Coccinelle aux Marquises (saison deux).
Par : Armelle & Gilles.
Par : Armelle & Gilles.
Coccinelle sous voiles entre Nuku Hiva
et Tahu Ata.
Déjà
plus de 6 mois que nous avons retrouvé les Marquises. En janvier, après un bref salut à
Gauguin et Brel sur l’île d’Hiva Oa qui manquait à notre itinéraire de l’an
passé, puis un petit séjour dans notre mouillage préféré de Tahu Ata, nous
avons vite regagné l’île de Nuku Hiva pour la rentrée scolaire des filles et
repris nos petites habitudes de l’année passée. Oubliée la frénésie des grandes
villes de Californie pour se fondre dans la quiétude du petite village de
Taiohae, où rien n’a changé : Henri et son snack, Jean et Maeva à la
pirogue, les copains-profs sur la plage et les nombreux voiliers dans la baie
qui, comme nous, viennent trouver refuge pendant la saison cyclonique. On se
retrouve, on s’attend, on fait de nouvelles rencontres.
Ces
trois mois passés à Nuku Hiva ont vite filé, rythmés notamment par la
restauration d’une pirogue de type V3 (V3 pour 3 rameurs, contre un pour le V1
pour un rameur, et V6 pour 6 rameurs), sous la houlette de mon ami Pierre. Nous
en avons passé des heures à manier la ponceuse et la spatule, la résine époxy
ou polyester, la ponceuse encore et le pinceau de nouveau, pour redonner à
cette pirogue son lustre d’antan. Mais le chantier a duré plus longtemps que
prévu, et quand le temps s’en est venu de devoir quitter Nuku Hiva, le travail
n’était pas encore terminé. Nous n’avons donc pas eu le plaisir de ramer sur
notre splendide V3 ni même la joie d’admirer sa jolie robe jaune, qui devait
être appliquée par un pro de la carrosserie automobile. Las, une probable
erreur de dosage de la peinture bi composants a ruiné le fini (ce qui est
ballot pour une peinture de finition), elle a mis une éternité à polymériser et
au bout du compte sa surface est apparue toute grêlée, à refaire. Quand nous
sommes passés à Nuku Hiva fin juin avant de descendre vers les Tuamotu, elle en
était toujours là… Mais je ne désespère pas un jour prochain de pouvoir enfin
ramer à son bord ! Et puis, on a créé une petite dynamique, une autre pirogue a été retapée, des jeunes s'y mettent.
Nuku
Hiva saison deux, fut aussi l’occasion pour nous de nous initier au surf,
surtout Armelle d’ailleurs qui dès sa première vague, a réussi à tenir debout
sur sa planche (grâce à un bon professeur !). Pour les filles, la petite
balade à cheval de l’an dernier a pris une autre dimension cette année quand
elles ont chevauché d’un bout à l’autre la grande plage de Taiohaé, sur
plusieurs kilomètres.
Côté
virus et parasites l’année dernière nous vous avions raconté nos déboires avec
les poux et les cafards. Cette année c’est le chikungunia et la gale qui
sont venus nous visiter, puis juste derrière le syndrome pied-main-bouche. Et
comme tous ça c’est contagieux, les filles ont manqué l’école pendant près d’un
mois (ouaiai !), privées aussi de baignade (oooh !). Le climat des
Marquises favorise la vie sous toutes ses formes !
Nuku Hiva. Avec Pierre au travail sur
la pirogue. On a parfois oublié de passer l’balai…
Nuku Hiva. Apolline et Camille en route
vers la cascade d’Hakaui.
Vivre
les Marquises à la Marquisienne, au présent sans lendemain, opportunistes* le
matin, déjà fiu** l’après-midi, festifs, philosophes ou contemplatifs le soir,
dans un décor toujours aussi majestueux, où le vent ne souffle jamais ni trop
fort ni trop froid ; tout cela nous avait terriblement manqué lors de notre
mésaventure en Alaska ! La Coccinelle et son équipage se posent un temps,
se reposent aussi et réfléchissent à l’avenir.
