
tournant : fin août, Apolline et Camille ont pris le chemin de l’école de
Rikitéa, et se sont jointes aux quelque 200 élèves inscrits à l’école communale.
Chaque matin, chacun son tour, une annexe faisait le tour des bateaux-famille et
partait déposer, le long du quai de l’école, pour 07h20, les seules petites
têtes blondes de l’établissement, avant de les récupérer l’après-midi à 15h30,
à la sortie de l’école, marquée non par une sonnerie mais par le son de
tambours mangaréviens. Ces percussions rythmeront aussi le début des cours, la
récré, la cantine… La première fois on trouve ça très pittoresque, et puis
après on s’y habitue, l’exceptionnel devient le quotidien et c’est très bien
ainsi.
Apolline
allait à l’école pour la première fois, elle a rejoint la classe de Madame
Dounia, en moyenne section ; Camille quant à elle est passée aux choses
sérieuses, et a intégré la classe de CE 1 avec Madame Irmine. Chaque lundi, une
‘cérémonie’ rassemble tous les élèves et leurs maîtresses pour une sorte de
salut aux drapeaux. Dans la cour de l’école, trois pylônes, hauts de six à sept
mètres peut-être, reçoivent chacun son drapeau, le Mangarévien, celui de
Dès le 1er jour, l’appréhension des filles laisse place
à l’enchantement, celui de se faire de nouveaux amis, de quitter le cocon
parental et d’apprendre de nombreuses choses avec un charmant accent
mangarévien. Les parents peuvent enfin savourer des journées presqu’entières sans
rabâcher le sempiternel « fait pas ci, fais pas ça ! ». Imaginez
depuis plus d’un an que nous sommes 24h sur 24 ensemble dans un espace confiné n’excédant
pas les 12m3 et aux règles de sécurité drastiques. Cette expérience aura fait
le plus grand bien aux petits comme aux grands. Et le soir tout le monde est
content de se revoir !
La vie de
robinson
Le week-end, si le temps le permet, dès le vendredi
midi, c’est la transhumance des voiliers familiaux qui, comme nous, profitent
de cette courte liberté pour effectuer une échappée belle, vers les îles ou les
motus du lagon, y vivre quelques heures à la Robinson. Dans des
mouillages paradisiaques, aux multiples dégradés de bleu, nous posons notre
ancre dans une eau claire et turquoise, non loin d’une belle ‘patate’ de corail
peuplée d’espèces multicolores, bercés par le grondement du ressac de l'autre côté de la
barrière qui nous protège Nous savourons enfin nos premières expériences de lagon du
Pacifique.
Nous y tenterons de pêcher la langouste et la cigale au clair de lune sur le platier de corail ; sans succès, mais rien que l’expérience d’une balade nocturne, à jouer les prédateurs, sur le corail, vêtus d’une combinaison et d’épais chaussons, de l’eau jusqu’aux genoux et une puissante lampe à la main, vaut le détour. Nous irons ramasser les cocos et les oranges sauvages, arpenter les plages et le corail à la recherche de coquillages, et manger la pêche du jour en brochette au feu de bois sur la plage.
Difficile d'accéder à la plage à cause des platiers de corail.
Chaussures obligatoires sur le corail !
Avouons-le, il s’agit de la pêche des voisins de mouillage, car je n’ai pas encore dépassé le stade du 1er cours de chasse sous-marine, un peu échaudée par la présence des requins et de la ciguaterra. Cette dernière touche pratiquement toutes les espèces de poissons coralliens présentes dans le lagon, et il faut un œil averti pour repérer les rares d’entre elles qui échapperaient à la malédiction. Les discussions sur la comestibilité de tel ou tel poisson animent bon nombre de nos rencontres et curieusement le discours diffère largement suivant notre interlocuteur. Difficile de se faire un avis. Nous nous contenterons de manger le poisson qui nous sera occasionnellement offert et toujours en petite quantité. Et nous découvrirons finalement que la ciguaterra n’est pas qu’une menace fantomatique, grâce à des voisins de mouillage, férus de chasse sous-marine, qui en auront fait la malheureuse expérience.
Le
ravitaillement
Le ravitaillement des îles se fait au rythme du
passage des goëlettes, le Taporro, 6 ou 8, et le Nuku Hau. Cela commence par
une rumeur qui petit à petit devient une info à confirmer, pour enfin devenir
quasi certaine que « le prochain
cargo c’est pour mardi !». « Oui
mais lequel celui qui a du gaz ? Ou des œufs ? » Et alors le
mardi matin, à l’aube, à peine le cargo amarré toute l’île défile sur le ponton
et vient chercher ses denrées, commandées directement à Tahiti. Et le lendemain
rebelote, devant les magasins : « 1er
arrivé, 1er servi et y’en aura pas pour tout le monde ! ».
