lundi 20 mai 2013

De l'Atlantique au Pacifique : le Canal de Panama.



Par : Gilles. 
Intro par : Armelle 

Le Canal de Panama, c’est un passage obligé que j’ai vécu comme un rite initiatique, le capitaine étant déjà un initié. Un bon coup d’adrénaline au milieu de toutes ces gigantesques boites, une brusque accélération à travers le goulet de la mondialisation qui nous promet ensuite de longs surfs vers les lagons perdus du Pacifique. Une fois passé le canal puis le pont des Amériques, c’est le calme après la tempête, et l’impression d’être dans un nouveau monde sans que cela soit palpable. Nous goûtons et fêtons toutes les premières fois, un peu comme un nouvel an. Le premier plongeon du Pacifique !, la « première gorgée de bière », le « premier poulet du dimanche», le premier poisson, le premier coucher de soleil… 

Nous assouvissons nos derniers élans frénétiques de consommation devant l’angoisse de manquer de quelque-chose sur notre future île déserte. Nous ne rêvons plus mais projetons notre programme de voyage dans le Pacifique. 

C’est alors que nous réalisons également qu’il n’est désormais plus possible de faire demi-tour, que pour nous maintenant c’est sûr le voyage sera long et que la Polynésie nous éloignera de nos familles et amis, pendant un temps. C’est le revers de la médaille que nous ressentons déjà. Car au moment où notre Coccinelle découvrait l’océan Pacifique, Emilie devenait maman et ma grand-mère fêtait ses 100 ans ! 





Nous approchons de Colon, au milieu des navires en attente. 

Ca y est, le pas est sauté, il est derrière nous. Qui-ça donc ? Et bien, le Canal de Panama bien sûr, ça y est, il est dans le sillage. Une bonne chose de faite. 
Car les légendes sont tenaces, celles de voiliers qui auraient fait demi-tour dans les écluses, d’autres qui se seraient faits écraser entre deux remorqueurs, ou encore broyés par les hélices monstrueuses d’un cargo géant qui aurait oublié jusqu’à même votre présence. Car la différence d’échelle est indécente : près de 300 mètres de long et plus de 30 mètres de large pour les plus grands, à rapprocher des 11 x 4 mètres de notre petit voilier. Le show (dans lequel nous avons été tout autant acteurs que spectateurs) a commencé avant même d’avoir franchi les grandes jetées qui protègent le port de Colon Cristobal, la porte d’entrée, côté Atlantique, du prestigieux canal. Au fur et à mesure de notre approche, nous avons pu distinguer des dizaines et des dizaines de navires, au mouillage, à l’extérieur des jetées mais tout autant à l’intérieur, en attente de transiter vers l’Océan Pacifique. Arrivés à la tombée du jour, Coccinelle s’est donc frayé un passage au milieu de tous ces bateaux, beaucoup de porte containers, des vraquiers, chimiquiers, pétroliers, avant de venir poser son ancre sur le fond des Flats, la zone de mouillage réservée aux petits navires ; une notion toute relative puisqu’elle concerne certes les petits voiliers, mais aussi les gros yachts à moteur, les petits cargos, quelques remorqueurs. 

Passer le Canal de Panama, cela n’a rien d’anodin. Pour les voyageurs autour du monde, Panama marque le début d’un autre voyage, comme un nouveau départ : celui qui mène à l’Océan Pacifique. Nous aurions bien aimé pouvoir rester au mouillage des Flats, et éviter ainsi une trop coûteuse marina, mais devant l’impossibilité de débarquer à terre en sécurité, il a fallu se résoudre à venir amarrer Coccinelle dans la marina de Shelter Bay. Après les rues glauques de Colon, les épaves des navires échoués le long des berges, le trafic incessant de cet impressionnant port de commerce (le plus actif de toute l’Amérique Latine !), la marina ne pouvait qu’être à la hauteur : piscine pour se rafraîchir lors des heures les plus chaudes du jour (Apolline et Camille y ont passé des heures et des heures, Camille y a même appris, sur les conseils d’une petite copine, à nager la tête sous l’eau, et toucher le fond de la piscine), salles de bains privatives, services aux petits oignons, bon réseau WiFi, avec bien sûr une tarification à la hauteur. Car Shelter Bay Marina n’a pas de concurrence à Panama, le Panama Canal Yacht Club d’antan, là où il y a 18 ans, j’avais amarré Orca, a été détruit il y a quelques années, il ne sera pas reconstruit. Ici à Shelter Bay Marina, sus aux petits bateaux : qu’il mesure 25, 30 ou 36 pieds, vous paierez au minimum pour un 40 pieds. 

Nous avons décidé de faire appel à un agent (voir complément à suivre), Tito (c’est son nom) s’est donc chargé d’une partie des formalités, avant que Coccinelle ne soit mesuré, afin de déterminer le montant des droits que nous aurions à payer pour pouvoir traverser l’Amérique en bateau. Puis il a fallu attendre que notre tour arrive. 



L’arrivée du pilote. 


Shelter Bay Marina. 

Shelter Bay est donc le passage obligé pour tout navire de plaisance en attente d‘un transit, des plus petits, mais aussi des plus gros. Seuls les plus grandes unités ne peuvent pas y entrer, ils doivent se contenter du mouillage, à l’extérieur, avec les cargos. Ou les Flats. Le plus gros voilier que nous y ayons vus, Koo, mesurait 50 mètres ! Nous avons ainsi vu le propriétaire de l’un de ces yachts venir poser son hélicoptère à quelques dizaines de mètres de Coccinelle. D’ailleurs, nous étions dans un véritable environnement d’hélicoptères : la marina est située dans une ancienne base Etats-unienne, qui date du temps où le Canal était sous juridiction Américaine. La base est pratiquement fermée, mais trois hélicoptères y restent basés, les journées y ont été rythmées par le son sourd des rotors, au milieu des cocotiers, il y règne comme une atmosphère de guerre du Vietnam ; il ne manquait plus que la Walkyrie de Wagner pour rythmer le tout…et heureusement le bruit des explosions. Apocalypse Now ! 

Ces quelques jours d’attente ont été consacrés au plus gros avitaillement qu’il nous ait été donné de faire depuis le départ : nous avons la moitié de l’océan Pacifique à traverser, et nous n’osons même pas imaginer ce jour où dans le futur nous reverrons un supermarché, tant il semble lointain ! Nous en avons également profité pour effectuer quelques travaux sur le bateau (il y a toujours à faire !), cette fois-ci, la grosse dépense (mais c’est sûr, après, il n’y en aura plus d’autres !) aura été une toute nouvelle pompe à eau de mer offerte au moteur, pour quelques centaines de dollars, toute brillante, à la peinture neuve ! 

Nous avions également un rendez-vous important à Panama City, à l’ambassade des Etats-Unis. Car la suite du programme, pour l’an prochain, prévoit de nous mener vers les Côtes Etats-uniennes, Hawaï, Alaska, Californie. Hors pour se rendre aux Etats Unis à bord d’un jet privé (on s’en est séparés, on ne trouvait finalement pas ça très pratique), ou d’un yacht privé (nous n’avons conservé que le yacht), il est indispensable de se faire délivrer un visa de type B2. Son obtention est liée à une procédure en ligne des plus fastidieuses. En Martinique, nous avons passé des dizaines d’heures connectés à essayer de dénouer tous les rouages de cette démarche qui, après avoir payé 160 US $ pour chaque membre de la famille, avait débouché à un rendez vous à l’Ambassade Etats-unienne de Panama : une telle rencontre personnalisée dans une ambassade est indispensable. Nous n’en croiserons pas d’autre avant notre entrée aux Etats-Unis, à Hawaï. Le jour dit nous avons donc pris un taxi depuis la marina jusqu’à la gare des bus de Colon, emprunté la navette conduisant à Panama City, où un nouveau taxi nous a déposés devant l’ambassade. Il nous manquait une photo d’identité d’un format particulier, 5 x 5 cm, et nous avons été heureux de trouver devant l’ambassade des tentes avec installés là des photographes avec tout le matériel nécessaire à la fabrication des dites photos. Finalement d’entretien il n’y eut pas (ben oui, nous sommes une famille d’occidentaux, blancs, c’est plus simple…). Il a quand même fallu retourner trois jours plus tard récupérer nos passeports munis des fameux visas. Même dans une ambassade américaine, il peut y avoir des couacs informatiques. A moins que ce retard n’ait été lié aux attentats du marathon de Boston qui ont eu lieu ce même jour ? 



Les lamaneurs lancent les toulines avec précision, on y amarre les aussières et le lamaneur ramène l’aussière et la frappe sur un taquet. 



Coccinelle dans les écluses de Miraflorès. 

Le Canal de Panama. 