Certes
lors du démâtage nous étions assurés, mais nous y avons bien sûr laissé des
plumes, même si au final et avec le recul il faut reconnaître que l’on s’en est
plutôt bien sortis.
Revenus
aux Marquises, il était devenu évident qu’il fallait remplir la caisse de bord,
qui avait sensiblement fondu. Et donc travailler. Car aux frais liés au
démâtage sont venus s’ajouter ceux générés par la remise à niveau du bateau,
hors gréement, même si nous avons pu bénéficier aux Etats-Unis de tarifs plus
légers qu’en Europe, ou qu’en Polynésie.
Auparavant,
il nous a fallu régler avec les Douanes l’épineux problème de la Papeetisation.
La Papeetisation, quèsaco ?
La
loi est claire. Toute personne qui arrive en voilier n’est pas sensée
travailler sur le territoire du ‘Pays’, sans avoir ‘Papeetisé’ son bateau,
c'est-à-dire s’être acquitté auprès des Douanes des droits et taxes dites de
mise à la consommation. Cette taxe est désormais fixée à 7 % de la valeur du
bateau. Nous étions tout à fait au courant de ce texte, c’est pourquoi nous
avions dès la veille de la première journée de travail d’Armelle à Atuona,
adressé aux Douanes à Papeete un mail les informant de notre situation. Bien
nous en a pris, car en avril, lors de la tournée annuelle de contrôle des voiliers
en grande transhumance Pacifique, de passage aux Marquises, les Douaniers sont
montés à bord. J’étais seul à bord, et je leur ai fait part du fait qu’Armelle
travaillait au collège depuis une dizaine de jours, et que nous étions toujours
en attente d’une réponse au mail que je leur avais envoyé un peu plus tôt.
Ayant pu prouver notre bonne foi nous avons ainsi pu éviter, de justesse, une
amende qui à ce que j’ai cru comprendre peut atteindre jusqu’à 50% de la valeur
du bateau. Ce qui n’a pas empêché le bras armé du Ministère du Budget de saisir
Coccinelle, tout en nous en laissant heureusement la jouissance. Nous avons
ensuite lancé une procédure de Papeetisation (voir plus loin le texte, pour
ceux que cela intéresse), et nous sommes acquittés de la somme de 2.500 € environ,
transitaire compris. Puis la saisie a été levée. Ouf ! Nous pouvons
désormais travailler, et rester en Polynésie Ad Vidam Eternam, même si là n’est
pas notre intention, qui reste de boucler la boucle et à un moment ou un autre nous
reprendrons le chemin de La Rochelle, via Belle île.
Hiva Oa, ‘gémir n’est pas de mise, aux
Marquises’ (J. Brel).
Etant
donné mon niveau d’études, Bac à sable, et celui d’Armelle, Bac + 7, nous
décidons à l’unanimité que ce serait Armelle qui chercherait un travail. Etant
attirée par l’enseignement et sachant que bon nombre d’établissements scolaires
manquent d’enseignants elle a contacté le Rectorat de Papeete afin de voir si
elle ne pourrait pas mettre ses connaissances scientifiques à la disposition
des élèves Polynésiens à la rentrée prochaine. A notre grande surprise elle
s’est aussitôt vue proposer un poste à 1/3 temps au collège / lycée d’Atuona,
non en maths, ni en physique mais en arts plastiques et arts appliqués. C’est
donc fin mars que nous avons quitté Nuku Hiva et sa superbe baie pour Atuona.