Car en effet il se passe souvent près de 3 semaines entre deux cargos, et les
commerçants ne découvrent qu’à l’ouverture des cartons ce qu’ils ont reçus. Les
commandes ne correspondant souvent pas aux livraisons, cela engendre des
petites périodes de pénuries sur certains produits. Alors comme tout le monde
on finit par devenir opportunistes : on achète en quantité ce qu’il y a et
on s’en contente.
le Taporo parmi les voiliers au mouillage de Rikitéa
Pour les fruits et les légumes, c’est autrement
compliqué. Ceux-ci ne se vendent pas car tout le monde en a en quantité dans
son jardin, et il est d’usage de les offrir aux visiteurs de passage. Passées
les premières semaines, où notre statut de nouveaux arrivés nous permet d’en
bénéficier largement, nous nous accommoderons en proposant ensuite le troc, pour
finir par ne plus nous adresser qu’aux rares maraîchers vendant le produit de
leur récolte, tout aussi rare malheureusement.
Ce que nous retiendrons d’ici c’est que pour avoir
une info, il ne faut pas hésiter à solliciter un villageois ni même à
redemander aux voisins si le 1er n’a pas su et ainsi de suite sans
se lasser car on fait parfois de nouvelles découvertes même après 3 mois de
séjour dans l’île. Les nombreuses petites cantines ne sont pas toujours
signalées depuis l’extérieur, encore moins les maraîchers ou ceux proposant un
service particuliers. Inutile ! Tout le monde est supposé le savoir. Et si
vous voyez une personne sur le bord de la route avec une glacière ou une
marmite, sous-entendez : ‘échange bon p’ti plat contre monnaie’.
La
perliculture
Aujourd’hui John nous fait visiter sa ferme.
Nous allons enfin découvrir le secret de la perle noire : un écosystème basé sur le corail, des eaux pas trop chaudes, une nacre et un nucleus, le temps faisant le reste. Une recette de fabrication uniquement basée sur des éléments naturels. Un bijou intégralement bio ! Quoi de plus naturel qu’il revienne à la mode car en effet le marché est florissant depuis quelques années. Les fermes se sont multipliées dans le lagon, si bien que cette activité est devenue la principale source de revenu des Gambier et sa richesse. Elle attire de nombreux travailleurs.
Nous allons enfin découvrir le secret de la perle noire : un écosystème basé sur le corail, des eaux pas trop chaudes, une nacre et un nucleus, le temps faisant le reste. Une recette de fabrication uniquement basée sur des éléments naturels. Un bijou intégralement bio ! Quoi de plus naturel qu’il revienne à la mode car en effet le marché est florissant depuis quelques années. Les fermes se sont multipliées dans le lagon, si bien que cette activité est devenue la principale source de revenu des Gambier et sa richesse. Elle attire de nombreux travailleurs.
Malgré notre présence le rythme du travail ne faiblit
pas. Chaque jour, les nacres (ou huîtres perlières) sont collectées à la ferme
pour y recevoir une greffe. Pendant cette courte opération (quelques secondes
pour les plus habiles) un nucleus, entièrement organique lui aussi, est
introduit dans la gonade du coquillage avec un petit morceau de nacre, appelé
greffon, pris sur le manteau d’une autre huître. Le coquillage est ensuite ré
immergé dans le lagon pour deux longues années, pendant lesquelles, si elle
l’accepte, l’huître va devenir orfèvre
et accomplir son travail en sécrétant, couche après couche, de la nacre autour
du nucleus. Le résultat, lorsqu’il est réussi, est bien évidemment unique.
Aucune perle ne ressemble à une autre. Malheureusement à peine 2% des greffes
donnent une perle parfaite. Et ce sont ces deux caractères : unicité et rareté,
qui en font un des bijoux les plus prisés au monde. A travers son noir intense,
chaque perle dévoile à sa manière ses reflets communément appelés aile de mouche,
aubergine ou champagne ! Autour d’une forme parfaitement sphérique,
cerclée, ou encore baroque.
John nous avoue quand même de quelle manière il
parvient à maîtriser ses récoltes. Il anticipe le résultat de sa production en
sélectionnant avec soin la teinte de la nacre donneuse, celle qui octroiera ses
reflets à la perle. Il oriente ses choix en fonction des tendances des marchés
actuels. Business is business !
Il accepte de découvrir avec nous les 1er résultats
d’une récolte expérimentale qui vise, nous explique-t-il, le marché de la place
Vendôme, en tentant d’obtenir des perles de grosse taille d’un gris clair
métallisé. Sur une vingtaine de nacres ouvertes sous nos yeux, une seule
donnera une perle grise… mais qui n’a pas la taille suffisante. John conclut avec
philosophie : « On ne peut pas savoir avant d’avoir essayé ».
Notre escale se prolongera encore un peu plus que prévu. Bêtes et disciplinés nous pensions quitter les Gambier pour les Marquises vers la fin octobre, afin d’éviter de séjourner en période cyclonique à travers les Tuamotu. Mais une belle occasion de refaire la caisse de bord se présenta. Le Capitaine a donc laissé son équipage à terre le temps de remplir une mission pour le moins originale : retourner à Pitcairn pour escorter trois habitants de l’île vers Mangareva puis les ramener ensuite à bon port. Une mission périlleuse connaissant le passif de leurs ancêtres…. A découvrir au post suivant !
super contant de vous lire
RépondreSupprimerrestez au chaud.... ici, ça commence à cailler ;-)