Le rendez-vous principal, celui du passage du canal, a été fixé ce vendredi 19 avril 2013 à 14 heures. Bien sûr nous étions à l’heure, et même en avance, même si nous savions par radio ponton que le pilote ne serait probablement pas là avant 16 heures. Il s’est mis à pleuvoir. Au cours de ces deux heures, il a plu, plu, et plu encore, toute l’eau du ciel, de la pluie des plus drues, des plus intenses. De celles qui réduisent la visibilité à néant, et impose, et ce malgré les aides à la navigation électronique (radar, AIS, etc.) une certaines attention aux capitaines et pilotes. Le chenal d’accès aux premières écluses de Gatún passe à quelques centaines de mètres des Flats, et nous pouvions deviner au travers des rideaux de pluie les ombres fantasmagoriques des navires, en marche avant réduite, au déplacement rythmé par les coups lancinants de leurs cornes de brume. 

Si la pluie avait ainsi continué, il est probable que notre transit aurait été reporté. C’est ce que nous a confirmé notre pilote, un peu plus tard, quand il est arrivé, alors que la pluie s’était enfin un peu calmée. Quand il pleut vraiment beaucoup (ce qui arrive quand même souvent, lors de la saison des pluies), alors les transits peuvent être interrompus, le temps pour le temps de devenir plus clément, et la visibilité de s’améliorer. 

Quelques jours plus tôt, nous avons pris rendez-vous pour recevoir à bord la personne chargée de mesurer le bateau. Un matin, une charmante jeune fille s’est présentée sur Coccinelle. Après avoir rempli différents documents, me les avoir fait signer, double décamètre en main, nous avons procédé à la mesure du bateau. Pour nos 11 mètres, il était bien sûr inutile de démonter bout dehors, panneaux solaires, etc. : tous les voiliers de moins de 50 pieds paient le même prix. Elle nous a remis notre numéro d’identification, avec lequel nous avons eu le droit ( !) d’aller payer les taxes de transit, soit pour Coccinelle la modique somme de 800 US $, auxquels s’ajoutent les frais d’inspection (mesure), 54 US $, de Sécurité, 130 US $, soit 984 US $. Auxquels il a encore fallu rajouter le montant de la caution : 891 US $ de plus, qui nous sera reversée quelques jours plus tard. Nous avons donc du verser à la City Bank la somme de 1.875 US $. C’était ça, ou mettre le bateau sur un camion (mais il faut trouver le camion, démâter et puis mâter de nouveau, etc.), envisager le passage du Nord Ouest (contourner le Canada par le nord), ou pourquoi pas la Patagonie ou le Détroit de Magellan… Tout s’est (à peu près) bien passé, nous n’avons rien esquinté sur le canal, et nous n’avons pas causé de retard significatif dans cette grosse machinerie. Grâce à nous, l’économie mondiale a pu continuer de tourner ! Quelle responsabilité ! 

La préposée du Canal avait bien précisé que nous devions avoir à bord, pour le transit, en plus du barreur et du pilote, quatre adultes compétents, capables de gérer les aussières qui allaient maintenir le bateau au centre des écluses. Car pour nous, petits navires, nul usage des fameuses locomotives n’est prévu. Les gros cargos s’y amarrent, à l’entrée de chaque jeu d’écluse (les trois de Gatún, les deux de Pedro Miguel, et l’écluse simple de Miraflorès) sur de grosses locomotives électriques, équipées de treuils, et qui se déplacent sur un rail à crémaillère. Ce sont elles qui maintiennent les navires au centre des écluses, lors des montées ou des descentes, et qui surtout leur permettent de se mouvoir quand il leur faut progresser entre les différents systèmes de chambres. 



Au premier soir, Coccinelle amarré sur une bouée sur le Lac Gatún. 



Un porte container croisé sur le Canal. 


Les portes de… Gatun, bientôt, vont se refermer… 

Bon, il faut reconnaître que rentrer dans ces gigantesques écluses a quelque chose d’impressionnant. Nous avons fait le choix de passer à couple de deux autres voiliers. Alors que nous n’étions plus qu’à quelques centaines de mètres de l’entrée de la première écluse de Gatún, Coccinelle est venu s’amarrer à couple d’un catamaran allemand, tandis que de l’autre côté un monocoque américain faisait de même. Il est ainsi plus aisé de rester manœuvrant au centre d’une écluse, la multiplicité des moteurs permet d’embrayer simultanément en marche avant ou en marche arrière. Et quand les deux gigantesques portes se sont refermées derrière nous, il ne s’agissait pas uniquement des portes d’un canal. C’étaient aussi des portes de l’Océan Atlantique qui se refermaient. Le loch installé à La Rochelle avant le départ indiquait alors 8.250 milles, soit un peu plus de 15.000 kilomètres, parcourus lors de cette ballade Atlantique qui nous a conduits de La Rochelle à l’île d’Yeu puis à Belle île, en Galice puis à Sao Miguel aux Açores. Ensuite, ce furent les îles de Pico, Faïal, Florès, puis Terceira, Santa Maria. Coccinelle a alors poursuivi son voyage vers Porto Santo à Madère, puis Lanzarote, Fuerteventura, et Gran Canaria, aux Canaries. Avant de traverser l’Océan Atlantique vers la Martinique et la Dominique, puis Cuba, et enfin le Canal de Panama. 

Une page vient de se tourner. Malgré une petite frayeur lors du passage de la première écluse montante de Gatún, due au fait que nos taquets sont conçus pour supporter le déplacement de notre bateau, mais pas celui d’un lourd catamaran et d’un gros monocoque réunis (il a tout simplement failli s’arracher, nous avons vu distinctement le pont se soulever !), nous avons continué notre ascension jusqu’à atteindre le lac Gatún, à 21 mètres au dessus du niveau de la mer. Au terme d’un bonne nuit (courte mais bonne…), amarré à une grosse tonne, un nouveau pilote est arrivé, au petit matin, et nous avons entrepris la traversée du lac, sur 28 milles, une navigation en eau douce au cœur de la forêt vierge, sur lequel on peut être surpris de croiser un échantillonnage assez complet de tout ce que l’homme a pu créer pour se mouvoir sur l’eau, et accessoirement transporter des marchandises. Samedi en fin de matinée, les trois voiliers se sont donc de nouveau réunis et amarrés pour former ce radeau qui s’est introduit dans les écluses descendantes de Pedro Miguel, puis de Miraflorès, qui nous a ouvert les portes de l’océan Pacifique. A nous l’aventure ! 


Nous quittons le catamaran et le monocoque avec qui nous avons transité la Canal dans la dernière écluse, celle de Miraflores. Nous sommes dans le Pacifique ! 




Il a bien grandit, mon petit Orca ! 



Los Diablos Rojos, anciens autobus scolaires nord américains tunnés façon Panama. 

Carénage aux îles Perlas. 

Nous avons ensuite passé quelques jours au mouillage de Flamingo, à la sortie de Panama City. La skyline de cette ville est l’une des plus impressionnantes, elle est parsemée de gratte ciels qui rivalisent d’audace architecturale. On pourrait penser qu’il s’agit là de bureaux, un gros centre d’affaires d’envergure mondiale de la trempe de La Défense, Francfort, New York, Hong Kong, Shanghai… Même s’il y en a un peu : après les îles Caïman, nous avons d’ailleurs ouvert un compte à Panama. Ce sont en fait des logements, dont beaucoup sont vides (dans le film : ‘le Tailleur de Panama’, elles sont appelées les ‘Tours Cocaïne’. Il se raconte qu’il pourrait s’agir là d’un moyen de blanchiment d’argent d’origine douteuse (l’ancien président Panaméen, le général Noriega, est en prison pour trafic de drogue). Des appartements vides loués au prix fort et qui permettent de justifier une rentrée d’agent. Ca ne vous rappelle rien, des maisonnettes louées au prix fort dans les Côtes d’Armor ? Devant Panama City, les couchers de soleil sont majestueux, au milieu des centaines de pélicans qui plongent pour y chercher pitance, avec en arrière plan ces dizaines de gratte ciels. Un paysage urbain qui n’est pas sans rappeler Toronto quand, il y a cinq ans, Coccinelle avait tiré quelques bords, sur le lac Ontario, au coucher de soleil, avant de venir s’amarrer en plein centre ville, dans un jardin public… 

Panama City est loin d’être aussi dangereuse que Colon. Le Paso Alto, la vieille ville, est en pleine reconstruction, il est agréable de s’y promener. Nous y faisons les derniers achats, les ultimes petites choses qu’il faut encore approvisionner, indispensables avant de continuer. Nous y avons même consulté un dentiste. Puis Coccinelle a pris la route des Perlas. Nous avons équipé notre bateau de béquilles, ce qui nous permet de nous échouer relativement facilement, pour peu qu’il y ait des marées, et que nous puissions disposer d’un sol relativement plat. D’ailleurs, la perspective d’un carénage aux Perlas avait été l’élément déclencheur dans notre décision d’offrir à Coccinelle cette paire de béquilles. Nous avons mouillé à l’embouchure, profité d’une première marée basse pour venir repérer les lieux, puis le lendemain Coccinelle est venu s’y poser. Ce carénage express a été l’occasion de renouveler la peinture anti salissure sur les œuvres vives, rajouter une anode sur l’arbre d’hélice, passer les œuvres mortes au déjaunissant avant de les polisher. Il nous aura fallu pour cela deux marées, ce qui ne nous a pas empêché de s’offrir une expédition en amont de la rivière, dans un paysage à la Tarzan, la jungle équatoriale avec pléthore de cocotiers, immenses arbres imbriqués les uns dans les autres, des lianes qui descendent jusqu’au sol. Nous y avons cueilli des bananes vertes, coupé le moteur pour tenter de reconnaître les mille et un bruits inconnus qui, dans ce milieu aqueux, habitent le silence, et que nous tenterons de déchiffrer. On apprendra plus tard que d’autres équipages y avaient croisé un caïman… 

Après deux jours de repos, nous avons quitté les îles Perlas, en direction des îles Galápagos. 