Atuona, tout le monde (ou presque) connaît, c’est là que Paul Gauguin et
Jacques Brel ont terminé leurs jours, ils y sont d’ailleurs enterrés. Si un 1/3
temps ne nourrit pas son professeur ni sa famille, nous pensions que cette
première expérience nous aiderait à décrocher un poste à plein temps pour
l’année scolaire 2015 2016. C’est effectivement ce qui s’est passé, et le 10
août prochain, nous sommes retournés à Atuona pour la rentrée des profs,
puisque Armelle y travaille désormais 14 heures par semaine, sachant qu’un temps plein
en compte 18. Comme nous l’avons fait au cours des mois précédents, chaque week-end
(voir plus loin) nous prendrons le chemin de notre mouillage secondaire, Ana
Moe Noa sur l’île de Tahu Ata. Les postes de fonctionnaires territoriaux, et
par conséquent les enseignants, sont très bien payés en Polynésie, avec un
salaire brut et quasi sans retenues, multiplié par 2.08 par rapport à ceux de
métropole, dans le cas des îles les plus isolées, ce qui est le cas pour les
Marquises. Et le tout net d’impôts. Cette indexation du salaire des
fonctionnaires vise officiellement à contrecarrer la vie chère dans les
territoires du Pacifique ; à moins qu’elle n’en soit l’une des
causes ? En tous cas nous allons en profiter, il appartient au législateur
de revoir cet état de fait pour le moins inégalitaire, car les salariés du
privé, peu nombreux il est vrai dans les îles, ne bénéficient pas de ces
dispositions.
Le ramassage scolaire passe au
port, et chaque matin à 06h45 Gilles dépose les filles et leur maman professeure à terre pour qu’elles se
rendent à l’école avec le Truck, ces châssis de camions équipés d’une cabine en
bois et qui font office de car de ramassage scolaire dans les îles ; il y
a encore quelques années les trucks représentaient le mode de transport public
principal à Tahiti, mais on a estimé que l’alignement des passagers en rang
d’oignons dans le sens de la longueur n’était plus en conformité avec les
règles modernes de sécurité routière. Heureusement, le mythe perdure dans les
îles…
Bienvenue à Hiva Oa. Chouette, on va y rester quelque temps !
La
cours de récré de l’école d’Atuona.
Hiva Oa. La famille Coccinelle sur les
hauteurs du port.
Hiva Oa. Zen…
Hiva Oa. La tombe de Jacques Brel.
Hiva Oa. La tombe de Paul Gauguin.
Hiva Oa. Le Truck, le car de ramassage
scolaire.
Hiva Oa. Séance de CNED pour Apolline
et Camille.
Tahu Ata.
Les
eaux qui baignent les îles Marquises sont loin d’être cristallines, elles sont
en général très chargées. Dans l’eau, on n’aperçoit pas la main tendue tant
l’eau est chargée d’alluvions qui salissent les coques et n’engagent guère à la
baignade. Mais heureusement à moins de deux heures de Hiva Oa, il y a Tahu Ata.
Tahu Ata, c’est un peu le paradis délaissé tout à côte de la grande ville. Il
faut cependant relativiser, quand la ville s’appelle Atuona et qu’elle cumule
un petit millier d’habitants, et quand l’île s’appelle Tahu Ata et que sa
population totale culmine à 700 âmes. Tahu Ata possède un atout de choc, celui
d’offrir de jolies plages de sable fin rares aux Marquises, bordées de
cocotiers, et surtout offrant une eau de couleur bleue, qui sans avoir la
clarté des fonds des Tuamotu, permet tout de même de nager avec les reines du
lieu, les raies Manta. Dans la baie d’Ana Moe Noa, c’est avec toute une famille
de raies, la plus grande atteignant les 4 mètres d’envergure, les
plus petites 1.50 m
peut-être, que le visiteur peut batifoler en étant simplement équipé de palmes
masque tuba. Ces séances de nage sont magiques (Apolline eut droit à son baptême
avec les raies le jour de ses six ans), et il faut vraiment se convaincre
qu’elles sont parfaitement inoffensives quand elles se nourrissent, alors
qu’elles filtrent l’eau l’immense gueule grande ouverte, battant lentement
l’eau de leurs ailes, et qu’elles arrivent vers vous. A Tahu Ata, du nord au
sud, sous le vent, trois mouillages offrent leurs charmes. Au nord, Ana Moe Noa
donc ; plus au sud, Vaitahu, le village principal, où le débarquement peut
parfois être problématique, quand la houle vient à marée haute recouvrir le
petit débarcadère. Et au sud enfin le petit village d’Hapatoni, célèbre pour
ses sculpteurs, sur os ou sur bois, un lieu où il y a bien longtemps que le
temps s’est arrêté… L’école se termine à 11h30 le vendredi. Le temps de
déjeuner, chaque week-end nous relevons nos ancres, hissons la grand-voile, et
mettons le cap vers le canal du Bordelais, qui sépare Hiva Oa de Tahu Ata, et
venons passer le week-end à Ana Moe Noa. Nous y passons des jours heureux, même
si le débarquement sur la jolie plage de
sable blanc, bordée de cocotiers comme il se doit, est de temps en temps problématique
quand la houle est de la partie ; à tel point que parfois les filles ne
sont pas autorisées à batifoler dans l’eau, tant le ressac et le courant
générés par les vagues qui brisent sur la plage y rendent la baignade
périlleuse. C’est à Tahu Ata que j’ai fêté mes 50 ans…
Par
effet Venturi, le vent s’engouffre dans le canal du Bordelais, et se renforce,
idem pour la mer qui rebondit contre les falaises de Hiva Oa. Le vent est plus
calme le matin, aussi chaque lundi on se lève à 4 heures, un petit déjeuner
puis je remonte l’ancre, et nous hissons la voile, de façon à se présenter à
l’entrée du canal aux toutes premières du jour.
Nous
longeons alors la côte nord de l’île, contre les alizés donc, au moteur, sous
le regard des hordes de chevaux (semi) sauvages qui broutent sur les falaises
qui s’illuminent dans le soleil levant. C’est grandiose. Puis nous traversons
le canal et arrivons au port. Le truck passe à 06h45, jamais nous n’avons
réussi à l’avoir, j’approche alors le nez de Coccinelle le long d’un quai,
Armelle, Apolline et Camille sautent à terre et prennent le chemin de l’école,
en stop, à 5 km
de là. Elles sont toujours arrivées à l’heure !
Fin
juin, nous sommes repassés par Nuku Hiva, avant de descendre dès qu’une fenêtre
météo s’est présentée vers les Tuamotu et principalement l’île de Fakarava,
mais ces ‘vacances’ feront l’objet bientôt d’un nouveau post.
Tahu Ata. La baie de Vaitahu.
Tahu Ata. Les petites Coccinelle.
Tahu Ata. Un dauphin saute devant un
cata au mouillage devant Vaitahu.
Tahu Ata. La plage d’Ana Moe Noa peut
être calme…
Tahu Ata. La même plage l’instant
d’après…
Tahu Ata. Rencontre avec la reine des
lieux.
Tahu Ata. Le spectacle de nos lundis
matins, celui des chevaux sauvages au sommet des falaises, dans le soleil
levant.
Vivons-nous seulement d’amour et d’eau
fraîche ?
C’est
peut-être l’occasion d’expliquer comment nous finançons le voyage. J’ai
(Gilles) construit deux maisons dans les Côtes d’Armor, qui ont été chacune
quasiment payées une fois achevées. Elles sont désormais louées, mais la
location d’une maison n’est pas une science exacte, il arrive parfois qu’elles
ne soient pas louées pendant un certain
temps, jusqu’à quatre mois pour l’une d’entre elles en ce début d’année.
Par ailleurs, je continue de m’occuper d’une rubrique dans Multicoques
Mag / Multihull World, et je vends environ de 15 à 20 pages d’articles à
d’autres magazines par an, souvent des récits de voyage de Coccinelle (Gambier,
Marquises, Alaska…), parfois les aventures d’autres bateaux. Des revenus
auxquels s’ajoutent les droits d’auteur de la réédition de mon bouquin sur les
multicoques. Ces revenus cumulés donnent environ 1500 € par mois. Il y a deux
ans, les revenus générés par le transport à Pitcairn avaient été les bienvenus.
Côté
dépenses, nous avons tenté dans la mesure du possible de diminuer les frais
fixes. Bien sûr nous n’avons aucun crédit d’aucune sorte, le B A Ba de la
liberté. Nous avons éradiqué les prélèvements mensuels tels que loyers,
assurance automobile, Internet et téléphone mobile, toutes ces dépenses ne nous
concernent pas. D’autres sont incontournables, c’est le cas des assurances,
maisons et bateau. A ce sujet, l’assurance avec qui nous étions en contrat
jusqu’à présent et qui nous a indemnisés lors du démâtage (à hauteur de 24.000
€ !), vient de multiplier sa prime annuelle par 3, passant de 1500 € à
4500 € ; nous sommes toujours à la recherche d’une nouvelle assurance.