Coccinelle au mouillage devant Panama City. 



Coccinelle posé sur une plage des îles Perlas, dans le Golfe de Panama. 



A marée haute, dans la jungle équatoriale. 



En attendant la prochaine marée. 


La marée est descendue, il faut se remettre au travail. 


Pour prolonger : le Canal de Panama pratique. 

Par : Gilles. 

Ce petit texte s’adresse surtout à ceux qui envisagent de passer le Canal. Il contient quelques informations que nous aurions aimé avoir avant de transiter. 

Nous avions essayé, en amont, et dans la mesure du possible, de nous documenter avant d’arriver à Colon (merci Olivier !). Finalement, nous avons (en partie) agit différemment de ce que nous avions prévu. Pour organiser un transit du Canal de Panama, différentes options sont envisageables. 

La première consiste à faire ou non le choix d’utiliser les services d’un agent. Ensuite, va-t-il s’agir d’un agent officiel, patenté, ou bien alors d’un agent officieux, non déclaré donc, mais qui a également toute sa place dans les rouages du Panama Canal Authority ? Un agent n’est absolument pas indispensable, mais il pourra accélérer les choses, dans le sens où il connaît chaque bureau, dans lesquels se trouvent les bonnes personnes, au bon endroit. Le gain de temps est donc conséquent. Les formalités effectuées soi-même prennent bien sûr plus de temps, il faut louer les services d’un taxi pour se rendre d’un bureau à un autre, dans les banques, etc. Car Colon n’est pas la Havane et il vaut mieux éviter de se déplacer seul, à pied, avec tout signe extérieur de richesse. Colon est réputé comme étant une ville des plus dangereuses. En 1995 lors du voyage d’Orca, je m’étais retrouvé allongé à l’arrière d’un taxi tandis que des gangs ou la police, je ne l’ai jamais su, se tiraient dessus à l’extérieur. Les choses semblent s’être un peu améliorées. Compter 12 US $ de l’heure pour un taxi à disposition, ou 20 US $ pour aller de Shelter Bay à la Marina. Ensuite, il faut trouver des pneus pour protéger votre bateau (leur présence sera vérifiée par l’admesurement), et 4 aussières de 22 mm longues de 125 pieds, soit 40 mètres environ. Quel que soit l’agent, il va se charger de vous les trouver et les livrer, et de les faire récupérer de l’autre côté, à Balboa (côté Pacifique). Enfin, et c’est tout de même là son rôle premier, il faudra assurer les relations avec les différentes autorités, l’immigration notamment, et les choses peuvent s’avérer compliquées… et coûteuses. 

Il semblerait que la délivrance (et les taxes qui vont avec) d’un Cruising Permit soit obligatoire pour ceux qui naviguent aux San Blas ou aux Perlas. Si vous faites vous-même les formalités (et dans certains cas si vous passez par un agent officiel), il vous sera difficile d’y échapper. Il devrait en coûter 200 US $. Idem pour le visa, dont la nécessité est apparue il y a peu, et qui coûtera la somme de 100 US $ par personne (voir plus loin) ! 




Le passage d’un gros navire gazier Norvégien. 


Si vous utilisez les services d’un agent officieux. 

Le tarif de sa prestation n’est pas trop élevé, Tito, dont nous avons utilisé les services, nous a facturé 100 US $. Pour cette somme il s’est chargé des formalités auprès de la Panama Canal Autority. Il nous a ensuite fournit les aussières réglementaires (facturées 4 x 15 $), les pneus protégés par des sacs poubelle (un mode de décoration très tendance sur les voiliers à Panama), il les facture 3 $ pièce, il en a fallu 8 pour notre bateau de 36 pieds. Et en arrivant de l’autre côté, il a fallu de nouveau payer 1 $ par pneu pour s’en débarrasser. 

Deux jours après que Tito nous eut fait enregistrer auprès des autorités, l’admesurement est donc venue sur le bateau, y remplir différents formulaires. J’avoue avoir esquissé un sourire quand l’employée du Canal m’a demandé où donc nous avions bien pu cacher la barre à roue (il y en avait effectivement une à bord de Coccinelle quand nous l’avons acheté, mais nous l’avons remplacée par une barre franche). Et l’indicateur d’angle de barre, où est-il ? Après avoir déclaré que nos taquets n’étaient pas assez solides (on ne le savait pas encore, mais ça allait se vérifier), que notre bateau n’allait pas assez vite, etc., elle nous a remis le ‘Panama Canal Ship Identification Number’. Il ne restait plus alors qu’une chose à faire : payer, à la City Bank, et en espèces sonnantes et trébuchantes seulement. Ce détail a son importance, car Panama semble être l’un des pays les moins sûrs en termes de sécurité bancaire, dans les faits, pour les cartes de crédit de base, le plafond de retrait est extrêmement bas, il se limite à 500 US $ par semaine et par carte. Pour ne pas devoir attendre plusieurs semaines que nous puissions retirer des espèces, nous avons du demander à des amis de nous dépanner, nous les avons remboursés par virement bancaire. Les choses semblent plus simples pour les détenteurs de cartes de type ‘Premier’ ou ‘Gold’, pour lesquelles le plafond de retrait est plus élevé. Avant d’arriver au Panama, il est donc préférable d’avoir avec soit des dollars, cela simplifie bien les choses. 

Quand on passe par un agent officieux, il faut également payer, en sus des frais de transit (984 US $), un dépôt de garantie, de 891US $, qui sera remboursé quelques semaines après le transit (j’écris ces lignes aux Galápagos et c’est chose faite). Dans notre cas, Tito nous a également facturé 40 US $ de taxi théorique entre la marina et la banque : 20 US $ entre la marina de Shelter Bay et Colon (ce qui est le prix d’un taxi officiel, jaune à damiers noirs et blancs, façon Gaston Lagaffe), autant pour le retour. Tito emploie un jeune qui officie avec une voiture, qui va y mettre deux ou trois skippers et facturer ainsi 2 x 40 ou 3 x 40 US $... 



Le conducteur de l’une de ces locomotives chargées de tracter les navires. 



Les écluses (ici les deux premières écluses montantes de Gatún) sont doubles, ce qui facilite leur entretien, et la fluidité du trafic. 


‘Les navires ‘en vont, les navires s’en viennent’. 

Si vous passez par un agent officiel. 

Vous n’aurez pas à déposer la caution de 891 US $ à la banque, l’agent se porte garant pour vous. Ce détail a son importance car il relativise l’écart de prix entre un agent officiel et un agent officieux, et surtout diminue de moitié le problème de retrait d’espèces. Un agent officiel facture 320 US $ sa prestation, dans laquelle sont inclus la fourniture des pneus (et leur récupération à Balboa), et des aussières. Avec lui nul besoin de se déplacer à la Citybank, il s’en charge. 

Il est commun pour un équipage qui ne l’a jamais fait d’envoyer une personne du bord effectuer un transit avant le sien, ce qui permet d’appréhender les problématiques dans leur intégralité, de désacraliser certains points, tout en en soulevant d‘autres. Armelle a ainsi passé trois fois le canal, une fois avant, et une fois après, sur Cool Frenesy, dont l’équipage avait fait le transit avec nous. Si vous ne trouvez pas de membres d’équipage d’un ‘bateau copain’, alors il faut louer les services de handliners, Panaméen ou autre. Certains sont bons, d’autres un peu moins, et il n’est pas rare qu’ils voient là une aussière et un taquet pour la première fois de leur vie. A la marina de Shelter Bay, il est amusant de voir les bateaux en attente de leur transit aller voir chaque nouvel arrivant pour leur demander s’ils veulent transiter avec eux. Si aucun membre d’équipage n’est disponible, alors un handliner fourni par un agent officieux vous coûtera 100 US $ par personne, et 125 US $ si vous passez par un agent officiel. 

Pour résumer. 

Un agent officieux (pour nous, Tito) : 

- Prestation, 100 US $. 
- 8 pneus, 8 x 3 = 24 US $ 
- 4 aussières, 4 x 15 = 60 US $.
- Taxi Citybank : 40 US $ 
- Frais de virement pour récupérer sa caution : 25 US.

- Total : 325 US $. 

Auxquels il faut rajouter éventuellement 
- Zarpe (Last Port Clearance): 70 US $ + 15 US $ de bus soit : 85 US $. 
- Le cas échéant, 100 US $ par handliner. 

Un agent officiel. 
- 325 US $ pour la prestation, incluant les pneus, les aussières, le paiement des frais à la Citybank. Surtout, il n’est pas nécessaire de laisser un dépôt de garantie. 
- Par contre, mais cela dépend à priori des agents, il peut être nécessaire d’obtenir un Cruising Permit, de l’ordre de 200 US $ ou plus. Idem pour les visas, à 100 US $ par personne. 
- Total : 325 US $. 

Auxquels il faut rajouter éventuellement 
- Le cas échéant, 125 US $ par handliner. 
- Le Zarpe ? 

Visas et Cruising Permits sont donc à priori et en théorie obligatoires (ça en fait des suppositions…), sans que nous n’ayons réussi à savoir s’il s’agissait d’une réalité, ou d’un backshish déguisé… Nous avons officialisé notre entrée au Panama en faisant tamponner les passeports au petit bureau de l’immigration à la Marina. L’agent nous a dit que nous devions aller à Colon pour y acheter les visas, nous lui avons répondu ‘oui oui Monsieur’, et ne l’avons jamais fait. Tito nous a indiqué que pour la sortie, si nous le voulions nous pouvions aller à Panama City les faire tamponner. Mais nous n’y sommes pas allés, mieux vaut parfois ne pas tenter le diable. Quant au Cruising Permit, nous l’avons tout autant ignoré. 



Dans les allées d’un maxi porte container, un Panamax

Autre choix difficile à faire à Colon, le port, ou le mouillage, à Porto Bello, ou encore… 

Le Panama Canal Yacht Club a donc été détruit et transformé en zone de stockage de containers. 

Porto Bello est paraît il (nous n’y sommes pas allés) une jolie bourgade (et un bon mouillage) à une trentaine de milles au nord de Colon, en direction des San Blas. De nombreux bateaux y préparent leur transit, plusieurs bus quotidiens descendent à Colon. Ce choix permet de continuer de vivre dans un cadre agréable (on n’est pas là pour se faire du mal), bon marché, à condition de faire quelques allers et retours en bus. 

Le mouillage des Flats. Le problème majeur des Flats vient de l’impossibilité de descendre à terre, en sécurité du moins. L’approvisionnement est donc problématique, et tout ce qui va avec. 

Le Club Nautico. Au départ nous avons envisagé d’y mouiller. Mais après y avoir jeté un œil, le lieu ne nous a pas tentés. Sans parler du fait qu’il faut en théorie payer 5 US $ par jour pour avoir le droit de débarquer en annexe. Nous avons donc choisi une solution de riches. 

La marina de Shelter Bay. Une solution de riches à plus d’un titre, à commencer par la taxation du bateau au prorata de sa taille. Jusque là rien que de très normal, sauf qu’ils n’appliquent pas de tarifs pour un bateau d’une taille inférieure à 40 pieds. Pauvres qui n’avez qu’un petit bateau passez votre chemin. Ainsi avec nos 36 pied nous avons du payer pour un 40 pieds. Heureusement les tarifs sont dégressifs au bout de deux semaines, et cela rétroactivement. La première semaine nous a tout de même coûte 360 US $ ! 
La marina a bien des avantages, matin et soir une navette de bus gratuite conduit au centre commercial de Quatro Alto, où l’on trouve même un shipchandler, Abernaty. On peut y remplir les bouteilles de butane (au prix fort), acheter du gazole, sortir un bateau de l’eau. Une solution coûteuse donc mais réaliste dans le cadre d’une navigation familiale, et au regard des problèmes d’insécurité récurrents à Colon. 



Des containers, des containers, encore des containers… 


CMA CGM, ça n’est pas une compagnie Française ? Nassau, aux Bahamas, serait donc en France ? 

Dernier point, le transit. 

Lors de son passage, l’employée du Canal nous questionna sur le type de transit que nous souhaitions réaliser, tout en sachant qu’à la fin, ce serait le pilote qui déciderait. Nous avons opté pour le net center chamber, une technique qui comme nous l’avons vu consiste à amarrer deux ou trois bateaux ensemble de façon à rester manoeuvrants. 

L’autre technique proposée consiste à passer à couple d’un remorqueur, ou alors, seul au centre. Ce choix a failli nous coûter cher, car les taquets d’un voilier de 7 tonnes ne sont pas faits pour soutenir un ensemble de bateaux dont le déplacement total avoisine les 30 tonnes. Lors de la montée de la première écluse de Gatún, alors que de forts remous et tourbillons se faisaient sentir, les trois bateaux sont partis sur le côté, et notre taquet arrière s’est littéralement soulevé, et le pont avec lui. Armelle qui avait déjà effectué un transit a immédiatement choqué, tandis que le pilote réagissait rapidement : sur sa demande un lamaneur a renvoyé une touline sur le catamaran, une autre aussière a été remise en place et la notre a pu être libérée, sauvant ainsi notre taquet, ou plutôt la surface de pont. 

Nous avons eu chaud, et si c’était à refaire, alors nous prendrions l’option d’un transit seul, au milieu de la chambre, avec les problèmes de manœuvrabilité que cela entraîne… 


Une fois de plus, quand des Coccinelles rencontrent d’autres Coccinelles… 


Elles se racontent des histoires de Coccinelles ! 



Jolies, les poubelles décorées du Paso Viejo, non ? 



Qui n’a pas son Panama ? 



Petites danseuses dans un parc de Panama City. 






jeudi 11 avril 2013

Cuba


Par Armelle


 
Cuba était l’une des étapes incontournables de notre passage dans les Caraïbes et, reconnaissons le, cela n’était ni pour ses plages, ni pour ses langoustes (un peu pour ses mojitos quand même), mais surtout pour satisfaire une curiosité, celle de découvrir ce qu’il pouvait rester de ce pays communiste porté par une histoire révolutionnaire unique au monde.  
 
Dès le lendemain de notre arrivée, nous plongeons dans l’univers Cubain à travers la ville de Santiago de Cuba. Nous y découvrons une ambiance particulière, faite de multiples contrastes, forgés par l’histoire d’un pays marqué par la rupture de sa révolution. A Cuba le temps s’est arrêté en 1959, pour opérer un brusque virage à 90 degrés, une idée à Fidel, soufflée par le Che et dont la recette offre un cocktail déroutant à la première gorgée ; et qui rapidement se transforme en breuvage qui vous envoûte par son charme.

Dans un dédale de rues animées par une paisible mais bruyante agitation de vieilles voitures rutilantes, faisant vrombir leur moteur, les cubains bavardent en faisant la queue, en jouant aux dominos sur les places publiques, ou en entamant une sérénade pour les touristes de passage, le tout dans un cadre de bâtiments somptueux de richesses cachées sous un délabrement qui nous transporte dans un monde complètement anachronique. Nous ne sommes ni dans les années fastes et clinquantes de Batista, ni dans un pays communiste tel que l’on se l’imagine, monotone et gris ; encore moins dans un pays émergent qui court sauvagement après ‘son retard consumériste’. Nous sommes à Cuba, un endroit unique au monde, fait de multiples contrastes, mais aussi (et surtout ?) de contradictions.

 
Arrivée sur les côtes cubaines

La baie de Santiago

 Santiago de Cuba
 
"Jusqu'à la victoire, toujours", affiche révolutionnaire, dans les campagnes

Coche cavallos, bici taxis, et vieilles bagnoles Américaines.

Ainsi les ‘coche cavallo’ (charrettes à cheval) se mêlent aux vieilles guimbardes américaines ou russes ; les bâtiments austères (heureusement peu fréquents), issus de  l’architecture soviétique, et les modestes demeures faites de bric et de broc côtoient sans complexe d’anciens palais décrépis, au dessus desquels trônent parfois un gigantesque slogan révolutionnaire, porté évidemment par le portrait du célèbre Che. Des pancartes que l’on retrouvera partout même en rase campagne et dont l’état participe encore davantage au fameux principe cubain qui recommande de colmater à l’infini avec des rustines sur un objet usé plutôt que de le remplacer. Et voilà comment avec un principe idéologique (car réellement anticonsumériste), on résout bon nombre de problèmes économiques ! Et d’une pierre deux coups : comment on enrichit le patrimoine d’un pays par la sauvegarde d’un parc automobile ‘bling bling’, au temps de Batista, devenu ‘vintage’ aujourd’hui : pour certaines, les moteurs sont toujours d’origine (V6, V8 !) !
 