L’abonnement Sailmail coûte 250 US $ par an, soit environ 200 €. Les services
offerts par cette association Etats-unienne nous permettent de recevoir et
d’envoyer à bord, via la radio longue portée BLU, des mails et ce où que nous
nous trouvions, et notamment au cours des traversées océaniques, ou encore dans
les mouillages isolés. Sailmail nous permet également d’obtenir des prévisions
météo fiables. Pour la petite histoire, lors du Tour du Monde d’Orca il y a 20
ans, j’ai navigué sans météo depuis les Antilles jusqu’au Canal de Suez !
Nous
sommes quatre et les filles mangent autant que les adultes, le budget
nourriture est donc conséquent. A Hiva
Oa, le poisson frais, en l’occurrence le thon, est plutôt bon marché, de
l’ordre de 3 à 4 € le kilo. Les produits de base sont subventionnés, on les reconnaît
dans les boutiques à leur étiquette rouge. Ces produits que l’on appelle les
PPN, les Produits de Première Nécessité, ne coûtent pas trop cher, ainsi en
est-il pour la farine, le sucre, le lait en poudre, le poulet congelé, mais
aussi certaines entrecôtes ( !), ou quelques boîtes de légumes. Le reste
est très cher, et notamment l’alcool, de deux à trois fois plus cher
qu’ailleurs sur terre… Vient ensuite l’entretien du bateau, que nous essayons
de maintenir à un bon niveau de qualité. Nous dépensons ainsi chaque mois
depuis que nous sommes partis environ 2000 €, nous vivons au dessus de nos
moyens ! Le matelas gonflable avec lequel nous étions partis, 25.000 €,
s’est donc peu à peu dégonflé. Il est temps de réagir.
4x4 Toyota.
Papeetisation mode d’emploi.
Ce
texte intéressera surtout les voileux qui pourraient être confrontés à cette
problématique de la Papeetisation ; les autres n’y trouveront que peu
d’intérêt…
Avant
d’y être confrontés nous ignorions tout de la procédure, aussi il nous a paru intéressant
de la décrire par le détail dans ces lignes, des infos qui intéresseront
surtout ceux qui sont en bateau et qui un jour peuvent être concernés. Dans le
processus de Papeetisation, la question centrale est celle de la valeur de
votre bateau que vous allez donner aux Douanes, via le transitaire choisi. Trop
faible, elle sera rejetée par les Douanes, qui peuvent même le cas échéant vous
accuser de déclaration frauduleuse. Trop élevée, vous serez taxés sur la base
de 7% de cette valeur. Quelle valeur faut-il prendre ? Les Douanes peuvent
être tentées de le faire simple et se contenter d’éplucher soit les sites de
petites annonces, ou encore les sites ou magazines du type l’Argus du bateau.
Hors le prix de vente demandé par le vendeur d’un bateau n’engage que lui, et surtout il ne
représente pas le montant réel des transactions. On voit ainsi fleurir des
annonces de Jeanneau Sun Shine 36 à 50.000 € ou 60.000 €, ce qui était peut-être
le prix de vente de telles unités il y a 7 ou 8 ans, avant l’automne 2008 et la
crise financière qui a suivi la chute de Lehman Brothers. Depuis, et la donne
est un peu plus affûtée encore en Polynésie, la valeur d’un bateau correspondra
au prix que voudra bien y mettre un acheteur. Les journaux qui éditent ces
cotes sont avant tout des supports de pub, et leurs annonceurs sont
majoritairement les vendeurs professionnels de bateaux. Qui ont tout intérêt à
voir apparaître une cote des plus élevées pour tenter de vendre au meilleur
prix leurs bateaux. Car un acheteur potentiel consultera lui aussi ces cotes
avant de déclencher son achat. Il y a bien plus de bateaux à vendre qu’il
n’existe d’acheteurs potentiels, et ce particulièrement pour les monocoques en
Polynésie. Des copains viennent d’acheter un monocoque en alu de 13 mètres , je l’ai
visité, il est propre et bien équipé, à 45.000 €, d'autres nt acheté un Hunter 36, certes un peu abîmé mais vieux de 10 ans, 15.000 €! Le problème est un peu
différent pour les multicoques, qui restent les plus recherchés. Il va donc
falloir tenter de donner une juste valeur au bateau, moins élevée que celle
donnée par les petites annonces ou les cotes des magazines, mais en restant
cohérente et surtout acceptable par les Douanes.
Le
cas de Coccinelle est particulier car nous l’avons acheté (avant la crise de
2008 !) aux Etats-Unis, nous avions alors bénéficié d’un taux de change
des plus favorables : nous avions négocié l’achat du bateau à 42.500 €, ce
qui une fois convertis donnait 29.500 €. C’est cette valeur que nous avions
donnée aux Douanes Portugaises des Açores lors de notre entrée sur le
territoire de l’Union Européenne. Elle avait été validée par le transitaire de
Horta puis par les Douanes, et c’est sur cette valeur que nous avions payé les
droits de Douane, TVA incluse, qui s’élevaient à l’époque à 15% aux Açores,
contre 18.6 % dans le reste de l’Union, et notamment en France. Depuis le
bateau a décoté, c’est pourquoi il nous a paru cohérent de présenter une valeur
de Coccinelle à 29.500 €, ce qui correspond à 3.279.951 XPF, le Franc Pacifique, la monnaie en cours dans les Territoires Français du
Pacifique Sud.
Le transitaire.
Sur
la foi des expériences des autres, nous avions dans un premier temps pris
contact avec un transitaire, PGL. Celui-ci nous a fait savoir que la valeur
indiquée n’était pas ‘recevable’, qu’un Jeaneau Sun Shine vieux de 33 ans
valait plus que cela. Et il nous a transmis deux simulations, l’une sur une
valeur de 20.000 € soit 2.386.600 XPF, et l’autre, de leur propre chef, à
40.000 €, soit : 4.773.200 XPF, sur lequel les honoraires du
transitaire passent à 90.000 XPF TTC, contre 53.937 XPF pour la première
valeur. Soit un quasi doublement de sa commission, sans parler de la taxe à
payer aux Douanes, qui elle reste à 7%. Même si dans une bonne affaire il est
indispensable que les deux parties soient satisfaites, il nous est apparu
clairement que nos intérêts divergeaient, et tant qu’à payer les services d’un
transitaire, autant qu’il soit du côté du donneur d’ordre et surtout du payeur.
Nous
nous sommes donc dirigés vers un autre transitaire, la société Gondrand. Comme
nous l’avions fait avec le précédent prestataire, nous lui avons transmis en
guise de justificatif de la valeur du bateau le bordereau de paiement de la TVA
au Portugal en 2008. Dès le départ cette valeur est apparue cohérente au
transitaire. Il nous a alors transmis un devis que nous avons accepté : le
montant de leur prestation s’est élevé à 37.000 XPF. Pour compléter le dossier,
nous avons du présenter la licence de l’installation radio électrique, un
élément qu’il faudra peut-être provisionner en amont, sachant qu’il est émis par
l’ANF, l’Agence Nationale des Fréquences, sise à Saint Dié dans les Vosges, et
que plusieurs semaines peuvent être nécessaires à son édition. Bien sûr ces montants
s’appliquent pour une petite valeur comme la notre, sur des bateaux plus
onéreux, le montant de la prestation sera ad hoc.
Notre
dossier a ensuite été présenté aux Douanes, qui l’ont accepté. Il ne nous restait
plus alors qu’à effectuer le virement de la somme sur le compte du transitaire,
celui-ci a ensuite effectué les formalités auprès des Douanes et s’est acquitté
des droits et taxes. Quelques jours plus tard, nous avons reçu le pdf du bordereau
justifiant le paiement des taxes, ça y est, Coccinelle était Papeetisé. De
fait, Armelle pouvait travailler, et notre maison flottante rester en Polynésie
Française aussi longtemps qu’il lui plairait.