Les vieilles guimbardes américaines si célèbres à Cuba
 
Coche cavallo
 

Après cette bouillonnante première escapade citadine, nous nous échappons le long des côtes qui bordent la Sierra Maestra. Nous y savourons quelques jolies étapes foraines, avec malheureusement parfois de la part des autorités Cubaines, l'interdiction de débarquer. Puis nous visitons la ville de Pilon. Difficile d’expliquer pourquoi elle nous a tant interloqués. Impossible de dire si elle nous a ravis, ou au contraire effrayés. Elle est pourtant à découvrir, car rien n’y est fait pour accueillir le touriste. C’est une simple ville cubaine de 10.000 habitants, sans aucun édifice somptueux pré révolutionnaire, ni restaurant ou bars à musique. Mais juste de rares et mornes boutiques où nous pouvons dépenser quelques CUC. Nous y avons cependant ressenti un véritable havre de paix, où les canassons broutent paisiblement entre des bâtiments soigneusement ordonnés, selon un quadrillage bien aéré. Chaque maison possède son petit jardin potager, pour compléter, selon ses goûts, le panier de Fidel que l’on va chercher dans les différentes échoppes avec son livreta (carnet de rationnement). Les citadins se promènent exclusivement en vélos et parfois à cheval. Pas d’embouteillage, encore moins d’agitation aux heures de pointes. Les gens déambulent tranquillement dans les rues, font la queue devant les comptoirs avec le sourire. Normal, c’est ancré dans leur mode de vie. Nous avons toujours été abordés dans la rue par les cubains avec bienveillance, devançant presque nos besoins. Les écoliers (les écoles sont incroyablement nombreuses), remarquables à leurs uniformes, rentrent chez eux l’air débonnaire en dégustant une glace ou un jus de canne. Un immense stade décline les terrains de sport divers et variés, car il faut bien occuper la jeunesse cubaine dans une ville aussi paisible et tranquille !

Mouillage de Chivirico

Chivirico

Pêcheur de Chivirico

"La balançoire c'est papa qui l'a fait !"


Cayo blanco dans la baie de Pilon
 
La ville de Pilon


Los Jardines de la Reina.
 
 

Nous quittons cependant Pilon pour des lieux encore plus paisibles et allons nous perdre dans les innombrables îlots des Jardins de la Reine, couverts de mangrove et peuplés d’iguanes et de jejens ! Ces minuscules moustiques qui nous auront gâché plus d’une soirée. Chaque jour nous nous verrons offrir des langoustes (en échange de rhum) par les pêcheurs ou, à leur demande, de ce dont ils manquent. Ce sera toujours l’occasion de sympathiques discussions, et l’opportunité de prendre quelques leçons de pêche. Cela ne m’empêchera pourtant pas de batailler pendant près d’une heure devant une paire d’antennes, en vain, sans pouvoir extraire le propriétaire de son trou. Alors évidemment on se laisse vite tenter par le troc.
 
Mouillage à Algodon grande

Algodon grande

Perdus dans la mangrove

 Notre ile déserte ! Au beau milieu des Jardins de la Reine
 
Sur les traces des iguanes

Les pêcheurs cubains

Corvée de couture
 

Au beau milieu de ce parcours labyrinthique, nous retrouvons avec bonheur nos amis de Titeuf, presque fortuitement (merci Sailmail !). Nous trinquons une nouvelle et dernière fois aux affranchis du ponton Y2 (bassin des Yachts du Vieux Port de La Rochelle, connu également sous le nom de ‘Bassin des Enfermés’, au regard de la porte d’écluse qui en ferme l‘accès) et immortalisons ce grand évènement par une petite photo. Nos chemins vont désormais se séparer : Titeuf prépare son retour vers la France, tandis que nous, achevons seulement la première grande étape de notre voyage. Et déjà nous nous disons au revoir car nos plannings respectifs nous séparent. 


 

La Havana



Vite nous remontons jusque dans la baie d’Ancon, à Trinidad, où nous laissons la Coccinelle en lieu sûr. Nous avons rendez-vous avec ma famille à La Havane. Nous prenons la route (de bitume cette fois-ci !), partagés entre la joie des retrouvailles familiales, et l’excitation d’être plongés dans cette ville mythique. Nous passons 3 jours intenses, les sens aguerris, mais surtout déjà conquis par l’esprit Cubain que nous partageons cette fois avec ma famille. La Havane et son tourbillon de vie nous happe à son tour et nous plonge, entre deux mojitos sonorisés (préliminaires indispensables au bain), dans un décor de châteaux et de palais dont la richesse architecturale classe aujourd’hui certains quartiers de la ville (comme celle de Trinidad ou de Cienfuegos) au patrimoine mondial de l’Unesco.

En s’attardant dans les rues alentour, celles qui ne payent pas de mine mais qui nous montrent le Cuba des Cubains, nous découvrons des ateliers de sellerie, de menuiserie ou d’imprimerie (comme chez nous !) mais il y a plus d’un demi-siècle : pas de travail à la chaine ni de machines sophistiquées, mais de petits établis ou chacun s’affaire avec ses outils comme un artisan. Sauf qu’ici on ne travaille pas pour le client de passage mais exclusivement pour l’Etat ! On découvre également des Compay Segundo improvisant un mini bœuf à l’ombre d’un tout aussi mini réduit, qui semble être le seuil d’entrée d’une maison.

 
Un chantier naval installé au beau milieu des rues de La Havane
 
Vamos à la Playa.

Nous redescendons tous ensembles à Ancon, et posons nos valises un temps : pour ma famille à l’hôtel, et pour nous à bord de Coccinelle, amarré à un ponton à moins de 500 mètres de là, avec au bout du chemin une interminable plage aux eaux turquoises. Nous filons des jours paisibles, le plus lentement possible pour que le temps s’étire, laissant nos bavardages rattraper celui que nous avons perdu depuis notre départ, voilà déjà près de 8 mois. C’est l’occasion aussi pour les filles de renforcer leurs liens avec les cousins. Ce séjour est marqué par quelques évasions des uns et des autres, à Trinidad, pour se replonger dans cette douceur de vivre à la Cubaine : musique et cocktails, dans un décor d’architecture coloniale, aux multiples ocres ternis par le temps.
 

Manue, Nanny, Gilles, Lulu, Alice, Camille, Léon, Apolline, Armelle, Daddy
 
Les cousins, heureux de se retrouver
 

 Trinidad
  Trinidad
  Trinidad

Cienfuegos

Nous partons ensuite pour Cienfuegos. Une escale imprévue mais finalement nécessaire pour y faire les démarches administratives obligatoires de renouvellement de nos visas touristiques, ainsi que celles de sortie du bateau. Notre négligence nous avait fait devenir ‘Clandestinos’ ! depuis déjà quelques jours. Et comme d’habitude lorsque nous sommes confrontés à ce genre de situation, j’endosse le personnage du touriste un peu benêt et j’explique dans un espagnol des plus médiocres (naturel chez moi) que sans mes lunettes je ne peux pas lire les petites lignes au dos du papier. Après quelques faux palabres (car en fait l’équipage de Titeuf nous avait déjà mis à la page) je feins la panique et me confonds en excuse ; en général mon interlocuteur, pris de pitié, en oublie ses remontrances et cherche au plus vite une solution pour me rassurer.

Cela nous vaudra quand même un passage devant le bureau de l’immigration, devant un fonctionnaire consciencieux et qui exécute sa besogne méthodiquement comme à l’accoutumé. Malgré la présence de quatre documents similaires, celui-ci s’évertue à remettre son tampon dans le tiroir pour venir l’en déloger presqu’aussitôt pour le suivant… Les dits documents sont faits à partir de simples feuilles vierges, sur lesquelles le préposé construit un tableau avec sa règle et son crayon, qu’il remplit d’une écriture soignée, avant de nous pondre ensuite un joli roman pour excuser notre situation. Il s’en suit une signature de notre part, en bas de la page ; une autre des autorités. Et hop ! Nous réintégrons la légalité. Aucune pression, aucun dessous de table, nous nous sommes juste acquittés de la taxe légale pour la prolongation de notre séjour.

 

Il est temps de penser au ravitaillement.

Nous sommes à Cuba depuis déjà plus d’un mois. Il est temps de penser au ravitaillement en vivres en vue de la prochaine traversée. L’affaire n’est pas simple, même si avec le temps on finit par décoder quelques rouages du système. On comprend vite deux éléments essentiels. A Cuba, beaucoup de choses sont interdites, mais finalement tout se fait (ou peut se faire). Et en tant que touriste, le but du jeu consiste, pour son porte-monnaie, à payer en pesos nationaux. Le CUC (pesos convertible) étant une monnaie créée depuis que le bloc de l’Est s’est écroulé, et que les touristes ont commencé à envahir les plages du pays. Il ne concerne que les services et les produits proposés aux touristes ; et évidemment les prix vont avec. Pour un même service nous avons pu voir des écarts de prix de 1 à 10, selon le type de monnaie affiché. Mais attention, quand on joue sans connaitre les règles du jeu, cela peut devenir un vrai casse-tête. Ainsi en fut-il un matin à La Havane, alors que nous venions d’acheter quelques petits pains dans une boulangerie (quelques centimes de pesos chacun, autrement dit rien du tout). Le lendemain après-midi, nous y retournons, et là surprise : nous sommes renvoyés sans ménagement, alors que les suivants (cubains) sont servis avec un grand sourire. Discrimination ? Certes non ! Car le surlendemain nous seront à nouveau servis avec un grand sourire. Ce qui est clair c’est qu’il y a un réseau complètement interne que l’étranger ne peut pas intégrer sans quelque peu le court circuiter. On se sent parfois comme un parisien en vacances dans les Côtes d’Armor qui tente maladroitement de rentrer dans la ronde d’un festnoz.