Au
total, nous avons donc versé la somme de 290.084 XPF pour voir notre bateau
Papeetisé, soit : 2.500 € environ.
Coccinelle au mouillage.
Séjour en Polynésie.
Jusqu’à
2014, un voilier en importation temporaire sur le ‘Fenua’ ne pouvait y rester
qu’une année, avant de soit poursuivre sa route, soit s’acquitter des taxes et
droits qui il y a un an encore s’élevaient à 20% de la valeur du bateau. Cette
mesure était bien sûr improductive, puisque personne ne s’acquittait de cette
taxe. De plus, en limitant le séjour à un an, le Pays se privait de la ressource
des plaisanciers, pour beaucoup des retraités au pouvoir d’achat confortable,
et qui dépensent leur argent chez les commerçants Polynésiens, chantiers,
transporteurs aériens, restaurateurs, etc. Le séjour des non Européens est
quant à lui toujours limité à une durée de trois mois, c’est le cas pour les
Canadiens et Américains, qui de fait ne restent que peu de temps en Polynésie. Ils
sont une infime partie à se lancer dans le marathon administratif d’une demande
de visa. Là aussi un assouplissement des règles de séjour favoriserait le
tourisme. Il faudrait aussi que les billets d’avion soient un peu plus
abordables, mais cela est un autre débat…
Concernant
le temps de séjour des bateaux les choses ont également changé et désormais un
voilier peut rester trois ans en Polynésie, à condition bien sûr qu’aucune
personne présente à bord lors de l’entrée du bateau sur le territoire du Pays
ne travaille, et la taxe de Papeetisation a donc été ramenée à 7%.
Speed boat et dauphin.
Expertise ou pas ?
Concernant
la valeur du bateau, l’autre solution aurait consisté à faire intervenir un
expert. Mais là aussi quelle valeur va-t-il donner au bateau (voir en
encadré le cas de Black Pearl) ? Pour assurer un bateau l’expertise
produite est en général supérieure à la valeur transactionnelle du dit bateau. Coccinelle
a été payé 29.500 €, soit 32.000 € TTC environ. Pourtant, après travaux, il avait
été expertisé par notre assurance à 68.000 €. Mais il ne s’agit pas là d’une
valeur transactionnelle, et il serait anomal d’utiliser cette valeur comme base
de taxation.
En
cas de litige avec les Douanes, une expertise peut apporter un élément de
détermination, mais elle peut très bien être refusée par les Douanes. Certains
experts travaillent à distance et ne se déplaceront pas spécialement pour voir
le bateau, le problème est récurent en Polynésie où les distances sont énormes,
ainsi les Gambier sont à 4 heures de vol de Tahiti, les Marquises à 3 heures 15 minutes,
etc. Nous avons été en contact avec un expert pour qui une inspection visuelle
du bateau était indispensable, c'est-à-dire un déplacement aux Marquises. L’addition
aurait été salée, 600 € d’avion, 100 € de location de voiture, 200 € d’hôtel,
sans compter le coût de l’expertise en elle-même, pour 700 € environ. Avec un
piège, car après avoir payé les services de cet expert, qui décidera de son
chef la valeur du bateau, et donc le montant des taxes à payer, rien ne dit que
celle-ci sera ensuite acceptée par les Douanes… Pour conclure, et d’après ce
que l’on a pu constater, cette valeur doit surtout être cohérente. Bien sûr, la
facture d’achat du bateau évitera toute contestation. Evidemment, chacun tente
de rendre ses affaires prospères, et essaiera de facturer un maximum de
prestations. Mais un minimum d’informations permettra d’économiser un peu
d’argent, qui restera dans la caisse de bord et permettra de prolonger un peu
plus encore le rêve éveillé du voyage en voilier dans les Mers du Sud…
Coccinelle et pirogue traditionnelle.
Bonitier assurant les liaisons inter
îles.