Les cubains achètent bon nombre de denrées dans des magasins ou des comptoirs d’état avec des carnets appelés des ‘livretas’. Ces denrées semblent être rationnées, sans aucun doute produites en quantité insuffisante et livrées certains jours de la semaine seulement, ce qui génère d’interminables queues, et un marché noir les jours de carence, pour les gourmands qui en voudraient davantage (les méchants consommateurs !). Et qui dit marché noir ; dit hausse des prix (les méchants spéculateurs !).

Cherchant à renflouer le  niveau de nos vivres, un matin à Cienfuegos je rentre au hasard dans un magasin : « Tiens tiens, il y a foule au comptoir ! Plutôt bon signe, allons voir ce qui se vend aujourd’hui : Des œufs ! Parfait, c’est sur ma liste de courses ! » Aussitôt je demande « El ultimo ? ». Le dernier de la file lève le doigt et un sympathique dialogue est engagé, auquel succède aussitôt une conversation à trois lorsqu’une dame vient me remplacer en tant que dernier de la file. Voyant les plateaux d’œufs qui diminuent progressivement derrière le comptoir et les regards inquiets de mes voisins je demande si la quantité d’œufs est limitée par client et je leur présente mes 6 boites de 12 à remplir. Ceux-ci me rassurent, aucun problème. Mais rien à faire mon inquiétude grandit à mesure que mon tour approche tandis que la file s’allonge encore davantage derrière moi. Au dernier moment je me défile, je coupe la poire en deux et présente à la vendeuse 3 boites de 12. Ouf ! C’est passé, presqu’avec le sourire. Le lendemain je me représente à la même heure, au même comptoir, évidemment plus de file d’attente, ni d’œufs à vendre. Et comme par hasard une foule de vendeurs à la sauvette dans les rues qui vous proposent des œufs pour 5 fois le prix officiel !

Autre bizarrerie du système, les citrons verts sont une rareté sur les marchés cubains (du moins lors de notre séjour, mais sans citron vert, point de mojito !) ; alors qu’ils ont presque le monopole sur les marchés martiniquais … ?
De même que les fonds marins regorgent d’énormes langoustes, mais les pêcheurs n’ont pas le droit de les vendre aux cubains… ? Un met trop luxueux pour un palais communiste ? Toujours est-il que les langoustes sont sacrifiées au sanctuaire de Fidel et à sa cause. Elles viennent renflouer les caisses de l’état en remplissant les assiettes des restaurants exclusivement.

Vous l’aurez compris, à Cuba on ne fait pas son caddie le samedi pour la semaine, ni ne prévoit au dernier moment un grand festin improvisé avec ses voisins. Pas de problème ! C’est un principe déjà encré dans nos habitudes de baladins. Alors on s’adapte, en se contentant de ce que Fidel nous a préparé.

Nos premières impressions sur la ville de Cienfuegos ont un petit goût de déception. Après La Havane et Trinidad on devient exigeants. Mais finalement nous nous laisserons prendre à nouveau, toujours par ce même breuvage, emprunt du charme désuet d’une révolution dont le succès surfe sur la vague nostalgique d’une icône disparue. Car là aussi Che Guevara est omniprésent : pancartes de propagande, mais aussi photos, tee-shirts, fausses plaques d’immatriculation, briquets, casquettes à son effigie jonchent les boutiques à touristes jusqu’aux magnets à placarder sur tous les frigos des consommateurs occidentaux. Les cubains ont de l’humour ! Et le Che, pourtant si ouvertement opposé au culte de la personnalité, doit se retourner dans sa tombe.

"Ton exemple vit, tes idées perdurent."

 
 "La patrie ou la mort", sur le dos d'une pièce de 3 pesos
 
mouillage de Cienfuegos 

 

Nous restons un peu plus longtemps que prévu, attendant des vents meilleurs et puis les filles se font des copains et nous aussi.

On s’extrait toujours difficilement d’un p’tit coin où l’on se sent bien.




Comment en est-on arrivés là ? Le système communiste le plus inégalitaire du Monde !

Par Gilles

L’histoire de la Révolution Cubaine est belle, romantique à souhait. A la fin des années 50, les Etats-Unis maintiennent à Cuba un régime dictatorial dirigé d’une main de fer par Batista. Bordels et casinos, corruption et mafia sont alors les maîtres mots qui règnent dans l’île en forme de crocodile. L’Amérique puritaine fait à Cuba ce qu’elle ne peut (ou ne veut) faire chez elle.

A cette époque, les révolutionnaires latino américains de tous poils se réfugient au Mexique, s’y rencontrent et réfléchissent. C’est ainsi qu’un jour de juillet 1955, le tout jeune Raoul Castro présente à son frère Fidel, avocat, un jeune Argentin tout comme lui épris de justice sociale. Il est médecin, il a lu Marx et quelques années plus tôt, il s’est forgé, au cours d’un voyage à motocyclette à travers les pays d’Amérique Latine, une forte conviction selon laquelle les peuples opprimés du continent sud américain doivent prendre les armes pour se libérer des dictatures qui les dominent.

Ce jour de juillet naît donc dans la tête de ces jeunes hommes qui n’ont pas encore 30 ans un projet complètement fou : celui de monter un groupe armé, de débarquer à Cuba, réunir une armée et affronter celle de Batista, jusqu’à renverser le régime en place. Hasta la Victoria Siempre. De quelques dizaines d’hommes au départ, les paysans Cubains, excédés par la misère dans laquelle les maintient Batista, peu à peu rejoignent l’armée révolutionnaire. La guerre va durer deux ans. Dans la Sierra Maestra, les révolutionnaires expérimentent une organisation sociale qui jette les bases de ce qu’ils imaginent ensuite être la société Cubaine, basé sur l’égalité entre tous, et dans laquelle chacun aurait accès à la santé, à l’éducation, à un toit, et à manger. Une utopie qui n’est pas sans rappeler, par certains points, le programme du Conseil National de la Résistance en France.

Au fil des mois, cette armée a grandit et en janvier 1959, après la désormais mythique bataille de Santa Clara, au cours de laquelle Guevara s’empara d’un train blindé chargé d’armes et de munitions, Batista fini par s’enfuir en République Dominicaine et les différents groupes révolutionnaires, menés par Ernesto ‘Che’ Guevara, Camilo Cienfuegos, Raoul et Fidel Castro, entraient dans La Havane.

Fidel Castro, ‘Lider Maximo’, pris la tête du pays, et lui qui n’était ‘que’ révolutionnaire peu à peu se rallia aux positions plus radicales du Che, Marxiste Léniniste convaincu. Quelques mois plus tard, une réforme agraire nationalisait les terres et les redistribuait aux paysans, les multinationales américaines (United Fruits notamment) boutées hors du pays, et un rapprochement spectaculaire était effectué en direction de Moscou. Tandis que Guevara devenait ministre, et parcourait le monde (et même l’ONU à New-York) pour prêcher la bonne parole de la révolution Cubaine. La présence des Soviétiques a ainsi amené à Cuba 30 années d’une relative prospérité, les produits agricoles Cubains étaient achetés au prix fort par Moscou, qui en échange demandaient de menus services ; parmi lesquels (mais Fidel s’assurait de fait la non intervention américaine sur Cuba) l’installation de quelques missiles Russes à têtes nucléaires (avec tout de même 50.000 soldats soviétiques…), pointés sur la Floride et les autres Etats Américains, en réponse à l’installation par les Américain du même type de missiles sur le territoire Turc, à quelques centaines de kilomètres de l’URSS. En 1962, cet épisode des missiles de Cuba fut à deux doigts de déclencher une troisième guerre mondiale.

 

La chute du mur : la fin d’un monde.

L’idylle avec l’URSS va durer jusqu’en 1989, à la chute du mur. Et c’est là que les choses ont commencé à se corser pour les Cubains : faute de parrains, et en raison d’une économie moribonde, il fallait trouver rapidement des devises pour acheter à l’étranger les produits de première nécessité, à commencer par le pétrole. C’est à cette époque que le tourisme a pris son essor à Cuba. Ils sont désormais deux millions chaque année à flemmarder dans les rues de La Havane ou de Trinidad, ou s’échapper une ou deux semaines des rigueurs des pays du nord (les Canadiens à Cuba sont les plus nombreux), pour venir profiter de ses plages ensoleillées.

Plus de 50 années ont passé. Fidel Castro a du faire face à des problèmes de santé et a laissé la place à son frère Raoul, révolutionnaire de la première heure. En 2013, Cuba n’est toujours pas une démocratie telle qu’on l’entend chez nous, c’est-à-dire avec des élections libres. La liberté de la presse se limite aux organes du Parti, Granma en tête. Cependant les discriminations contre les homosexuels appartiennent depuis longtemps au passé (le délit d’homophobie n’est pas si vieux que ça chez nous !) et jusqu’à encore récemment les Cubains ne pouvaient sortir de leur pays.

Dans chaque quartier, pâté de maison, dans chaque village, au cœur des plus petites communautés, le pays tout entier est quadrillé par les CDR, les Comités de Défense de la Révolution. Tout est dans leur appellation. Leurs membres viennent en aide à la population, détectent leurs besoins, etc. Mais ils rapportent aussi au parti toute activité subversive. A Cuba, la police est loin d’être omniprésente, on y croise comme partout quelques policiers, probablement moins qu’en France. Et les lieux touristiques (le vieux La Havane par exemple) sont quadrillés par des agents de sécurité. Moins peut-être que sur la Place Montmartre.

Par deux fois lors de nos déplacements sur la route, nous avons été contrôlés par des policiers, ils ont demandé au chauffeur son permis, les papiers du véhicule. Mais à aucun moment le chauffeur n’a eu à offrir un quelconque petit cadeau pour que le contrôle se termine bien. D’ailleurs, tout le monde le confirme : la corruption n’existe pas à Cuba ; ou alors si peu… La révolution est restée socialiste. Le manque d’argent fait que les rues et dans une certaine mesure les routes sont défoncées, mais elles sont nettoyées, et le ramassage des poubelles s’effectue chaque jour.

Les services de santé sont bien sûr gratuits, et performants : ça n’est pas pour rien qu’Hugo Chavez est venu se faire soigner à La Havane. Les Cubains nous apparaissent en bonne santé. Le nombre d’amputés nous a semblé peut-être un peu plus élevé qu’ailleurs. Quelques-uns mendient auprès des touristes. Par deux fois, des Cubains nous ont appris avoir un enfant handicapé de naissance, la médecine prénatale nécessite de gros moyens techniques et financiers… Mais à part quelques déficients mentaux, qui errent dans les villes, à La Havane notamment, on ne repère finalement que peu de laissés pour compte. Partout à Cuba on se sent en sécurité. On ne dit pas qu’il n’y a pas de clochards mais nous ne les avons pas vus. Ainsi tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes…

Sauf que le système politique Cubain, qui à la base rêvait d’une société égalitaire, a réussi à créer le système le plus inégalitaire qui soit.

 

Le système socialiste le plus inégalitaire du Monde.

Ingénieurs, cantonniers, médecins ou ouvriers reçoivent tous le même salaire mensuel, il s’élève à quelques centaines de Pesos Nacional. En contrepartie, via un système de carnets de rationnement, l’Etat subvient aux besoins fondamentaux des Cubains : nourriture, logement, santé, éducation, etc. Mais ces pesos ne permettent pas l’accès aux biens de consommation.

A côté de ça, certains Cubains, ceux qui notamment ont accès aux touristes, donc aux CUC (ceci est également valable pour les Cubains qui ont de la famille aux Etats-Unis, essentiellement à Miami en Floride), engrangent de l’argent en devises, ce qui leur permet d’avoir un niveau de vie quasi équivalent à celui d’un occidental. Car la chasse aux devises a contraint le régime Cubain à ouvrir certains secteurs à l’entreprise individuelle. C’est le cas pour les Casas Particulares, ces particuliers qui louent des chambres aux touristes. Jusqu’à récemment, un particulier ne pouvait louer que deux chambres. Il n’y a désormais plus de imitation. Depuis 1959, les Cubains étaient propriétaires de la maison qu’ils possédaient avant la révolution, ils pouvaient la transmettre à leurs enfants. S’ils ne pouvaient pas la vendre, ils pouvaient cependant ‘l’échanger’, dans le cas d’un déménagement, etc… Les choses ont changé, nous en avons ainsi vu un certain nombre à vendre dans le vieux Trinidad. Les taxis aussi se sont ouverts au privé, ils sont de plus en plus nombreux. Tous ces bénéfices sont fortement taxés, de façon à maintenir une certaine redistribution.

Mais tous ces services vendus aux touristes (on se sent parfois être une vraie vache à lait) le sont en CUC. Aussi une simple course en taxi, facturée par exemple 5 CUC, représente donc 125 Pesos Nacional. Soit une semaine d’emploi d’un travailleur Cubain. Quand nous avons payé les deux semaines de la marina d’Ancon au responsable du port, nous lui avons donné l’équivalent de… 10 ans de salaire ! Combien de temps cela peut-il encore durer ?

 

Evo, Hugo, Raul, et les autres…

Lors de notre séjour, Hugo Chavez était soigné ici à La Havane, il est rentré à Caracas pour y mourir. Sa disparition a entraîné à Cuba (mais aussi dans de nombreux pays d’Amérique Latine) un deuil national de trois jours. Ici à Colon, au Panama, d’où j’écris ces lignes, un portrait géant d’Hugo Chavez trône sur un carrefour. Président élu démocratiquement, mais leader d’une mouvance Bolivarienne très à gauche, le Venezuela fournissait jusqu’à présent à Cuba le pétrole dont il avait besoin, et ce à prix d’ami. Chavez disparu, de nouvelles élections se préparent au Venezuela. Qui succédera à  Chavez ? L’avenir de Cuba se joue peut-être à Caracas. Car si un Bolivarien succède à Chavez, on peut imaginer que le Venezuela continuera à fournir Cuba en pétrole. Mais si tel n’était pas le cas...  L’embargo Américain interdit à quiconque veut commercer avec les Etats Unis, de fournir quoi que ce soit à Cuba. Surtout une denrée aussi sensible que le pétrole (on trouve à Cuba du Coca, les produits Nestlé, ils viennent du Mexique…). L’élection Vénézuélienne du 14 avril prochain va donc être capitale. Déjà il y a deux mois, Raul Castro a autorisé les cubains à obtenir un passeport, et donc de voyager. Certes, il faudrait des brouettes et des brouettes de Pesos Nacional pour se payer un passeport, et ensuite un billet d’avion. Quand nous avons renouvelé notre visa à Cienfuegos, de nombreux Cubains étaient là pour demander un passeport. Mais puisque de plus en plus de Cubains ont accès aux CUC… Une éventuelle fermeture du robinet du pétrole Vénézuélien pourrait bien signifier la fin du régime Castriste : l’organisation d’élections libres entraînerait de fait la suspension de l’embargo américain.

Nous voulions absolument voir Cuba du temps des Castro. Peut-être dans cinq ans nous y reviendrons, les choses auront changé, il y aura alors beaucoup à acheter…

 

 
 
 
 

 

lundi 8 avril 2013

Coccinelle en Martinique

Par : Gilles.
 


Histoire d’îles.

Nos premières heures sur les terres de Martinique auront été consacrées à satisfaire les désirs de chacun, frustrés par 22 jours de mer : poulet, frites, et carambars ! Essayez de savoir quoi pour qui, vous serez surpris !

Passée l’euphorie des premiers jours sur une eau enfin plate, arrosés non d’embruns mais de ti-punchs et agrémentés des récits de traversée de nos nouveaux voisins… ou de certains retrouvés depuis Las Palmas, quelques jours de repos ont finalement été bien nécessaire. Pendant ce temps, bien sûr, le Père Noël n’a pas manqué de nous rendre visite, sur le bateau, même si nous n’avons toujours pas compris comment il s’était débrouillé pour monter à bord : certainement pas par la cheminée du poêle, encore moins par la descente (on l’aurait vu !).

Nous venons donc de passer six semaines en Martinique. La belle Martinique, que nous avons explorée en long, en large et en travers, avec mes parents, venus nous rejoindre deux semaines durant, histoire de nous voir bien sûr, mais aussi d’oublier la froidure hivernale bretonne. Ils auront passé une dizaine de jours à terre, dans une location, et les derniers jours à bord de Coccinelle. Nous avons ainsi pu multiplier les balades, et les ‘pic-nicages’ chers à Apolline.

La Martinique sait offrir des paysages pour le moins contrastés. La côte est de l’île, appelée aussi côte au vent, fait parfois penser à un véritable lagon Polynésien. Une barrière de corail protège ses plages des attaques de la houle, créant ainsi un plan d’eau navigable par endroits en voilier. Les jours de grand vent (quand l‘alizé est frais), elle devient le paradis des kite surfers et des wind surfers, les deux disciplines ayant parfois quelques difficultés à se partager le même terrain de jeu. Cap Chevallier, au sud est de l’île, est leur paradis ; c’est aussi certainement l’un des endroits les plus jolis de la Martinique.

Nous avons exploré les routes du centre nord, encore sauvage, pour se trouver au cœur d’une véritable forêt vierge, là aussi, un exemple quasi unique dans les petites Antilles, avec des lianes qui descendent du sommet d’arbres gigantesques, et desquels on s’attend à tout moment voir Tarzan, venir nous accueillir en nous offrant une banane bien mûre. Un peu plus loin, c’est tout heureux qu’en bon Bretons que nous nous sommes arrêtés pour immortaliser, à l’entrée de Morne Rouge, un panneau indiquant le jumelage de cette commune Martiniquaise avec… Rostrenen, commune du centre Bretagne, à quelques dizaines de kilomètres de Trébry.
Miss Apolline.
 
Camille à Palm Beach
 
Au cœur de la forêt vierge.

Saint-Pierre.
Au 19ème siècle, la capitale de l’île n’était pas Fort de France, mais Saint-Pierre, sur la côte sous le vent, sous le volcan de la Montagne Pelée. Le port était prospère, l’un des plus actifs de la région, la ville était riche, cultivée, elle s’enorgueillait de posséder un superbe théâtre, et même un tramway hippomobile ! Avant la catastrophe d’avril 1902, il y avait bien eu quelques signes avant coureurs, dans la semaine qui l’avait précédée, mais les élections étant proches, et il était hors de question, pour les candidats (qui étaient pour certains déjà aux affaires), de perdre leurs électeurs. Quelques jours plus tôt donc, une coulée de boue avait englouti une usine, faisant déjà quelques victimes, juste au nord de la ville.

Ce matin là, tout est allé très vite, une gigantesque explosion et un souffle incandescent ont tout détruit, en quelques instants, il ne restait plus rien de la ville et de ses habitants, de ses rues et de ses commerces. Juste après l’explosion, une nuée de cendres incandescentes et de pierres de laves a tout recouvert, transformant la ville de Saint Pierre en un gigantesque brasier, ne laissant que mort et désolation sur son passage.

Tous les navires mouillés en rade prirent feu et s’en allèrent par le fond ; tous sauf un : en effet, un capitaine Italien, originaire de Naples, sous le Vésuve (à proximité de Pompéi) avait reconnu dans les fumées qui la veille s’échappaient de la montagne, augurant une tragédie à venir. Contre l’avis de son armateur, il avait levé l’ancre et appareillé. Le bateau et son équipage eurent la vie sauve. L’histoire n’a retenu qu’un seul survivant, une petite frappe du nom de Cyparis. La veille du 6 avril, il avait été arrêté et emprisonné pour ébriété sur la voie publique. Quoi que gravement brulé, il avait du sa survie à l’emplacement de son cachot, blotti à flanc de montagne, contre les hauts murs du théâtre. Si un petit musée retrace l’histoire de la catastrophe, les ruines ne sont malheureusement pas mises en valeur. Certains objets sont restés en place tels qu’ils étaient en ce jour de 8 mai 1902, réduits à l’états de morceaux de ferraille tordus par la chaleur et de ruines noircies. La photo rappelle comme un air de Hiroshima, le lendemain de la bombe, vous ne trouvez pas ?
 
Avant…
Et après !
Sur les ruines du théâtre.
 
 
Rhum, canne à sucre, banane et jolies plages : les atouts du tourisme.

Bien sûr, on ne pouvait pas séjourner en Martinique sans s’offrir la visite d’une distillerie de rhum. Il est important en voyage de soutenir l’économie locale. Malheureusement pour nous, la distillerie La Mauny (qui produit aussi le rhum Trois Rivières) n’était pas encore en activité, la campagne de distillation n’a commencé que la semaine qui a suivi notre visite, mi janvier. Chez La Mauny, une partie de la canne à sucre est livrée par des petits planteurs indépendants, l’autre l’étant directement dans les plantations aux alentours immédiats du domaine. Le travail est dur, les ouvriers sont tâcherons, c’est-à-dire rémunérés à la tonne de canne coupée et effeuillée sur place. Mais de 6 heures à 13 heures, un ouvrier motivé peut gagner jusqu’à 120 € par jour. Chose surprenante (mais qui vaut aussi en Espagne ou en Métropole pour le maraîchage), malgré le taux de chômage important en Martinique, particulièrement chez les jeunes, les saisonniers viennent de République Dominicaine ou d’Haïti.
La canne à sucre et la banane se partagent l’essentiel de la production agricole Martiniquaise. Mais la banane Martiniquaise (la meilleure !), tout comme sa cousine de Guadeloupe, a bien du mal à lutter contre ses concurrentes, la banane dollar, produite dans différents pays d’Amérique Centrale, mais aussi d’Afrique. De subventions conséquentes participent au maintien de l’activité.
Une autre source importante de revenus vient du tourisme, mais l’île a bien du mal à rivaliser avec d‘autres destinations ensoleillées, tout aussi exotiques mais bien moins chères, la République Dominicaine notamment. Je lisais l’autre jour dans France Antilles qu’en 5 ans, la Martinique a perdu 2000 chambres d’hôtellerie, le plus beau symbole étant le Méridien de la Pointe du Bout. Des taux de remplissage trop faibles (et d’autres problèmes dont il est éthiquement incorrect de parler) ont fini par en venir à bout, et sa carcasse à moitié en ruines couverte de tags, contraste amèrement avec la beauté de la baie. Mais pas avec la mégapole qu’est devenue Fort de France, avec ses grands immeubles, ses autoroutes et ses embouteillages, et tous les problèmes liés à une grande ville.
   
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 Dans les bananerais
 
 
 
 














Dans les plantations de canne à sucre


Martiniquaises.

Parmi nos voisins de ponton, à La Rochelle, il y avait Titeuf, un petit ketch de 10 mètres, partis en famille (Barbara et Christophe, Clarisse, 2 ans, et Jules, 4 ans), pour un voyage de deux ans autour de l’Atlantique. Un petit aller-retour de 180 milles, rien qu’ça pour les retrouver en Dominique et célébrer la nouvelle année en trinquant « aux affranchis … du bassin du Gabut ». Avec la promesse de se retrouver à Cuba.

Nous en avons fait d’autres, des rencontres, à Sainte Anne notamment. Durant la traversée, nous avions regretté la disparition de la Météo Marine sur RFI. Tous ceux qui ont un jour traversé l’Atlantique en voilier se souviennent de la voix de Arielle Cassim, et le générique de l’émission, l’accordéon des Innocents, ‘Un autre Finistère’. Et en faisant nos courses au Huit à Huit de Sainte Anne, tandis que Francis Joyon faisait la queue à la caisse (…), je suis tombé devant la boutique nez à nez avec… Arielle Cassim. Il y a eu aussi Christophe, et ma copine Carole, rencontrée ici en Martinique il y a une douzaine d’années (le poulet boucané du dimanche va nous manquer !). Rien qu’en Martinique, la Mer, si elle est ronde, est aussi déjà très petite.
 Papillon géant en Dominique.
 
Escale technique : le Marin, c’est la Samaritaine du Marin, on trouve de tout !

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Pour nous, en dehors de la visite de mes parents, l’escale aura surtout été technique, nous n’avons pas chômé ! En vrac, il a fallu : monter une éolienne (merci Christophe de nous l’avoir ramenée dans tes bagages !), réparer le bout dehors, qui sert à envoyer le spinnaker asymétrique, faire intervenir un technicien qui nous a refait une partie du circuit électrique, changer un vérin de pilote électrique (livrés en Martinique par grand-père et grand-mère), changer le régulateur des panneaux pour un modèle MPTT, plus performant, étanchéifier des hublots, commander et changer deux panneaux de pont (merci la douane de nous avoir fait payer deux fois l’octroi de mer, la taxe locale, alors que nous avions bien précisé que nous étions en transit et que nous allions quitter aussitôt la Martinique…), faire réparer l’émetteur BLU, qui nous permet d’envoyer et de recevoir des mails, mais aussi des fichiers météo. Nous avons aussi fait refaire des nouveaux passeports et effectué les formalités, via Internet, nécessaires à l’obtention d’un visa B2 pour les Etats Unis ; ça nous a pris plusieurs jours, coûté 160 US $ chacun, pour avoir le droit de rencontrer un agent consulaire à Panama ! Rendez-vous est pris pour le 15 avril. Tout ça parce que nous projetons d’aller aux Etats Unis en bateau privé ! Nous avons aussi refait le niveau de la cambuse, car le prochain gros ravitaillement sera à Panama. Mais que la vie est chère en Martinique ! En clair, nous avons profité d’une ultime escale où l’on trouve de tout avant de se lancer dans la grande aventure, l’Océan Pacifique. Car le prochain endroit où l’on trouvera de telles facilités techniques dans la plaisance, ce sera à Hawaï, dans 18 mois. Alors autant être prêts !
Nous avions prévu de partir pour Cuba dès le lendemain du départ de mes parents pour la métropole, mais il nous restait encore beaucoup de choses à peaufiner, nous avons donc finalement quitté le mouillage de Sainte-Anne une dizaine de jours plus tard (un dimanche, j’aime bien partir un dimanche pour une traversée ; mais jamais un vendredi !), pour faire route vers Santiago de Cuba. So long…


L'équipe de choc au travail

 
 
Tu tires ou tu pointes ? Aux anses d'Arlets
 
A Portmouth en Dominique, la feinte pour que les parents choisissent son bar : le tenancier passe aux enfants des dessins animés !
 
 








 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cap Chevalier